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#138. Drogues et trafics : une tendance inquiétante - MICHEL GANDILHON

Comment fonctionne les marchés de la drogue ? Comment impactent-ils les sociétés ? Comment réagir ?









Michel Gandilhon est Spécialiste des questions liées aux trafics de drogues illicites, il est membre du conseil d’orientation scientifique de l’Observatoire des criminalités internationales (ObsCI) et expert associé auprès du département Sécurité défense du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). La drogue fait partie de ce que j’appelle les structure de l’ombre.


Elle est là, elle circule partout et tout le temps, elle dépend de réseaux ultra complexes, ultra sophistiqués, mondialisés, l’argent qu’elle génère fait vivre des millions de personnes en même qu’il déstabilise des territoires entiers, parfois des pays.

D’un côté elle est associé au divertissement ou au soulagement, et de l’autre à la souffrance, à la corruption, à la violence et à la mort. La drogue ne se voit presque pas, et pourtant elle est partout, de plus en plus structurante, notamment en France et en Europe.


Quand on s’intéresse à la société et ce qui la met en mouvement, il est donc légitime de regarder aussi de ce côté là, parce que c’est une des pièces du grand puzzle du monde. Dans cet épisode, nous explorons les origines historiques du commerce de la drogue, son évolution à travers les décennies, et les implications profondes sur la société. De la guerre de l'opium en Chine aux réseaux de distribution contemporains, nous analysons le rôle des différents acteurs, les changements dans les modes opératoires et l'impact géopolitique de ce phénomène mondial.

Nous nous attardons sur le cas de la France, sur la montée en puissance des trafiquants, d’où elle vient et ce qu’elle provoque , ainsi que sur la réponse (inadaptée) de l’État.


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Interview enregistrée le 15 mai 2024 dans les studios de Plink (merci!) https://www.plink.fr/


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Livre de Michel Gandilhon : Drugstore


Transcript


Bonjour Michel. Bonjour. Bonjour. Merci de m'accorder ce temps. On va parler ensemble de drogue, on va parler des trafics de drogue, on va parler de corruption, on va parler de [00:01:00] criminalité, de voir comment tout ça s'imbrique et comment est-ce que ça forme une structure de notre monde actuel, de notre société actuelle.

Est-ce que vous pouvez commencer par vous présenter brièvement, parler un peu de ce que vous faites et pourquoi vous vous êtes intéressé à ce sujet ? Oui, donc je m'appelle Michel Gondillon, je suis spécialisé sur les questions de trafic de drogue, de criminalité organisée, aussi de géopolitique de drogue, parce que je m'intéresse énormément à l'actualité internationale, aux rapports de force entre les États aux conflits territoriaux, et on le sait peu, la drogue est un facteur géopolitique puisqu'elle engendre des luttes pour le pouvoir, des luttes de contrôle territorial.

J'ai travaillé pendant plus de 20 ans à l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, devenu Observatoire français des drogues et des tendances addictives, et là actuellement je suis expert associé au pôle sécurité-défense du CNAM, Conservatoire national des arts et métiers, où je continue de suivre ces questions liées au [00:02:00] trafic de drogue.

D'accord. Donc, il y a de l'historique, on va dire. Ça fait longtemps que vous suivez ces questions-là et vous êtes intéressé parce que vous estimez que c'est quelque chose qui va structurer la société en profondeur. Comment vous êtes tombé sur ces sujets-là? Incontestablement, oui, je vous l'ai dit, je m'intéresse énormément aux questions géopolitiques et la dimension de la criminalité internationale, les activités du crime à l'échelle mondiale qui sont beaucoup accélérées avec la mondialisation de ces 20, 30, 40 dernières années.

Joue un rôle fondamental dans les équilibres de force. On le voit tous les jours en Amérique latine où le crime organisé possède une force de déstabilisation des États. Et ce qu'on pensait en être complètement préservé dans nos sociétés avancées, civilisées, entre guillemets, pacifiées de l'Union européenne, mais on sent monter une inquiétude liée aussi à la montée du crime organisé, et notamment celui [00:03:00] lié à l'importation de drogue et la production de drogue en Europe aujourd'hui, puisque l'Europe devient une terre de plus en plus de production.

Alors vous avez sorti un livre récemment qui s'appelle « Drugstore » dans lequel vous racontez l'histoire de la consommation de drogue, l'histoire des trafics, comment tout ça évolue avec justement les aspects géopolitiques, comment ça se percute en fait aussi avec la grande histoire sans que ce soit forcément évident pour tout le monde, et puis dans lequel aussi vous faites un état des lieux de ce qui se passe en Europe et en particulier en France.

Sous-titrage FR 2021 Donc on va utiliser ça comme base. Et puis c'est intéressant aussi de mentionner le contexte dans lequel on discute, puisque hier, en fait, a eu lieu une évasion spectaculaire et meurtrière d'un individu, donc Mohamed Amra, qui aujourd'hui est en cavale à l'heure où on parle, et qui est connu pour ses liens avec le trafic de drogue.

Donc on voit comment se matérialise très visiblement dans la société quelque chose qui n'est pas toujours visible, et donc [00:04:00] ça devient quelque chose d'omniprésent dont on parle beaucoup. Et puis hier aussi, la commission d'enquête sénatoriale sur le trafic de drogue a rendu ses conclusions sous la forme d'un petit rapport de 20 pages, en tout cas c'est le résumé, avec le titre « Un nécessaire sursaut, sortir du piège du narcotrafique » et la première partie, notamment, qui se titre « La France submergée par le narcotrafique »

Donc on a des choses à se raconter dans ce contexte-là.

J'aurais commencé d'abord par un état des lieux général, pour comprendre en fait de quoi on parle, et peut-être commencer à poser le décor. D'abord, quelles sont les drogues les plus consommées dans le monde et en France, et comment est-ce que...

Ça a évolué alors dans le monde le marché des drogues c'est la rencontre d'une offre et d'une demande si on regarde du côté de la demande on a des statistiques assez sérieuses Produite par l'Organisation des Nations Unies contre la drogue et le crime, qui chaque [00:05:00] année produit un rapport, montre qu'on aurait 300 millions de consommateurs de drogue dans l'année dans le monde et que cette dynamique de la demande est en forte évolution depuis une dizaine d'années puisque le nombre de consommateurs aura augmenté de 25%.

Donc le marché des drogues au sens large est en très forte augmentation dans le monde. Pour revenir... Plus spécifiquement aux produits qui sont le plus consommés, c'est bien sûr le cannabis qui se divise en herbes de cannabis et en résine de cannabis avec d'autres produits mais qui sont beaucoup plus marginaux si vous voulez dans les consommations.

Essentiellement l'herbe et la résine de cannabis de très loin mais puis après le marché en dynamique aujourd'hui dans le monde qui explose de manière spectaculaire depuis notamment en Europe depuis une dizaine d'années, c'est le marché de la cocaïne. Avec vraiment un très très fort développement de ce marché avec des records de production en Amérique latine [00:06:00] notamment dans les trois pays andins la Colombie, le Pérou et la Bolivie et avec l'Europe qui est particulièrement ciblée puisqu'on pense que l'Europe aujourd'hui est en train de devenir le premier marché de la cocaïne au monde.

Et puis après, le cannabis et la cocaïne qui sont vraiment les drogues phares, il y a des drogues qui sont un peu moins consommées, ce qu'on appelle les drogues de synthèse dérivées des amphétamines comme l'ecstasy qui est beaucoup consommée dans des contextes festifs, dont l'Europe d'ailleurs est un grand producteur, Pays-Bas et Belgique.

Vous avez la question de l'héroïne qui s'est commencé à revenir massivement dans les sociétés, notamment américaines et européennes, dans les années 60-70 et qui a connu une apogée, en tout cas en France et en Europe, dans les années 90. Mais les consommations d'héroïne sont persistantes. Et puis, pour mesurer la gravité du problème des drogues et toute [00:07:00] son ambiguïté, d'ailleurs, dans son origine, il y a la crise des opioïdes aux États-Unis.

Où là, on trouve effectivement deux grands acteurs, je dirais les cartels pharmaceutiques et leur politique irresponsable. On reviendra peut-être plus précisément sur la crise des opioïdes et les cartels mexicains et les organisations criminelles chinoises. Donc voilà une perspective déjà mondialisée, mondiale, qui a provoqué la mort de 800 000 personnes aux États-Unis depuis...

Notamment le fentanyl ? Le fentanyl, ça a commencé par l'oxycontin, le deuxième étage de la fusée ça a été l'héroïne et le troisième étage c'est le fentanyl. Donc qui a provoqué la mort de 800 000 personnes aux États-Unis depuis 2000 environ, avec un million, plus d'un million de surdoses de toutes sortes.

Donc un problème de santé publique comme la société américaine n'en avait jamais connu. Est-ce qu'on peut faire un petit peu d'histoire pour comprendre la dynamique ? [00:08:00] Peut-être partir des guerres de l'opium sans aller jusque-là ou alors peut-être on peut le maintenir très rapidement pour comprendre aussi cette cette accélération peut-être à partir des années 60 et comment tout ça s'est propagé, mondialisé et à partir d'aucun moment en fait ça accélère après on pourra regarder la structure mondiale du marché en détail mais Pour comprendre un peu cette dynamique globale.

Alors l'histoire des drogues est longue, puisque la prise de drogue est consubstantielle à l'humanité. On trouve des références à l'opium, au cannabis, dans des textes qui datent de milliers d'années. Mais le grand tournant dans l'histoire des rapports entre l'humanité et les drogues, ça a été quand même le 19e siècle, et les progrès de l'industrie chimique et pharmaceutique, et la découverte des alcaloïdes, c'est-à-dire des principes actifs des drogues, ont pu être utilisés pour fabriquer des substances synthétiques ou semi-synthétiques, dérivées notamment du pavot à opium et [00:09:00] de la coca.

Donc ont permis au 19e siècle de fabriquer l'opium, la morphine, l'héroïne et la cocaïne. Donc, à partir de là, sont apparus des usages plus, disons, plus nuisibles à la santé humaine, des usages toxiques. Les toxicomaniaques, qui se sont beaucoup développés à partir de la révolution industrielle parce que les usages de drogue sont indissociables d'un certain état de la société, notamment l'apparition de la société industrielle.

La révolution industrielle a suscité un certain nombre de traumatismes. Par exemple, Friedrich Engels, le compagnon de Marx, parlait beaucoup des usages d'opium, de l'odanum dans la classe ouvrière britannique. Donc avec une fonction de l'usage de drogue pour apaiser les douleurs. Un peu plus tard, va se développer les usages de cocaïne aussi.

Et ce qui est intéressant aussi à l'époque, [00:10:00] c'est que l'humanité tâtonne dans ses recherches et qu'au départ, la cocaïne, l'héroïne sont des médicaments diffusés par l'industrie pharmaceutique. Donc il y a cette ambiguïté, cette ambivalence qu'on trouve dès le début de ce problème, qu'on va retrouver avec la crise des opioïdes aujourd'hui aux États-Unis.

C'est le rôle de l'industrie pharmaceutique et le fait qu'après, ces substances qui ont été proposées comme des médicaments ont provoqué des... J'aime pas tellement le terme ravage, mais des gros problèmes sanitaires, ont ensuite été interdites et prohibées au début du XXe siècle et se sont retrouvées prises en main par des réseaux criminels.

Mais l'ambivalence du mot drogue, on le voit dans sa signification anglo-saxonne, puisqu'on parle aussi bien de médicaments que de drogue au sens traditionnel tel qu'on le comprend. C'est presque le produit capitaliste parfait entre guillemets parce que addictif par définition pour propriété oui bien sûr [00:11:00] le consommateur idéal c'est celui d'une certaine manière qui est addict à sa consommation qui ne peut plus s'en passer et qui consomme en permanence donc il y a les guerres de l'opium qui ont ouvert la Chine par deux fois forcées par les anglais puis par les anglais et les français donc il y a le gros marché puis après il y a le XXe siècle avec une accélération mais finalement avec une consommation que vous décrivez dans le livre qui est très faible et qui notamment en France concerne que certains milieux puisque c'est difficile de trouver de la drogue etc et puis il y a des points de bascule c'est à dire qu'à un moment donné notamment à partir des années 60 et en particulier si j'ai bien compris à partir de la guerre du Vietnam il y a une accélération de la diffusion des drogues comment ça se passe

Vous pouvez raconter un petit peu cette histoire du XXe siècle d'abord de la seconde partie qui fait qu'on passe des seuils et que la structure de la consommation Et du marché changent Oui, alors vous avez raison quand même, il faut revenir cinq minutes sur la question des guerres de l'opium parce qu'elles ont été clés, [00:12:00] parce que l'opium a joué un rôle très important dans les stratégies de colonisation.

Notamment, il y a eu les deux guerres de l'opium qui ont été faites par l'Empire britannique qui voulait forcer le marché chinois qui était un marché extrêmement fermé. L'Empire britannique connaissait un déficit de ses échanges parce qu'il importait beaucoup de thé et de soirées et ça provoquait un déficit commercial.

Et effectivement, ils ont trouvé un moyen de combler ce déficit commercial en favorisant la contrebande d'opium contre le pouvoir chinois de l'époque qui était bien sûr opposé. Donc ça a été vraiment une stratégie cynique d'ouverture du marché chinois par la guerre. On l'appelait les guerres de l'opium parce que l'empereur chinois avait détruit des carnaisons d'opium et l'Angleterre avait considéré cela comme un casus belli.

Donc au départ, énormément de cynisme parce qu'on connaissait déjà les ravages de l'opium [00:13:00] et le fait est qu'en 1906, la Chine est ravagée par les consommations d'opium, on Qui estime qu'il y a environ 5% de la population qu'en est dépendante, soit, je crois, près de 20 millions de Chinois à l'époque. Donc, ça provoque des ravages.

Et l'opium est un outil de financement de la colonisation, y compris pour les Français, avec la régie indochinoise de l'opium. La contrebande d'opium rapporte énormément d'argent. Donc, déjà, à la base, on trouve effectivement cette connivence que vous soulignez entre le capitalisme et les drogues. Et puis, il va y avoir les conventions internationales, c'est-à-dire que les États-Unis vont s'ériger en chevaliers blancs pour prendre des parts de marché aux rivaux anglais et français qui ont des empires coloniaux.

Donc, les États-Unis se présentent avantageusement comme une sorte de puissance décoloniale de l'époque et va lancer des campagnes sur la prohibition qui vont déboucher sur des conventions internationales. Donc, première [00:14:00] réunion 1909, Shanghai, 1912, Convention de la haie et régulation de ce marché où on va essayer de réserver ce qu'on appelle les drogues au secteur pharmaceutique.

Il va se construire un secteur pharmaceutique autour des drogues, puisqu'on a besoin d'opium, de morphine, d'opium pour produire de la morphine. La cocaïne, pendant tout un moment, a été considérée comme un médicament. Et on a oublié qu'effectivement, l'Allemagne, via son énorme industrie pharmaceutique et chimique, était un énorme producteur de cocaïne à une époque.

Les États-Unis, le Japon, etc. Et puis, il va y avoir une période où les consommations vont se développer et vont s'éteindre ou beaucoup diminuer dans les années 30-40. Et les problèmes de toxicomanie vont devenir, notamment dans les sociétés américaines et [00:15:00] européennes, un problème plus secondaire. Et puis le problème va ressurgir à partir des années 60, dans le contexte très particulier du développement de la contre-culture, de la contestation du système capitaliste, etc.,

où la prise de drogue va être vécue par une partie de la jeunesse comme une dimension de la contestation de la société. Et à l'époque, l'ère du temps, ce n'est pas tellement la cocaïne et les drogues stimulantes, c'est plutôt des drogues comme le LSD, l'héroïne, bien sûr le cannabis, qui sont considérées comme des drogues de la dissociation.

C'est-à-dire qu'on refuse de rentrer dans la compétition et les drogues sont un élément, effectivement, de ce retrait de la course à la consommation. C'est un tendance qui revient un peu aussi. Oui, en partie, même si la cocaïne reste un peu la drogue emblématique de la société néolibérale d'aujourd'hui, avec son culte de la compétition.

Donc, on va assister à un retour [00:16:00] massif de l'héroïne, d'abord dans la société américaine, et puis ça va se diffuser dans le monde et toucher l'Europe un peu plus tard. La France, dans les années 70, avec un pic de ce qu'on appelle l'épidémie d'héroïne dans les années 95, 1995. 95, ok. Après, on va revenir un peu sur l'accélération aussi liée à la mondialisation.

On peut peut-être en parler, en fait, c'est-à-dire qu'à partir du moment où... Il y a l'accélération de ce qu'on a appelé la mondialisation, donc à partir des années 90, puis vraiment des années 2000 avec l'ouverture de presque tous les marchés. Et puis à partir des années 80 aussi, la libéralisation des échanges, les flux financiers, la structuration du marché commun de l'Union européenne, l'espace Schengen aussi qui apparaît, l'abolition des frontières.

Il y a une nouvelle forme, c'est-à-dire que le monde devient encore plus marchand, les réseaux logistiques qui se développent. Qu'est-ce que ça veut dire pour le trafic de drogue et est-ce que c'est aussi pour ça que ça s'est extrêmement développé ? Il est [00:17:00] certain que le grand décloisonnement du monde, la tendance au libre-échange, la suppression des frontières, notamment ce qu'on appelait l'espace Schengen, la chute du mur de Berlin, l'entrée de la Chine dans le marché mondial à partir de la fin des années 80 avec l'enrichissez-vous, la création des zones économiques spéciales, la création d'un monde global de la marchandise, sillonné de portes-containers, donc explosion du commerce mondial, a facilité les activités du crime organisé.

Et aujourd'hui, effectivement, le marché des drogues est un marché mondialisé à outrance puisque la plupart des substances que nous consommons d'ailleurs en Europe sont produites, la cocaïne en Colombie, l'héroïne en Afghanistan. Le cannabis au Maroc il y a vraiment aujourd'hui un marché mondial un marché mondial des drogues qui a profité [00:18:00] effectivement de l'accélération des échanges par exemple le principal vecteur de la cocaïne aujourd'hui dans le monde c'est le porte-container 75% des saisies de la cocaïne dans le monde interviennent sur un vecteur maritime ce qui est logique je voudrais qu'on parle de la manière dont ce marché est structuré Puisqu'il est effectivement extrêmement structuré, qu'il y a énormément de réseaux, que ça surfe en fait sur tous les réseaux existants ça passe beaucoup par les ports notamment, historiquement j'imagine que ça varie selon chaque type de drogue mais je voudrais regarder quels sont en gros les points communs les grands principes qu'il y a entre la production l'acheminement, la distribution, quelle est la logique en fait pleine du marché puis après on pourra essayer de regarder point par point comment ça se passe mais...

Voilà, du début de la chaîne à la fin de la chaîne, en fait, pour qu'on ait tous les maillons. Oui, alors d'abord, bien sûr, au commencement [00:19:00] était la production. Donc la production a lieu essentiellement dans ce qu'on appelait l'ancien tiers-monde. Donc la cocaïne, je vous l'ai dit, c'est les pays d'Amérique latine, Colombie, Pérou, Bolivie.

L'héroïne aujourd'hui, le grand acteur, c'est l'Afghanistan, qui d'ailleurs, il y a encore 40 ans... N'était pas un grand producteur d'opium et d'héroïne et qu'il est devenu du fait de la guerre. On parlera peut-être du rôle des guerres dans l'accélération du développement de la production des drogues.

Donc ça, l'héroïne, le cannabis qui alimente le marché européen, c'est bien sûr le Maroc. Et puis, il y a des évolutions aussi dans la production, puisque je vous l'ai dit, cette dichotomie nord-sud est en train de s'effacer de plus en plus, puisque l'Europe devient une terre de plus en plus de production, y compris de cocaïne et de substances comme la méthamphétamine, qui était produite plutôt en Asie du Sud-Est, Et au Mexique.

Donc effectivement, la production [00:20:00] se rapproche en quelque sorte des consommateurs, ce qui est très rationnel d'un point de vue économique, vous en conviendrez. Et puis à partir de la production, dans des pays éloignés, pour la cocaïne, il faut toute une logistique pour transporter la cocaïne vers soit le marché nord-américain, soit vers le marché européen, parce que c'est une substance dont le prix a énormément baissé, mais qui reste encore relativement onéreuse, donc qui s'adresse à des marchés où existe une population dotée d'un pouvoir d'achat et d'un niveau de vie relativement élevé.

Même si on commence à voir avec le développement économique en Afrique, un développement des consommations de cocaïne, y compris en Asie. Mais surtout, les deux points forts, c'est l'Europe et le marché nord-américain, le Canada et les États-Unis. Donc, production, logistique, effectivement, il y a des spécialistes aujourd'hui de la logistique.

Et puis après, il y a ceux qui la réceptionnent, qu'on appelle en général les grossistes, [00:21:00] C'est-à-dire des personnes qui ont les structures, la surface financière pour importer des tonnes de cocaïne, et ensuite la revendre à toute une chaîne de semi-grossistes pour arriver au détaillant qu'on connaît bien, puisqu'on a vu par exemple un fait qui a beaucoup marqué en France.

Le nombre de points de deal, de détails en France qui étaient évalués il y a 2-3 ans par l'OFAS, l'Office anti-stupéfiants, à près de 4000 en France. C'est plus que ça, on pourrait se dire. 4000, quand vous connaissez la définition d'un point de deal, c'est-à-dire un point structuré où existe une division du travail.

Ce n'est pas juste quelqu'un en coin de la rue. Voilà, ce n'est pas juste quelqu'un en coin de la rue. La petite plateforme logistique. Donc 4000, c'est quand même une réalité très importante. Donc, c'est comme l'économie capitaliste normale. Il y a des grossistes, des importateurs, des détaillants. [00:22:00] Enfin, il y a toute une chaîne.

Et puis, on a dans la structure sociale des trafics ce que j'appelle une bourgeoisie du trafic qui est souvent déterritorialisée, qui vit à Dubaï, qui vit à l'étranger, qui brasse des millions d'euros. Et puis, les petites mains qu'on retrouve, les charbonneurs, les revendeurs, les guetteurs. Et puis après, il y a tout ce qui va être réseau de blanchiment, c'est-à-dire comment on recycle cet argent-là dans le système qui a aussi été grandement facilité avec les paradis fiscaux, l'ouverture des catégories, etc.

Et qu'on retrouve dans le système, et c'est là qu'on retrouve des cols blancs aussi. Absolument. Alors ça, c'est une dimension essentielle qui est moins spectaculaire, qui est plus occulte. C'est la dimension de la criminalité en col blanc. On estime aujourd'hui le marché, le chiffre d'affaires du marché des drogues en France.

Je crois qu'en 2017, c'était estimé entre 400 et 600 milliards de dollars. Donc vous imaginez bien que c'est énormément d'argent à [00:23:00] blanchir. Aujourd'hui, le marché des drogues en France, c'est à peu près 4-5 milliards d'euros. Donc c'est énormément d'argent à blanchir. Donc il y a toute une criminalité en col blanc spécialisée dans les arcanes des stratégies financières pour blanchir l'argent qui opèrent.

Et donc on a une sorte de fusion, d'hybridation entre la criminalité la plus classique et la criminalité en col blanc. On va regarder les conséquences de ça et est-ce qu'il y a des différences fondamentales qu'il faut mentionner par exemple entre le marché du cannabis ou le marché de la cocaïne qui font que ça ne fonctionnerait pas tout à fait de la même manière

Déjà un facteur qui fait que ça ne fonctionne pas de la même manière c'est les distances parce que le marché de la cocaïne nécessite quand même une logistique. C'est extrêmement sophistiqué. C'est-à-dire sortir la cocaïne qui est produite des régions marginalisées de la Colombie, notamment [00:24:00] puisque l'essentiel de la cocaïne qui est consommée en Europe provient de Colombie.

Donc l'extraire des campagnes reculées de Colombie pour la cheminer vers des ports colombiens ou vers des ports brésiliens ou vers des ports équatoriens, puisqu'on parle beaucoup de l'Équateur, et trouver des portes-containers, corrompre des dockers, l'exporter vers des sociétés-écrans qui vont être installées à Rotterdam, à Anvers ou aux Pays-Bas.

Ça nécessite quand même toute une logistique complexe. Alors qu'importer de la résine... ...de cannabis du Maroc, même si ça nécessite aussi une logistique, c'est quand même beaucoup moins compliqué. Comment le marché européen est structuré ? Quelles sont les grandes places ? Vous avez mentionné l'importance de la Hollande aussi ou de la Belgique.

Et comment l'écosystème français se positionne là-dedans, soit au niveau de la production, de la consommation, de la logistique ? Alors en [00:25:00] Europe, d'abord l'Europe est un importateur. Effectivement, le commerce des drogues contribue plutôt au déficit commercial des pays européens. La grande dynamique aujourd'hui, c'est le marché de la cocaïne.

Savoir qu'en 2021, on a saisi 300 tonnes de cocaïne dans l'Union européenne, c'est absolument gigantesque. C'est sans précédent, c'est du jamais vu et notamment avec une centaine de tonnes, plus de 100 tonnes, rien que dans le port d'Anvers. C'est vraiment des quantités phénoménales au regard même de l'histoire récente.

Nous importons de la cocaïne, nous importons aussi de la résine de cannabis, essentiellement Maroc, un peu d'Afghanistan, mais ça reste relativement marginal. Mais ce qu'on voit évoluer beaucoup ces dernières années, je vous l'ai dit, c'est le fait que l'Europe devienne un pays producteur. Les Pays-Bas et la Belgique, surtout les Pays-Bas, sont spécialisés [00:26:00] dans la production de drogues de synthèse, amphétamines, ecstasies.

Et les plaques tournantes, c'est vraiment le port, parce qu'on entend parfois le nom de port d'envers, notamment, serait tenu par les trafiquants, il y a des choses comme ça. Alors, tenu par les trafiquants, c'est sans doute exagéré, mais effectivement, aujourd'hui, pour la cocaïne notamment, les grands ports sont devenus des zones de passage stratégiques pour les trafiquants.

Avec, effectivement, pour la cocaïne, le port d'envers, je vous l'ai dit, une centaine de tonnes de saisie, encore l'année dernière, 110 tonnes, un nouveau record. Le port de Rotterdam, les grands ports du sud de l'Europe, aujourd'hui, il faut savoir que l'Espagne, aujourd'hui, est une terre de transit de la cocaïne via ces ports.

Et puis, l'Italie, on a vu récemment, dans le port de Gioia Tauro, en Calabre. Là, il y a une grande influence de la mafia [00:27:00] calabraise, des quantités énormes de cocaïne qui passent. Et puis en France, on est touché aussi, c'est le port du Havre qui est, on pense, la principale porte d'entrée de la cocaïne sur le marché français.

Donc, bien évidemment, je vous l'ai dit, la cocaïne circule par porte-container, donc les grands ports commerciaux sont stratégiques. Ok, donc balance commerciale, ça ne va pas ranger l'état de la balance commerciale française. À moins qu'on se mette à produire sur place, on relocalise. C'est une mauvaise nouvelle le plus.

En France, on estime qu'il y a à peu près 240 000 personnes qui vivent directement ou indirectement de l'argent de la drogue, des trafics. Ça fait à peu près 1% de la population active. Oui. Je voudrais qu'on arrive là-dessus, en fait. Ça pèse quoi économiquement et comment est-ce que le trafic, en fait, aujourd'hui en France, structure la vie de certains territoires, de certaines franges de la population

Alors oui, sur les chiffres, il y a des études qui sont parfois [00:28:00] contradictoires, mais les plus sérieuses estiment... Alors déjà, ce serait peut-être intéressant d'expliquer comment on produit les chiffres, parce qu'on avance des chiffres, surtout pour une économie clandestine. Qu'est-ce qu'on connaît, finalement

Les consommations de cannabis, de cocaïne, d'héroïne dans la société française. Donc on arrive à des nombres de consommateurs. Et pour calculer le chiffre d'affaires, il faut avoir le prix final. Donc ce n'est pas difficile de savoir combien aujourd'hui coûte sur le marché un gramme de cocaïne, un gramme d'héroïne.

Et on arrive relativement précisément à produire des données relativement sérieuses sur le chiffre d'affaires. Alors le chiffre d'affaires des [00:29:00] drogues, les dernières grandes enquêtes en population générale, c'était 2017. Donc en 2017, on évaluait ce chiffre d'affaires à environ 4 milliards avec 6 milliards d'euros de fourchette, de haut de la fourchette.

Donc voilà, 4 milliards. Et c'est un marché en très forte dynamique puisqu'il a doublé entre 2010 et 2017. Donc les 30 glorieuses sont là. C'est-à-dire que c'est un marché qui est extrêmement dynamique. On aura bientôt, je pense, probablement des chiffres de consommation beaucoup plus récents que ceux qui remontent à 2017 pour la cocaïne, qui montreront encore une augmentation, une forte augmentation de la consommation.

Donc, ça engendre de l'argent. Et puis, toute une économie, bien sûr. Alors là, il y a eu des estimations, mais je n'aime pas tellement les citer sur le nombre de gens qui participent à l'économie des drogues aujourd'hui. Mais la [00:30:00] fourchette est tellement large que... Voilà, on parle de centaines de milliers de personnes qui sont dans cette économie, mais c'est compliqué.

Mais en tout cas, effectivement, bien évidemment, ça... Ça fait beaucoup de monde. Et ça fait vivre certains territoires, en partie au moins. Alors ça fait vivre certains territoires, ça fait vivre certaines personnes sur certains territoires. D'ailleurs, ceux qui en vivent le mieux, je vous l'ai expliqué au début de l'entretien, sont déterritorialisés.

Le concept deleuzien, l'horizome, c'est-à-dire que c'est l'élite mondialisée du trafic qui vit en Espagne, pour les trafiquants de résine de cannabis, qui vivent en Algérie, au Maroc, et qui vivent à Dubaï aussi. Donc là, on parle de la bourgeoisie du trafic. Les petites mains, elles, sont au quotidien sur le front de la revente de détails dans ces milliers de points de deal que compte la société française et qui se sont beaucoup développés depuis [00:31:00] 40-50 ans à mesure de la progression de la demande, bien évidemment.

Et donc, la La réalité, de ce effectivement, de ce qu'on appelle le trafic de cité, du trafic territorial, on on dit qu'elle fait vivre des quartiers. Moi, à mon avis, le trafic de drogue appauvrit ces quartiers plutôt qu'elle ne les enrichit parce parce qu'elle contribue à l'appauvrissement de ces quartiers, ne fût-ce que par le fait qu'installer une vie économique dans des quartiers quadrillés par des...

dealers, des trafiquants, où règnent les où règlements de comptes, où il y a quotidiennement des échauffourées c'est n'est pas un facteur favorable pour le développement économique de ces quartiers. Et Et je pense que les populations les plus dynamiques de ces quartiers, qui en ont les moyens, les fuient.

Donc ça contribue à la ghettoïsation de ces quartiers. Donc c'est plutôt un facteur d'appauvrissement. Puis quand on voit les rémunérations qui peuvent paraître élevées [00:32:00] de 50, 60, 70 euros par jour, mais à quel prix, pour combien d'heures de travail, des des petites mains du trafic, on voit en gros, les enquêtes montrent bien qu'elles ne s'enrichissent pas vraiment de ce ce trafic et que c'est vraiment les hautes sphères du niveau grossiste ou gérant de ces points de deal qui s'enrichissent.

inégalité de revenus. Absolument. Alors je voudrais qu'on aille sur le sujet maintenant du lien entre ces trafics-là et la criminalité. Pourquoi ? D'ailleurs, première question qui peut paraître finalement un peu simpliste, mais je trouve ça quand même intéressant de la développer.

Pourquoi en fait est-ce qu'il y a un lien si fort entre la drogue et le crime organisé ? Parce que l'usage de drogue est prohibé, donc la prohibition fait qu'effectivement c'est un marché criminel et comme c'est prohibé, effectivement le coût des marchandises est plus élevé, les profits sont beaucoup plus élevés, donc il n'y a pas [00:33:00] d'impôt, si ce n'est l'impôt du sang parfois, ou du racket, ou du vol, parce qu'on se vole des cargaisons.

L'histoire de la macromafia aux Pays-Bas a commencé avec des vols de cargaison de cocaïne. Il y a de la compétition. Oui, il y a de la concurrence, de la compétition. Mais c'est un marché prohibé. Donc, la prohibition contribue à l'élévation des profits compte tenu des risques. Et puis, le criminel est un homme rationnel.

Il voit les taux de profit qui sont permis par cette activité qui sont très élevés. Par exemple, vous prenez le cas de la cocaïne. Vous achetez en gros 30 000 euros le kilo de cocaïne. Vous le coupez à 50 %, ce qui est à peu près le taux moyen des puretés de cocaïne qui circulent en Europe. Et vous le revendez 60-70 euros.

Donc, un kilo devient... 1,5 kg multiplié par [00:34:00] 60-70 euros, on est à 90-100 000 et vous l'avez acheté 30 000, donc profit 70 000, brut. Mais il y a peu de secteurs économiques qui offrent des perspectives de profit comme celle-là. Donc le profit. Et d'ailleurs, entre parenthèses, c'est pour ça que la cocaïne est en train de supplanter de plus en plus la résine de cannabis parce qu'il y a de moins en moins de résine de cannabis en plus consommée dans la société française.

La cocaïne est beaucoup plus rentable pour les criminels que la résine de cannabis. Est-ce qu'on fait une distinction claire entre les types d'organisations criminelles et notamment entre ce qu'on va définir comme une vraie mafia et d'autres types de structures ? Pour savoir aussi de quoi on parle, les mots sont importants parce qu'aujourd'hui, on qualifie tout de mafia.

Oui, effectivement, on a tendance à parler de mafia des cités, par exemple. Quel est le rôle des mafias, des vrais mafias, dans ce [00:35:00] secteur ? Oui, les mafias en route. Je dirais que la mafia, ça concerne un phénomène qui est essentiellement italien. Alors, il y a eu des déclinaisons en Albanie, une mafia albanaise, une mafia japonaise, les Yakuza.

Mais c'est une appellation qu'il faut manipuler avec beaucoup de précaution. Ça désigne une criminalité très spécifique. On connaît les quatre mafias italiennes. Des logiques de sociétés secrètes, d'enracinement territorial, d'influence sur les partis politiques. Un enracinement très fort dans les territoires qui font que les mafias perdurent depuis 150 ans.

Avec des codes. Avec des codes, sociétés secrètes, critères de recrutement quasiment ethniques fondés sur des liens du sang, etc. Des rituels, enfin voilà. Des logiques de sociétés secrètes. Puis vous avez des gangs. Un gang qui veut importer de la cocaïne. La cocaïne n'a rien à voir avec une [00:36:00] mafia de type traditionnel.

Souvent des regroupements opportunistes de gens qui se rassemblent sur un coup ou sur plusieurs coups. Je dirais, pour donner un exemple concret dans la culture populaire, le film culte de Michael Mann, It. C'est typiquement un gang. C'est une bande de... De personnes qui se rencontrent, qui se recrutent pour faire un coup, deux coups, trois coups et puis qui après disparaissent dans la nature.

Donc la réalité d'une mafia, ce n'est pas ça. C'est une famille. Enracinés sur un territoire pendant des décennies. Alors en France, quelle est la structure de la criminabilité ? Qui contrôle le trafic ou les trafics ? Et comment est-ce que ça s'interconnecte justement entre différents types d'organisations criminelles

Quels sont les réseaux, les interconnexions et aussi les rivalités ? En France, pendant très longtemps, la criminalité qui a [00:37:00] dominé le haut du panier du marché des drogues, c'est ce qu'on appelait la French Connection, qui était les filières corso-marseillaises. On a oublié... Qui ne plaisait pas aux Américains.

Comment ? Qui ne plaisait pas beaucoup aux Américains. Oui, c'est un légitime motif de fierté. La France, dans les années 60-70, c'était un des plus gros producteurs d'héroïnes au monde et inondait le marché américain d'héroïnes. Une héroïne blanche, numéro 4, très pure, avec des chimistes corses qui étaient vraiment excellents, qui étaient très compétents.

Mais malheureusement, je plaisante, la French Connection a été démantelée à partir des années 70-80. Et on a eu un changement à partir des années 80. Oui. Je ne dirais pas une passation de pouvoir, mais l'émergence de nouveaux acteurs qui ont accumulé des forces, accumulé du capital sur les développements de consommation de résine de cannabis et de cannabis dans la société française.

Et beaucoup, [00:38:00] effectivement, de gens, de jeunes gens issus des communautés maghrébines qui migraient en France, qui avaient des liens naturels avec le Maroc, l'Algérie, etc., dont une partie s'est mise à importer la résine de cannabis, notamment en France. Et on a assisté progressivement à un basculement de force, à une marginalisation aussi des filières corso-marseillaises.

Une partie, d'ailleurs, s'est reconvertie dans une partie assez vide dans le trafic de cocaïne, mais sinon dans la reconversion, dans la gestion d'affaires légales, boîtes de nuit, grâce à l'argent, aux milliards de francs plutôt à l'époque, gagnés sur le trafic d'héroïne. Mais on a vu progressivement ces filières franco-maghrébines monter en puissance dans les années 80-90.

Puis là, depuis 10-15 ans, elles ont... Pris la main [00:39:00] également sur le trafic de cocaïne. Donc, ont augmenté en puissance et jouent un rôle très important dans le trafic de drogue aujourd'hui en France. Sachant que le trafic de drogue aujourd'hui ne se limite pas qu'au trafic de cités, mais il y a bien d'autres acteurs aujourd'hui.

Je pense notamment à la bachilla albanaise. Dans certaines régions où les trafics d'héroïne restent vivaces, Et je pense notamment à la région Rhône-Alpes, où la mafia albanaise est implantée depuis une dizaine d'années. On a les filières sénégalaises du crack aussi. Le marché du crack aujourd'hui est tenu par des ressortissants du Sénégal.

D'ailleurs, l'histoire de ce trafic est fascinante aussi, de voir comment ça s'est mis en place. Et puis dernièrement, la Guyane est devenue une source importante, un lieu de transit de la cocaïne qui est destiné au marché métropolitain. Et on a une criminalité surinamo-guyanaises qui est spécialisée dans l'importation de cocaïne en [00:40:00] France via le trafic aérien, le trafic de mules.

Donc on voit qu'historiquement aussi, la dimension nationalité d'origine ou ethnique est liée au... Aux pays producteurs ou en fait à des filières d'une facilité d'aller importer absolument oui alors il y a des dimensions dans le crime organisé compte tenu des réseaux compte tenu de l'histoire, compte tenu des liens aussi très forts qui doivent régner de confiance les liens ethniques les liens nationaux, les liens de sang pendant toute une époque je ne sais pas si ça continue aujourd'hui mais rentrer à Cosa Nostra aux Etats-Unis, dans la mafia il faut être un peu italien et alors on va continuer là dessus mais je voudrais savoir comment est-ce que la drogue aujourd'hui est distribuée est-ce que ça se passe uniquement dans les grandes villes est-ce que comment c'est structué au sein au sein d'une région au sein d'une cité quels sont les nœuds les plus importants de [00:41:00] trafic et comment aussi est-ce que ces méthodes On parle parfois même d'ubérisation, le marché est hyper structuré quand on regarde, ça s'est fluidifié.

Pour qu'on ait une idée encore plus précise de comment ça marche concrètement ce marché. Oui alors ce marché est structuré historiquement, effectivement les grands points de deal qu'on connaît dans les métropoles sont apparus dans les grandes villes avec l'épidémie d'héroïne des années 80. On a vu se structurer progressivement dans ce qu'on appelle les banlieues à la périphérie des métropoles et des points de deal ensuite qui ont adjoint le cannabis, la résine de cannabis.

On les stocke quelque part dans un endroit. Et on organise des points de détail. Donc ça c'est vraiment le gros trafic de détails. Vous avez aussi un rôle beaucoup plus discret de ce qu'on appelle les réseaux d'usagers revendeurs. C'est des usagers qui veulent [00:42:00] financer leur consommation et qui vont, par exemple, aller s'approvisionner aux Pays-Bas et en Belgique et qui vont finir par mettre en place des micro-réseaux d'usage et de revente.

Vous avez des acteurs mafieux traditionnels comme la mafia albanaise. Enfin, vous avez un paysage de l'offre qui est très... Qui est très divers. Et pour répondre à votre question, effectivement, on assiste depuis 10-15 ans, depuis une dizaine d'années, à une évolution majeure des trafics et de l'offre qui rend d'ailleurs la lutte contre ces trafics pour la police extrêmement compliquée.

C'est le phénomène du développement de la livraison à domicile des drogues en utilisant les réseaux sociaux qui permettent de gérer en direct la demande. Alors là, on peut dire, on parle de drogue, de capitalisme, on parle de secteur capitalistique. Parallèles, et là aussi les mêmes [00:43:00] méthodes fonctionnent, c'est-à-dire que les dealers se sont rendus compte que il y avait des évolutions dans le goût des consommateurs, ils sont très attentifs au goût des consommateurs, il y a cette tendance à vouloir l'amazonisation, c'est-à-dire on commande sur Amazon, on commande d'ailleurs, il y a des sites de revente de cannabis qui s'appellent Uber Sheet, l'imagination en la matière d'appellation est sans borne, donc effectivement le trafic de drogue a pris le tournant de la livraison à domicile.

Donc, de l'adaptation aux besoins, notamment dans les métropoles de couche moyenne, qui travaillent beaucoup, qui n'ont pas beaucoup de temps, qui n'ont pas forcément envie de se rendre sur un point de deal. Et Dieu sait qu'avec tout ce qui se passe en ce moment, montée de la violence, des règlements de comptes, la possibilité de rencontrer le policier, on préfère se faire livrer à domicile.

Donc, c'est extrêmement fluide, c'est extrêmement organisé. Il y a des acteurs, on ne va peut-être pas rentrer dans l'État tout de suite, mais qui maîtrisent certains marchés, certains territoires. C'est presque [00:44:00] réparti aussi selon les drogues. Ça fonctionne plutôt bien et généralement d'ailleurs de manière plutôt pacifique, sauf quand ça déborde, comme en ce moment.

Je voudrais qu'on dise deux mots aussi sur l'état de la corruption, puisqu'on imagine que tout ça aussi est plus ou moins toléré parce qu'il y a des personnes qui sont... Élus ou en place et qu'ils laissent faire ? Comment est-ce que ça se passe en France ? C'est une question complexe, la question de la corruption en France, parce qu'on en parle relativement peu, mais à mesure de la croissance du marché des drogues en France...

Et des affaires qui émergent de-ci, de-là, c'est devenu un point d'inquiétude majeur. D'ailleurs, le rapport du Sénat qui est sorti hier en parle beaucoup de cette question de la corruption. Il y a l'OFAST aussi qui fait un rapport sur l'état de la menace, qui met ça au premier plan. Et ceux qui sont en première ligne sur le front des trafics de drogue, c'est souvent les municipalités où existent des [00:45:00] quartiers qui sont contrôlés par les trafiquants de drogue.

Où la police peut difficilement rentrer, où les services publics rentrent très peu et ont affaire à des gens déterminés, souvent armés. Il y a une question de monopole de la violence légitime qui est sapée par le bas en France. On va s'attarder dessus. On reviendra là-dessus. Donc, plus l'argent... Il y a quelques affaires qui ressortent où on voit qu'il y a des gens en place qui touchaient de l'argent comme à Bagnolet.

Oui, alors toute cette économie a prospéré, des milliers de points de vente, des gens armés, des gens relativement puissants, des caïds qui ont une influence aussi, qui peuvent influencer la vie de ces quartiers, y compris en disant pour qui il faut voter. Donc il y a une tentation chez certains maires d'acheter une sorte de paix sociale en disant la paix des trafics.

La cité trafique, elle est tenue, elle est relativement en paix, même si effectivement il y a un [00:46:00] développement des règlements de comptes. Mais donc cette paix peut arranger certaines municipalités et de manière plus grave, il y a eu ces dernières années des histoires quasiment de collaboration active entre certaines familles liées au trafic de drogue et des municipalités en échange de services réciproques.

Jean, on ne connaît pas tout. Et on ne connaît pas tout. Alors, il y a eu un certain nombre d'affaires. La plus grave, ça a été en 2007, l'affaire Sylvie Andrieux à Marseille, qui est vice-présidente du conseil régional et élue d'un arrondissement de Marseille. Elle était sénatrice, je crois. Et donc, elle a été condamnée à un an de prison, si mes souvenirs sont bons, pour avoir donné des subventions à des associations tenues par des familles proches des trafiquants en échange de voix.

Il y a eu des scandales dernièrement à Bagnolet, à [00:47:00] Saint-Denis, à Aubervilliers. Il y a eu l'affaire de Cantleux récemment. Alors là, c'est emblématique parce que c'est une petite ville de 15 000 habitants où le maire a été mis en examen pour complicité de trafic de stupéfiants. Et visiblement, elle était sous influence d'une famille très impliquée dans le trafic de drogue dans la ville de Cantleux.

Et rien d'étonnant à ce que ça finisse finalement à percoler dans le secteur. On a fait une digression là-dessus pour qu'on comprenne aussi un petit peu les mécaniques. C'est-à-dire comment, peut-être en parlant de certains États qui sont devenus des narco-États, on pense au Mexique ou à la Colombie, comment en fait, quel est le processus qui fait qu'à un moment donné, ça devient tellement important, tellement puissant que ça envahit tout

Est-ce qu'il y a des points clés à ne pas dépasser ? C'est une grande question, je sais, mais pour qu'on voit comment on peut passer d'un petit trafic à un gros trafic, à une corruption du monde politique et à quelque chose qui fait partie de [00:48:00] l'État. Là, si vous voulez, quand on parle de la situation en Colombie, au Mexique, là, on a affaire...

On n'est pas en France, là, en affaire à une dimension systémique. Les chiffres même de ce qu'on appelle les règlements de comptes où la mortalité liée aux drogues est sans commune mesure. Je rappelle que depuis 2006 au Mexique, la guerre entre l'État, les trafiquants, la guerre entre les trafiquants, entre eux, c'est toute une mêlée d'ailleurs de plus en plus difficile à lire puisqu'on ne sait plus qui est qui aussi dans ces pays-là puisque des policiers sont corrompus, peuvent travailler pour tel cartel, certains ministres.

Les unités spéciales pour lutter contre les drogues sont devenues des cartels. On est arrivé effectivement à un point où la quantité se mue en qualité selon les lois de la dialectique. À certains moments, la quantité est telle que la qualité change. Quand on bascule au stade de narco-État, c'est difficile à dire.

Mais, [00:49:00] en fait, ce qu'on voit quand même pour des pays comme d'abord la Colombie, qui a été le premier État à vraiment connaître des problèmes, une quasi-guerre civile autour dont l'enjeu était la cocaïne, sur fond d'ailleurs de problèmes sociaux gigantesques. Parce qu'on a affaire à des États dysfonctionnels aussi, qui ont des histoires particulières, qui ont eu du mal à se mettre en place avec des problèmes de pauvreté, de réformes agraires, enfin, il y a tout un tas de problèmes.

Mais ça a basculé avec les quantités phénoménales, l'explosion du marché des drogues. Il y a une responsabilité de la demande dans les pays du Nord. C'est-à-dire que ce qui a fait basculer le Mexique, c'est d'abord la cocaïne, puis après la crise des opioïdes qui a relancé la production d'héroïne. C'est la masse de ce marché qui a fait que l'argent est de plus en plus important, qu'avec l'argent, on peut corrompre, on peut recruter aussi des mercenaires.

Et oui, je le répète, corrompre des bouts de tout l'appareil [00:50:00] d'État. Il y a des dizaines de gouverneurs aujourd'hui au Mexique qui sont en fuite ou en prison. Vous avez le ministre chargé de la lutte contre la drogue qui est en prison aujourd'hui aux États-Unis pour complicité avec le cartel de Sinaloa.

Les financements de campagnes électorales de présidents de la République élus avec de l'argent des narcos. Donc vous avez une situation où les choses... Ça devient un état dans l'État, oui. Ça devient un état dans l'État, absolument. On peut dire deux mots, parce qu'on veut refaire une digression là-dessus, sur le rôle des guerres aussi, qu'on peut jouer même le service secret, la CIA, avec parfois notamment en Afghanistan où on a...

Limite favoriser la production de drogue pour pouvoir financer la guerre. Oui, alors là, effectivement, c'est un autre aspect dans le développement du marché des drogues. Il n'y a pas que les réseaux criminels, il y a le rôle des États, il y a la corruption des États, mais il y a aussi la dimension de la géopolitique des drogues.

Et notamment les États-Unis, qui sont toujours présentés comme la puissance prohibitionniste, vertueuse, [00:51:00] à l'origine d'ailleurs des premières conventions internationales, puis ils ont prohibi l'alcool chez eux, etc. Donc, puissance vertueuse. On voit que dans les faits, les États-Unis ont su parfois faire preuve d'un cynisme.

Très importants quand leurs intérêts géopolitiques étaient en jeu. Et par exemple, la géopolitique des drogues comme discipline, les premiers livres qui ont commencé à traiter de cette problématique, la géopolitique des drogues, naissent dans les années 60-70, au moment des guerres du Vietnam, quand la CIA, qui s'appuie sur des tribus anticommunistes, les monges producteurs d'opium, et finance leur mouvement de guérilla via le trafic d'opium, va les aider en fait à...

Pour exfiltrer l'opium des zones de guerre, pour les revendre à des laboratoires situés en Thaïlande ou à Hong Kong, pour produire de l'héroïne. Donc une politique cynique, ou des [00:52:00] avions de la CIA, il y a un livre célèbre d'Alfred McCoy. Qui ont servi à transporter de l'opium destiné à alimenter des laboratoires de transformation en héroïne.

Donc avec une compagnie propriété de la CIA. Donc il y a eu l'affaire de la Contra, des financements des contrats évolutionnaires nicaragouiens soutenus par les États-Unis, par l'argent de la cocaïne. Et puis il y a eu surtout effectivement l'Afghanistan. Là c'est un point de bascule puisque l'Afghanistan va devenir...

En 1979, quand l'Afghanistan est envahi par l'armée rouge, on produit 200 tonnes d'opium. Aujourd'hui on en produit 5, 6 000. Enfin bon, il y a eu les talibans. Et là la production est retombée. Donc la résistance antirusse finançait par l'opium et les trafics d'héroïne. Et bien évidemment les États-Unis ont fermé les yeux sur ces trafics-là.

Parce que ça contribue à la bonne cause géopolitique et à la [00:53:00] défaite de l'armée rouge. Donc on voit que les intérêts géopolitiques priment sur la lutte contre la drogue. Voilà, tout se tient. Je voudrais qu'on revienne un peu sur la France et aussi parler de la violence qui devient un vrai sujet d'inquiétude.

Ce chiffre, l'Office central de lutte contre la criminalité organisée, donc l'OCLCO, estime de manière convergente qu'entre 80 et 90% du nombre total des règlements de comptes, des meurtres et des tentatives de meurtre entre délinquants s'expliquent par les différents liés au trafic de stupéfiants. Donc on voit qu'il y a un lien extrêmement profond.

On a vu des flambées de la violence, notamment à Marseille, qui ont fait beaucoup d'actualité. Qu'est-ce qui est en train de se passer ? Quelle est cette dynamique ? Je pense qu'il faut distinguer les causes structurelles et les causes conjoncturelles. Vous avez parlé de flambées. Donc, une flambée, ça retombe.

Là, visiblement, par exemple, à Marseille, cette année, depuis le début de l'année, par rapport à l'année dernière, c'est retombé. Donc, il y a des flambées de violence. [00:54:00] On a eu une flambée gigantesque en 2023, avec une cinquantaine de morts. C'est du jamais vu dans l'histoire de Marseille. Et Dieu sait si l'histoire criminelle de Marseille est riche avec les réseaux.

D'ailleurs, je crois que ce qui s'apparente le plus à des niveaux de règlement de comptes comme ceux auxquels on assistait en 2023, C'était les années 84-85, au moment de la chute de Gaëtan Zampa, qui était un peu le grand parrain de Marseille. Et sa mort à la prison des Beaumettes, il s'est suicidé, a suscité des querelles de succession, qui a fait énormément de morts à l'époque, moins qu'aujourd'hui.

Mais quand même, il y a eu des dizaines et des dizaines de morts. Donc, ce n'est pas nouveau. Ce qui est nouveau, je dirais, contrairement à ce que disent beaucoup de gens qui ont tendance à banaliser ce qui se passe, par exemple à Marseille, en disant « mais regardez, la French [00:55:00] Connection, ça a toujours existé », c'est l'enracinement territorial.

C'est-à-dire que les laboratoires qui produisaient l'héroïne dans la région marseillaise le produisaient dans des villas, dans des appartements situés dans l'arrière-pays. Il n'y avait pas occupation de territoire entier. Des barres d'immeubles, des quartiers qui ont 4, 5, 6 points de deal, etc. et qui influencent la vie de dizaines de milliers de personnes qui habitent dans ces quartiers, qui subissent cette vie-là.

Donc c'est la grande différence, c'est l'enracinement territorial. Et puis des formes de libération de la violence avec des acteurs effectivement très jeunes. Je pense qu'il aurait été inimaginable à l'époque de Guérini dans les années 60 qu'on recrute des tueurs de 15-16 ans pour aller exécuter le rival d'en face.

C'était des tueurs professionnels aguerris, enfin de vrais professionnels. [00:56:00] Là on recrute en quelque sorte des chiens fous et voilà, ça contribue si vous voulez. L'absence de professionnalisme entre guillemets contribue à des dégâts Collatéraux, c'est un horrible mot, mais de gens qui n'ont rien à voir avec ces histoires et qui se sont tués.

Il y a une évolution des méthodes, aussi le fait qu'il y a beaucoup plus d'armes en circulation qu'avant. Comment est-ce que ça se structure, justement ? Est-ce qu'il y a des tensions permanentes entre les groupes dominants ? Est-ce qu'il y a effectivement des territoires qui sont totalement contrôlés par certains gangs

Et puis, est-ce qu'on commence à voir émerger une forme de consistance dans la structuration de cette violence ? Oui, alors, je parlais de cause conjoncturelle à Marseille. La cause conjoncturelle, ça a été une affaire d'honneur. Pas une légende urbaine, ça a été vérifié par des témoignages, une affaire d'honneur entre deux chefs de bande qui coexistaient, [00:57:00] deux bandes qui coexistaient dans le même quartier de Marseille, donc qui étaient spécialisées dans la revente de cannabis et de cocaïne, qui coexistaient, il y a eu des bisbis entre deux chefs en Thaïlande, et on est parti dans des logiques de vendetta, des logiques liées à l'honneur.

Et ça, c'est des faits qu'on retrouve de manière récurrente. Il y avait eu dans les années 2010, je crois, une grande vague de vendetta à Marseille aussi, entre la famille Thier et Remednia, donc qui avait déclenché vraiment des vagues d'homicides. Donc des rivalités conjoncturelles, il y a des motifs qui peuvent être parfaitement futiles.

Et puis, il y a une dimension structurelle de la violence de ces marchés clandestins, où la concurrence, consubstantiellement, prend une forme... Violente liée à des règlements de comptes et en ce sens-là effectivement ce qui se passe à marseille n'est pas une nouveauté alors qu'on pense à la tuerie du bar du téléphone je sais pas si vous avez entendu parler de cette affaire à la fin des années 70 [00:58:00] à marseille Il y a une dizaine de morts dans un bar de Marseille.

Donc, il y a une dimension structurelle, crimes organisés, concurrence qui se règle par la violence et puis des phénomènes de flambée liés à des motifs. Sachant que structurellement, on a l'impression que ça augmente malgré tout et qu'il y a une tendance qui est inquiétante. Quelque part, ça s'est toujours produit et c'est là.

Non, justement, quand on regarde quand même les statistiques, alors il faut regarder non pas année par année, mais sur des longues décennies, on voit tendanciellement une montée de la violence. Et cette montée de la violence s'explique par la concurrence accrue sur le marché des drogues et notamment de la résine de cannabis.

Et de la cocaïne aussi, qui est intervenue ces dernières années. C'est à dire que les points de deal, l'acquisition par la violence d'un point de deal, compte tenu de sa rentabilité, de l'argent qu'il permet d'engendrer, développe les phénomènes de [00:59:00] concurrence. Donc un gérant, un responsable d'un point de ville va se retrouver en prison, ça va laisser une place vacante.

De multiples groupes vont se faire la guerre pour essayer d'acquérir le point de ville. Et on voit quand même une montée tendancielle du nombre de morts. J'insiste un peu là-dessus parce qu'on voit qu'il y a aussi beaucoup de guerre des chiffres, de discours sur cette idée de montée de la délinquance.

Certains qui disent « non, structurellement ça n'augmente pas, on ne voit pas d'augmentation », d'autres qui disent « si, factuellement ça augmente, c'est juste pour s'y retrouver ». Donc, il y a une augmentation de la consommation, il y a une augmentation des volumes saisis et il y a une augmentation de la délinquance qui est observée factuellement.

De toute façon, de fait, logiquement, après, il y a des formes de délinquance, de criminalité qui sont plus ou moins violentes. Il y a la criminalité en col blanc qui consiste à blanchir l'argent. Donc, elle, par définition, quoique entre les cols blancs aussi, ça peut saigner. Mais c'est une activité administrative, technique, économique.

Et puis, [01:00:00] logiquement, compte tenu de l'augmentation du marché des drogues, l'augmentation de l'offre, l'augmentation des groupes qui offrent cette marchandise particulière, il y a des frictions, des phénomènes de concurrence. En tout cas, on voit dans la région des Bouches-du-Rhône, de décennie en décennie, une augmentation des homicides.

Je ne suis pas sûr de mes chiffres, mais j'ai essayé de voir les chiffres à l'époque de la famille Guérini dans les années 60. La French Connection, par exemple. Dans les années 1964-1965, il y avait une dizaine d'homicides à Marseille. Et là, on est sur... Là, l'année dernière, une cinquantaine. Et avant cette situation exceptionnelle, c'était plutôt 20-30 morts, plus les blessés.

Je voudrais qu'on aille sur les causes pour essayer de comprendre d'où vient cette tendance. Et dans votre livre, vous en parlez un peu et vous pointez d'autres voies à plusieurs types de causes. Je voudrais d'abord parler des causes liées à la hausse de la consommation. Il ne faut pas oublier qu'en bout de chaîne, [01:01:00] c'est un marché dynamique.

L'offre augmente, mais aussi parce que la demande augmente. Et ça s'alimente, évidemment. Et donc on ne peut pas parler de trafic de drogue sans parler de la consommation. Et vous mentionnez quatre points que nous aimerions bien qu'on parle, soit ensemble, soit un par un. Le premier, c'est l'affaiblissement du lien social et cette espèce de tendance à l'individualisation.

Le deuxième, c'est l'intensité de l'environnement et la culture consumériste. Le troisième, c'est la recherche ou la nécessité de la performance. Et le dernier, c'est l'ordre socio-économique avec la montée des inégalités et de la pauvreté. Comment est-ce que tout ça fait un ensemble ? Est-ce que vous pouvez développer un petit peu là-dessus

Oui, alors je voudrais le développer peut-être par un exemple concret plutôt que de parler dans l'abstrait. C'est la distinction, la diversité des drogues, la diversité de leurs effets. Il y a certaines drogues, à mon avis, qui rentrent en résonance avec la société dans laquelle on vit. Je vous ai parlé des années 60, de la contre-culture, des drogues de la contestation.

[01:02:00] Il y a un sociologue qui s'appelle Alain Ehrenberg qui appelait les drogues de la dissociation. C'est-à-dire que le LSD, ça vous fait planer, ça vous fait rentrer dans d'autres univers. Les rêveries, l'opium, l'héroïne, ça fait dormir, ça fait rêver. Les rêveries d'un mangeur d'opium, de qui ne sait. Donc, les Les drogues répondent à un besoin social.

Et donc, j'estime que dans les années 80, on a assisté à un basculement, c'est-à-dire qu'à la fin du cycle ouvert par mai 68, des utopies 68 ardes, on est rentré dans le monde du néolibéralisme. Le basculement politique, c'est l'arrivée de Thatcher et de Reagan au pouvoir, des valeurs qui changent complètement.

On met en avant, on On passe de la figure du hippie au trader pour résumer très rapidement, etc. On rentre dans une société de la... Performance, la compétitivité. C'est l'époque, les années 80, où effectivement le sport joue un rôle, le sport de compétition joue [01:03:00] un rôle de plus en plus important dans nos sociétés, le rôle du manager, etc.

Donc on assiste à un basculement de sociétés et donc à un basculement dans le spectre des consommations avec effectivement un produit comme la cocaïne qui est un stimulant. qui rentre dans cette logique-là. Et effectivement, une demande qui commence à augmenter, et une augmenter et une production qui va y répondre à partir notamment partir de l'Amérique latine et de la Colombie.

D tout se joue dans les années 70-80. Et je pense que la consommation des drogues n'est pas arbitraire, mais correspond à un air du temps. Et à contrario, d'ailleurs, je dirais que la crise des opioïdes aux États-Unis, ce n'est pas un hasard qu'elle ait touché les fractions les plus désaffiliées ou les plus en voie de marginalisation de la société américaine.

Et notamment cette classe ouvrière blanche de ce qu'on appelle la Rust Belt aux États-Unis, c'est-à-dire tout le [01:04:00] nord-est industriel, ravagé par les délocalisations, les fermetures d'usines, etc., qui ont été la cible des compagnies pharmaceutiques pour objectif de leur vendre des antidouleurs.

Sous-titrage FR 2021 Qui ne soignaient pas qu'une douleur physique, c'est-à-dire des populations investies dans des travaux pénibles, des mineurs, des chirurgistes, ce qu'on voit un peu dans le film de Chimino qui part au Vietnam. The Deer Hunter. The Deer Hunter, voilà, c'est la Rust Belt américaine. Ces gens-là se sont retrouvés avec l'entrée de la Chine dans l'OMC, les accords de libre-échange, les délocalisations au chômage, dans des communautés dévastées, ils avaient des problèmes de douleurs chroniques et on leur a vendu via des cartels pharmaceutiques non moins criminels que les cartels mexicains, par exemple des antidouleurs et des opioïdes [01:05:00] très puissants.

Qui ont amorcé un début d'épidémie et ensuite on est passé à l'héroïne et au fentanyl donc il n'y a pas là de hasard on voit que l'héroïne on voit l'opportunité, on rencontrait une demande sociale Et psychologique. Soit oublier sa misère, soit vouloir plus de performances, soit voilà, il y a quelque chose qu'on a tous les besoins.

Selon les secteurs de la société, effectivement, alors bon, c'est une dichotomie qui est commode, qui résume les choses, mais bien évidemment une démocratisation de la consommation de cocaïne, c'est-à-dire que la cocaïne qui coûtait dans les années 90 un gramme de cocaïne qui coûtait 150 euros, aujourd'hui en coûte deux fois moins, est devenue plus accessible.

Donc cette logique De la compétition touche maintenant toutes les couches de la société pas seulement les traders ou les riches mais va toucher le camionneur qui a besoin de conduire pendant 12, 13, 14 [01:06:00] heures son camion, du marin pêcheur du garçon de restaurant aussi qui a un travail ou l'homme politique bien sûr Est-ce que vous pouvez développer aussi sur une critique que vous faites dans le livre sur la post-modernité que j'ai trouvé, enfin je trouve ça vaut le coup de développer là-dessus, parce qu'elle peut être parfois un petit peu étonnante et je cite un passage en le coupant au milieu cette société des individus ou des particules élémentaires renvoyée sans cesse à leur indétermination Où l'être humain privé de points d'ancrage identitaire stables est sans cesse assigné à l'impératif catégorique de l'auto-engendrement produit inexorablement un terrain favorable à l'usage massif d'artifices chimiques et techniques.

Avec une espèce, en creux, une critique de ce qu'on va viariser par le terme de wokisme autour de la notion d'identité, de fluidité. Pourquoi vous mettez ça là-dedans ? Il y a deux aspects. Il y a une tendance très générale, on parle du basculement des années 80, [01:07:00] de mise en place d'un nouveau système beaucoup plus individualiste.

D'ailleurs, moi qui ai été un ancien militant Très attaché à l'histoire du mouvement ouvrier. On voit que les années 80 sont un basculement avec le début de la fin du mouvement ouvrier en Europe et d'une dimension collective de l'existence sociale, notamment Alors, sans faire l'éloge du Parti communiste, mais effectivement, il y avait dans les années, fin des années 70-80, tout un tissu militant, associatif, syndical, qui était un facteur de résistance à les phénomènes que Marx appelait le « lumpenisation », c'est-à-dire, il parlait du « lumpenproletariat », c'est-à-dire cette partie...

De ces fractions du prolétariat qui pouvaient être achetées par la bourgeoisie pour des motifs vénals et il parlait du fait que la bourgeoisie notamment pour réprimer les révoltes des prolétaires puisait dans le monde du crime dans le underworld de l'époque notamment [01:08:00] Donc une perte de sens collectif, une perte de valeur, qui a affaibli les capacités de résistance de la société.

Tout ça s'est conjugué dans les années 80 avec la désindustrialisation, donc un affaiblissement des résistances à la pénétration de phénomènes antisociaux dans un certain nombre d'endroits. Et notamment, ça a été le cas dans... Dans un certain nombre de banlieues françaises, donc ravagées par la désindustrialisation et le début de la fin du mouvement ouvrier qui encadrait, qui était une force de résistance.

Puis un deuxième facteur, c'est effectivement cette société de la performance où on a besoin de produits, où toute la vie humaine est ultra médicalisée. Donc, j'ai un problème de [01:09:00] dépression, je prends un produit qui soit légal ou illégal. J'ai un problème de moins bien, j'ai moins d'énergie, je prends un dopant.

Mais ça, on le voit dans tous les secteurs de la société, c'est-à-dire dans le sport, au travail, etc. Avec la notion de... Là, c'est plus une critique de cet aspect de... De confusion sur l'identité. Comment vous vous raccrochez avec ça, justement, sur le... Il y a effectivement ces questions d'identité, de métaphysique de la subjectivité, qui est poussée à un paroxysme avec ce qu'on appelait la théorie du genre, c'est-à-dire que je peux choisir d'être ce que je veux, indépendamment de substrats biologiques, historiques, fait qu'on a besoin de produits aussi pour favoriser cette mutation, cette transformation, et qu'à mon avis, l'économie des drogues rentre dans le cadre de cette économie psychique globale.

Un sociologue qui a parlé [01:10:00] d'adieu au corps. On vit dans une société qui mime via le sport, la bonne santé et le culte du corps, mais qui entretient une haine profonde du corps. C'est-à-dire qu'il y a une société qui n'accepte plus ses limites et ses limitations et qui a besoin d'adjuvants chimiques, de produits chimiques pour pouvoir les dépasser en permanence.

Que ce soit pour courir 100 mètres beaucoup plus vite que l'autre, soit pour devenir autre chose que moi-même, soit dans l'amusement, on parle du mouvement techno et du phénomène de l'ecstasy, où la danse est une sorte de performance puisqu'on va danser pendant... 9 heures, 10 heures, 11 heures, 12 heures.

Donc, effectivement, toute forme de produit, je le répète, légaux, illégaux, vont aider l'individu à gérer ses différentes indéterminations. On pourrait creuser longtemps là-dessus, je pense. Vous avez parlé des causes maintenant de l'incapacité à lutter contre les trafics. Donc là, plus dans la réponse de l'État.

Et [01:11:00] je vais commencer par, pareil, en citer un passage de votre livre sur la faiblesse de la réponse de l'État, qui petit à petit, en fait, a quelque part accepté la mise en place progressive d'une perte de souveraineté sur certaines parties du territoire. Donc, je cite « Les facteurs exogènes se sont accompagnés en France d'un processus lent mais inexorable de décomposition de la souveraineté interne, marqué notamment par une tendance à la perte du monopole étatique de la violence légitime dans certains territoires, du fait de la constitution d'enclaves, où dominent à la fois les trafics de drogue, sur fond de violences urbaines récurrentes, et un processus de conquête des populations qui y vivent par des courants appartenant à l'islam politique.

Alors, il y a plein de choses dans cette phrase, mais je voudrais que vous me parliez de ce processus d'abandon progressif de souveraineté sur certains territoires et aussi d'expliciter le lien que vous voyez entre trafic, perte de souveraineté et islam politique dans cette phrase, puisque ce sont des sujets qui ne paraissent pas forcément évidemment liés.

Quel est le lien d'ailleurs ? Est-ce qu'il y en a ? Alors, la question des [01:12:00] territoires en France, je l'ai dit, cette question territoriale d'enracinement de trafic sur des quartiers, sur des zones de plus en plus importantes, sur des quartiers de plus en plus importants, et notamment qu'on retrouve dans la catégorie quartier prioritaire de la politique de la ville, c'est des populations de 5 millions de personnes, donc c'est considérable.

Il y a une enquête de l'INSEE sur le cadre de vie des habitants qui montrait que la moitié des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville étaient confrontés à des phénomènes de drogue et d'usage de drogue. Donc ça fait beaucoup de monde en France, avec un phénomène tout à fait inquiétant qui rappelle ce qu'on peut voir dans certains pays d'Amérique latine.

C'est pour ça que à Marseille, les policiers ont parlé de mexicanisation. Alors, tout de suite, je précise toutes proportions gardées, mais qualitativement, ce qu'on voit se mettre en place. Ça y ressemble quand même beaucoup avec des quartiers, avec des [01:13:00] gens armés, avec des armes de guerre qui contrôlent des territoires, qui ont des capacités d'influence.

Tout ça a commencé à se mettre en place dans les années 80 et on ne peut constater qu'une gigantesque faillite de l'État français à prendre en compte ce phénomène et à forcer de constater qu'il n'a pas réussi à l'indiquer puisque 40 ans plus tard, on se retrouve aujourd'hui avec un rapport du Sénat qui s'inquiète du basculement de la société française vers le narco-État, ça peut sembler exagéré, mais en tout cas vers des problèmes considérables.

Dans les années 80, c'est le privilège de l'âge, j'ai une soixantaine d'années, je me souviens lors de la campagne électorale de 81, une organisation avait posé le problème, c'était le Parti communiste français qui avait commencé à poser le problème du développement des trafics de drogue dans les banlieues.

Ils étaient les premiers concernés, puisqu'ils géraient des municipalités ouvrières populaires qui commençaient à être confrontées à ce problème des trafics de drogue. [01:14:00] Dans les années 90, il y a la direction des renseignements généraux, le commissaire Lucien Butran qui a mis en exergue l'inquiétante montée de ce qu'on appelait les incivilités, la criminalité des trafics de drogue.

La réponse de l'État a été insuffisante. Alors pourquoi ? Je Je pense que c'est un mélange à la fois d'une forme d'angélisme. À partir des années 80, on a pensé qu'on allait faire disparaître la criminalité par la par politique de la ville, par la rénovation urbaine, alors que ça n'a rien à voir. Vous pouvez arroser les quartiers de subventions, financer des financer subventions, des associations.

Ça Ça n'arrêtera pas des criminels déterminés. C'est-à-dire On a été incapable de prendre en compte l'existence de groupes criminels avec leur logique, leurs ambitions et leurs objectifs. C'était qu'à la [01:15:00] racine, il y avait de la pauvreté ? Oui, à l'origine, sentiment d'abandon de ces quartiers, misère, pauvreté, et que par une politique généreuse...

C'était un mauvais diagnostic, en fait. Pas aussi simple, on dirait. Oui, trop simpliste, ignorant les logiques autonomes, indépendantes d'organisations criminelles structurées, qui sont des organisations capitalistes dont l'objectif est de faire de l'argent et du profit. qui ne vont pas Qui ne peuvent être influencées par le fait qu'on va financer telle ou telle association ou repeindre la cage d'escalier Donc il y a une réalité indépendante et autonome à prendre en compte. Sur l'islam, le fait qu'il y a l'islam dans cette phrase, comment ça s'imbrique ? On a assisté aussi à des phénomènes de désindustrialisation, de montée du chômage, d'effondrement du Parti communiste, ou des [01:16:00] syndicats qui étaient vraiment les structures d'encadrement.

Notamment en Seine-Saint-Denis, la puissance du Parti communiste était inimaginable aujourd'hui. Donc c'était des réunions de cellules, un encadrement, une présence militante très forte. C'est cette organisation qui s'appuyait sur un rapport au travail, à l'industrie, au travail, qui était très forte, a été sapée par les phénomènes de disparition du tissu industriel, du tissu militant, et a été remplacée par deux réalités, dont je ne dis pas qu'elles sont en interaction, mais qui sont deux réalités de fait.

Ça a été le développement du frérot salafisme d'un côté, et le développement de l'économie du crime, de l'économie de la drogue. D'accord, donc ce n'est pas forcément qu'il n'y a rien, c'est juste que c'est deux entités structurantes, deux phénomènes structurants de ces territoires.[01:17:00] 

Alors je voudrais rester un petit peu sur les causes et en partant sur le monde des idées, je ne sais pas si on peut appeler ça sociologie, mais vous dites qu'une des causes ce serait, pourquoi pourquoi on aurait une difficulté à lutter contre les trafics, c'est une espèce de culture de l'excuse, vous vous l'appelez comme ça, héritée notamment d'une déformation du marxisme si j'ai bien compris, voire même d'une vieille fascination qu'il y aurait chez certains intellectuels pour le monde de la transgression et du crime.

c'est quelque que c'est chose qui explique cette inaction selon vous ou une réponse inadaptée ? Je crois que ça a été une musique d'ambiance, mais une mais une musique d'ambiance assez lourde parce qu'elle a influencé pas mal de magistrats et notamment le syndicat de la magistrature, c'était cette idée que fondamentalement le criminel est une victime.

Est un innocent. Et Et plus il commet des crimes abjects, plus la société finalement qui l'a produit, c'est une [01:18:00] production sociale, le criminel. Donc donc sa responsabilité est égale à peu près à zéro. C'est un résultat, une combinaison d'effets structurels et et que le criminel n'a aucune autonomie. Donc c'est un produit de la société bourgeoise, c'est un produit de la misère et donc effectivement la la victime de la société.

Il y a une tendance aujourd'hui à présenter une partie des une partie trafiquants ou des jeunes qui s'investissent dans le trafic comme comme des les vraies victimes de la société. Alors que ce sont souvent des gens qui agissent comme des bourreaux, je pense que le mot n'est pas trop fort, dans l'univers et le voisinage qu'ils influencent.

On a des exemples tous les jours. Il y a des exemples d'ailleurs avec des actes des actes de barbarie, je pense à des concurrents qui vont être séquestrés, torturés, à à des arrosages de [01:19:00] points de deal de concurrents à coups d'armes de guerre de Kalachnikov, il y a une montée de la barbarie. Et vous parliez du marxisme et à mon avis c'est une vision faussement marxiste des choses parce que j'ai rappelé...

plus tôt dans l'entretien que Marx et Engels n'entretenaient aucune tendresse pour le lumpenprolétariat. Mais effectivement, il y a une partie, notamment de la gauche, on commémore les cent ans du manifeste du surréalisme. Les surréalistes, par exemple, qui se réclamaient de la révolution, etc., entretenaient une fascination pour la figure du criminel, du délinquant, du transgressif.

Breton a fait l'apologie de Violette Nausière, vous savez, celle qui avait tué son père, au au nom de la lutte contre la famille patriarcale, etc. Il y a eu la fascination de Foucault pour les délinquants, les criminels. Comment vous articulez ça avec ce que certains vont décrire comme aussi... La montée [01:20:00] d'une culture qui était finalement...

Minime, qui est devenue dominante, qui va être la culture aussi héritée des ghetto-américains, qui est transmise avec une espèce de comment on dit, de romantisation de la violence, il y a tout quelque chose qui s'est mis en place, ce que certains vont appeler une culture de la violence. Est-ce que ça participe aussi de ce phénomène

Voilà, est-ce que c'est la mise en social qui provoque ça ? Comment ça s'entretient ? Oui, ça participe de ce phénomène, parce qu'effectivement, je citais Foucault, ou les surréalistes, ou même les anarchistes, Qui se réclamaient par exemple de Bakounine, le grand rival de Marx absolument, qui pensait que la révolution se ferait par les voyous, les brigands, etc.

Là, aujourd'hui, effectivement, on est très loin de l'univers des cités. Mais bon, c'est important aussi pour expliquer. Les raisonnements de certains intellectuels, de la critique artiste et bohème du capitalisme. Là, [01:21:00] aujourd'hui, effectivement, dans la culture jeune, c'est développé, là aussi avec la complicité du capitalisme investi dans le secteur de l'accumulation du capital dans le show business, à toute une culture qu'on appelle gangsta rap, où on voit les valeurs véhiculées.

Et voilà, je citais dans un article Booba, tiens, je vais me faire un ami, Booba qui disait « j'ai pas le temps pour les ascédiques, j'ai pas le temps pour le travail en usine, je veux du fric et vite et par n'importe quel moyen ». C'est un peu les valeurs avec le sexisme, le culte de la violence, des armes, etc.

Donc il y a tout un biotope culturel qui s'est créé autour de... Qu'on retrouve en Amérique latine de manière différente aussi avec des histoires sur les narcos. Alors qu'on retrouve effectivement en Amérique latine avec ce qu'on appelle les narco-corridos, c'est-à-dire ces balades assez populaires qui vont chanter les exploits de chefs [01:22:00] des cartels qui deviennent des sortes de légendes urbaines.

Tout tout de suite et Hollywood participe à ça on peut redéconstruire tout ça c'est ce que Jean-Claude Michéa appelle le néolibéralisme d'en bas les golden boy des bas fonds ok ça me semble une expression très forte une certaine définition du succès oui une certaine définition du succès l'émancipation sociale qui passe par certaines voies qui sont moralement extrêmement contestables et qui ne valent guère mieux C'est celle des capitalistes traditionnels.

Je voudrais qu'on aille dans la manière aussi dont on lutte aujourd'hui contre ça. Et il y a quelque chose, une phrase qui est intéressante dans le rapport qui est sorti hier, qui est le rapport à la prison, qui est un des problèmes pointés par le Sénat. Et je cite, donc la commission exprime une vive inquiétude face à un autre constat.

L'incarcération des trafiquants de stupéfiants ne suffit plus [01:23:00] pour certains d'entre eux à mettre un terme à leur activité délinquante. Le passage en prison est devenu un risque du métier intégré, mais temporaire. Il n'y aura que très peu à leur carrière criminelle et certains condamnés continuent de gérer leur trafic, voire de commanditer des assassinats, etc.

en prison. Je voudrais qu'on aille là-dessus, en fait, sur la réponse qui est apportée et sur les moyens de la police, les moyens de la justice pour essayer de dresser un constat et pour voir pourquoi, en fait, on a l'impression qu'il n'y a pas de réponse satisfaisante aujourd'hui. Peut-être déjà sur les prisons, si vous voulez rebondir.

Oui, le constat sur les prisons est inquiétant. C'est encore un des symptômes de la termandisation de ce pays. C'est-à-dire qu'on voit en Amérique latine... Notamment, on l'a vu récemment en Équateur, le rôle des gangs de prison. Alors, bien sûr, je le répète, on n'en est pas là. Mais des phénomènes où, effectivement, les criminels, les plus chevronnés, par les moyens dont ils disposent, les moyens d'intimidation dedans et dehors, [01:24:00] augmentent leur puissance à l'intérieur des prisons, et notamment avec la complicité d'une partie du personnel pétentiaire, parce qu'ils ont des moyens de représailles.

Toi, tu t'occupes de ma cellule, mais tu as une femme, tu as des enfants, etc. Et si tu es complaisant, voilà de l'argent, etc. Monter des moyens, aller engendrer par le trafic de drogue. Donc, tout ça met en branle, si vous voulez, des logiques qui sont faciles à comprendre. Donc, on voit apparaître ce phénomène des gangs de prison.

Ils l'influencent, ou entre parenthèses, le trafic est piloté de l'extérieur, mais il y a du trafic de drogue en prison, puisque... Une étude qui vient de sortir de l'OFDT qui montre la prévalence des consommations en prison de cannabis très élevée. Donc le trafic continue à l'extérieur, en dehors. Et voilà, c'est un symptôme de la criminalisation de la société.

Alors je voudrais qu'on parle des moyens. Est-ce que c'est un problème de... De [01:25:00] moyens, est-ce que les prisons ne sont pas adaptées est-ce que, si on part de l'extérieur des prisons, est-ce que la police aujourd'hui est dépassée, est-ce qu'elle a le bon équipement le bon effectif, les bonnes méthodes quel est votre diagnostic justement

On peut penser qu'aujourd'hui, vu l'ampleur prise par les phénomènes qu'il y a un problème où à la fois il y a les douanes la police judiciaire, les magistrats toute la chaîne pénale de toute façon est dépassée par l'ampleur des phénomènes — Pourtant, il y a des lois qui sont assez strictes en France.

Oui. Alors il y a des lois. Alors effectivement, souvent, les partisans de l'égalisation des drogues disent qu'effectivement, la France est un des pays les plus répressifs du monde en la matière. Alors il est vrai qu'il y a une chose. Il y a des lois sur le papier qui sont extrêmement sévères. Notamment, elles sont dérivées de la loi de 70, du 31 décembre 70, qui a considérablement aggravé les peines de répression du trafic.

Pour le crime organisé, notamment. — Pour le crime organisé. Et qui a joué un rôle d'ailleurs utile quand [01:26:00] elles étaient réellement appliquées pour lutter contre la French Connection. C'est-à-dire que pour vous résumer simplement les choses, avant la loi de 70... On était interpellé pour production d'héroïne et on risquait dix ans de prison.

Après la loi 70, ça a été 20 ans, puis 30 ans, etc. Avec des phénomènes aggravants pour quand les crimes sont commis en bande organisée. Donc, on a un code pénal extrêmement rigoureux. Le problème, c'est que comme tout le système judiciaire, le système des prisons est embolisé par le nombre, en quelque sorte, on a recours à des expédiants et notamment à la correctionnalisation.

J'étais très surpris, par exemple, de voir par la commission d'enquête du Sénat, des magistrats demander des cours d'assises spéciales pour juger le spectre haut de la criminalité. Ce sont des institutions qui existent déjà, qui sont [01:27:00] prévues par la loi, mais qu'on ne mobilise pas parce qu'on n'a pas les moyens, parce qu'on n'a pas le temps.

Donc il faudrait déjà un renforcement conséquent de la réponse pénale, des peines de prison beaucoup plus dures. Beaucoup de parrains de la french connection quand la loi a changé se sont dit que le jeu n'en valait plus la chandelle c'est-à-dire qu'il y a une dimension rationnelle et calculatrice chez le criminel et donc c'est pas pareil de dire oui je risque dix ans de prison Et puis, si je me tiens bien, je vais en faire 5 ans.

Et puis après, je vais pouvoir bénéficier de l'argent de mon trafic. Que quand la peine passe à 20 ans, 25 ans ou 30 ans. Là, les choses sont différentes. Donc, je pense qu'il y a une efficacité de la réponse pénale. Alors, ce n'est pas toujours très agréable à dire. Dire qu'il faut punir, surveiller, punir, disait Foucault.

Mais là, je parle de criminel en bande organisée. Donc ça, c'est le réalisme face à l'angélisme pénal. Une réponse pénale beaucoup plus dure. Comment on [01:28:00] explique l'angélisme pénal ? C'est quoi ? C'est un manque de moyens ? Ou alors un manque de place de prison ? Alors, il y a effectivement des prisons qui sont sous-dimensionnées.

D'ailleurs, il y a un programme. Elles sont complètement surchargées, etc. Puis, il n'y a pas que le trafic de drogue. Il y a la montée de la violence, la délinquance dans la société française qui fait qu'on condamne pour assécher les flux, etc. Les condamnations à moins d'un an de prison se font à l'extérieur avec un bracelet électronique.

Il y a tout un tas d'expédients. Beaucoup de gens qui vont en prison ressortent dans des conditions encore pires. On a un système qui est embolisé à tous les niveaux. Manque de policiers, manque de douaniers. Je regardais les effectifs des douanes. En 20 ans, ils ont baissé de 25 % alors que les flux de marchandises ont explosé.

Et notamment les flux de trafic de drogue. Il faudrait reconstruire une réponse étatique. Mais ça va être extrêmement compliqué dans un contexte [01:29:00] de déficit budgétaire massif, d'endettement massif. Ça devient une sorte de spirale. — Extrêmement inquiétante, oui. Extrêmement inquiétante. — Qu'est-ce qu'il faut penser d'une opération comme celle qui a été très médiatisée au mois de mars, qu'on a appelée la place nette, qui a été faite à Marseille

On a beaucoup communiqué sur le fait qu'il y avait eu plein d'arrestations. – Le problème, c'est qu'on n'a pas beaucoup de recul, vraiment, pour juger. Il faudra du temps pour voir l'efficacité réelle de place nette, parce que la place nette, oui, pendant combien de temps ? Pendant 5 minutes, 10 minutes, un jour, deux jours, ou toujours.

Quand les témoignages, effectivement, qui montrent que très rapidement, un point d'île va se remettre en place, ou alors les réseaux vont développer la revente à domicile, vont abandonner momentanément, parce que les... – C'est extrêmement résilient. – Voilà, ils sont extrêmement [01:30:00] résilients, donc il faudra vraiment du temps pour faire un bilan.

Il paraît qu'on a arrêté 700 personnes, mais qui sont ces 700 personnes ? Il faut voir les choses un peu qualitativement, ce n'est pas une question de quantité. – Comme les saisies, en fait, ça ne veut pas dire grand-chose ? Donc qui sont ces gens arrêtés ? Est-ce qu'on a arrêté des guetteurs, des charbonneurs, des petits revendeurs ou est-ce qu'on a arrêté des têtes de réseau

Tout ça, on ne le sait pas très bien. On a effectivement plutôt l'impression d'une opération destinée pour le gouvernement à occuper le terrain. Alors qu'est-ce qu'il faudrait faire selon vous, à quel endroit en fait, j'imagine que ça joue un peu partout, ça joue au niveau de, est-ce qu'il faut être plus sévère avec le consommateur, est-ce qu'au contraire il faudrait légaliser le cannabis comme certains le disent, est-ce que ça passe par être tapé beaucoup plus sur les flux financiers sachant que c'est encore plus compliqué, est-ce que justement c'est beaucoup plus de...

quels sont les... Les champs de solutions que... [01:31:00] Je dirais que vous avez répondu dans votre question, c'est-à-dire un peu de tout. Je pense qu'il y a effectivement une chaîne, donc il y a un amont, un aval. Donc ça va de l'amont, de l'arrivée des drogues. Donc bon, il y a beaucoup de choses qui ne dépendent pas de nous.

La production, ce qui se passe en Colombie, c'est difficile. On peut les aider, fournir de l'aide financière, de l'aide technique, la coopération humaine pour lutter contre les phénomènes, mais on n'y peut pas grand-chose. Là, on peut commencer à faire quelque chose, c'est effectivement la question des frontières, donc la question des douanes, et puis après, on descend jusqu'au détaillant.

Je l'ai dit, une réponse pénale beaucoup plus ferme à l'égard de la criminalité organisée en matière de drogue. La réponse pénale est renforcée. Qu'est-ce qui a marché ailleurs ? On a des exemples de pays qui ont réussi ? On dit que la guerre à la drogue a échoué. C'est compliqué de dire que la guerre à la drogue a échoué.

C'est vrai, on produit [01:32:00] de plus en plus de drogue, mais si on ne faisait rien, la situation serait encore pire. Donc c'est difficile d'avoir une évaluation de l'efficacité. Il y a des pays qui sont très sévères. On dit que les lois, la réponse pénale ne sert à rien. Mais on regarde par exemple en Europe les taux de prévalence de consommation en Suède, qui est un pays très rigoureux en matière de sanctions.

Parmi les taux de prévalence les plus bas d'Europe. Il y a des sociétés qui sont relativement épargnées par le phénomène des drogues. Je pense à la société japonaise que je connais. C'est sûr que si on se prend des coups de bâton quand on consomme un joint... Alors, je ne prône pas des coups de bâton pour les usagers.

D'ailleurs, je pense même que d'une certaine manière... Alors là, à force d'être trop sévère, une loi peut devenir inefficace. C'était le cas de la loi de 1970 réprimant l'usage, puisqu'elle proposait aux gens, soit vous acceptez une injonction thérapeutique, vous allez [01:33:00] vous faire soigner. Mais quel sens a pour un usager de cannabis qui fume son joint de temps en temps, il n'y a pas besoin d'être soigné, ou soit c'était un an de prison avec 3 700 euros d'amende.

Il y a 5 millions d'usagers de cannabis en France, si on devait les mettre en prison, enfin bon, vous voyez le problème. Donc, on a décidé de... De mettre en place des amendes forfaitaires. Et ça, je pense que ça va plutôt dans le bon sens, plutôt qu'une loi hyper répressive est devenue complètement inapplicable.

Et l'égalisation du cannabis, vous en pensez quoi ? Alors la légalisation du cannabis, il faut regarder, je le dis dans mon livre, la légalisation réellement existante. C'est-à-dire que la légalisation est séduisante. C'est de dire, oui, voilà, c'est d'examiner toutes les limites de la prohibition, prohiber un produit, c'est le livrer à des réseaux criminels.

Et donc, en le légalisant, on peut arriver effectivement à contrôler le [01:34:00] marché et affaiblir les réseaux du crime organisé. Mais il y a la légalisation, la prohibition pose des problèmes, donc on l'a dit, mais la légalisation pose tout autant, parce qu'il y a des questions à lesquelles il faut répondre.

Légaliser le cannabis ? Quel type de cannabis ? Est-ce qu'on légalise la résine de cannabis, l'herbe de cannabis, les huiles de cannabis, les concentrés de cannabis ? Quel taux de THC ? Est-ce qu'on fait de limites ? Il n'y a pas de limites aux Etats-Unis, il n'y a pas de limites, donc ils peuvent vendre n'importe quoi, 70% de taux de THC.

Est-ce qu'on autorise les gens à en cultiver chez eux ? Mais alors le risque S'ils cultivent chez eux, ils peuvent revendre clandestinement une partie de leur production. Est-ce qu'on fait un monopole d'État ? Est-ce qu'on confie à des entreprises privées ? Enfin, il y a de multiples possibilités, et le problème des partisans de la légalisation, c'est souvent qu'ils en restent à légalisation, légalisation, sans vraiment dire quel type de légalisation ils veulent.

Et, en tout cas, ce qu'on voit se mettre en place aux États-Unis, avec [01:35:00] 25 États sur 50 qui ont légalisé complètement les cannabis médicals et récréatifs, c'est quand même des tendances pour le moins inquiétantes, puisque c'est un modèle de légalisation très favorable aux entreprises et au business. Il est en train de se constituer aux États-Unis une industrie du cannabis, avec des dizaines de milliards d'euros de chiffre d'affaires, je crois qu'on est à 30 milliards de dollars chaque année, ce n'est qu'un début.

Et qui propose, dont la logique, la logique de l'industrie, c'est quoi ? C'est de faire des profits, d'élargir sans cesse le nombre de consommateurs. Et ce n'est pas une logique de santé publique. Donc, qui propose des produits, comme il y a une surproduction de marijuana aux États-Unis, le secteur commercial en produit beaucoup et chute.

Donc, la tentation des industriels, c'est de créer des produits à forte valeur ajoutée, à très forte teneur en THC, donc avec des produits de 60-70% qui sont vendus, qui occupent une place de plus en plus importante dans le spectre des produits proposés. Et qui [01:36:00] commence, on commence à voir apparaître d'authentiques problèmes de santé publique liés au cannabis aux États-Unis et à une explosion des consommations.

On dit en France, on est le pays le plus... Le plus consommateur d'Europe, regardez, c'est important, on doit être à 10-11% de la population adulte. D'usagers dans l'année aux Etats-Unis ils en sont à 20% des Etats comme la Colorado qui ont légalisé 25% avec des niveaux d'évolution des rythmes d'évolution extrêmement rapides on voit aussi que de toute façon le trafic se déplace à partir du moment où il va se légaliser un trafiquant ne devient pas forcément un entrepreneur avec son magasin de PC après donc la légalisation du cannabis poserait un certain nombre de problèmes complexes les Allemands ont essayé d'y répondre en mettant un système extrêmement restrictif pour éviter que ça se développe trop mais le problème c'est que si vous mettez trop de restrictions vous laissez une marge de manœuvre Au crime organisé, par [01:37:00] exemple, vous décidez de fixer le gramme de résine de cannabis que vous allez vendre à 15 euros pour éviter de développer la consommation.

Donc, le crime organisé va en proposer à 5 euros. Par exemple, il sera beaucoup plus compétitif que le système légal. C'est pour ça qu'aux États-Unis, pourtant modèle très libéral, des années après la légalisation, reste un pourcentage d'une part de marché noir relativement conséquente. C'est estimé à 30% au Colorado.

Et puis, il y a les effets de déplacement sur les autres produits. Il y a de la cocaïne. Alors, vous me direz, on peut légaliser la cocaïne. D'ailleurs, c'est une revendication qui commence à émerger, qui est portée par un journal libéral, qui est The Economist, qui fait campagne régulière. Pour la légalisation de la cocaïne.

Puis après la légalisation de la cocaïne, il faudra légaliser l'héroïne, l'hématophétamine. Mais on voit bien que... Dégaliser l'héroïne, même la cocaïne, ça va être [01:38:00] compliqué. On voit que la Hollande, qui était plutôt le pays historiquement permissif sur les drogues, devient une plaque tournante et que ça crée d'autres problèmes.

Je ne sais pas si on peut dire que c'est un lien direct, mais il y a des groupes qui deviennent de plus en plus puissants, qui deviennent des mafias, ou ce n'est pas tout à fait lié à ça ? Non, non, c'est sûr qu'il y a eu un tournant. Les Pays-Bas avaient une loi très sévère de répression de l'usage de cannabis et face à l'évolution de la société néerlandaise dans les années 70-70, avec l'augmentation des consommations, ils ont estimé qu'ils devaient...

Pour libéraliser un peu tout ça, ils ont autorisé l'ouverture de coffee shop et la possession, une dépénalisation qui autorisait les usagers à avoir certaines quantités de cannabis avec eux. Le problème, c'est qu'ils n'ont rien fait sur l'offre. Donc, l'offre du crime organisé, on a largement profité. Et la fameuse mochromafia, d'ailleurs, a commencé à faire sa fortune sur les importations de résine de cannabis ou d'autres groupes sur la production à Hollande, parce [01:39:00] que les Pays-Bas sont devenus un énorme producteur de cannabis via leur savoir-faire, leur culture indoor avec l'Angleterre.

Oui, la production de cannabis se développe beaucoup en Europe, au grand dam de nos amis marocains qui sont de plus en plus concurrencés. Donc, effectivement, ça a été l'amorce de la montée en puissance de groupes criminels qui ont profité de cette dépénalisation. Qu'est-ce qui vous donne espoir là-dedans, dans cette...

Dans cette lutte, est-ce qu'on est sur une trajectoire qui paraît hors de contrôle

 Ou alors, est-ce que vous voyez émerger quand même des signes, soit de prise de conscience, qui vont vraiment dans le bon sens, avec les magistrats, avec les gouvernements, je ne sais pas ? Alors, dans ce paysage un peu dévasté, il y a une bonne nouvelle en termes d'évolution des consommations. Et ça, c'est une tendance qu'on voit dans beaucoup de pays, [01:40:00] aux États-Unis, dans beaucoup de pays européens.

C'est une baisse de la consommation chez les jeunes. C'est très important chez les adolescents, jeunes de 17 ans, de 15, 16, 17 ans. On voit vraiment une très grande chute des consommations. Et quel que soit le modèle adopté par rapport aux drogues, c'est-à-dire au Colorado, par exemple, une des inquiétudes, c'était avec la légalisation, une augmentation des consommations chez les jeunes.

Et on a vu les consommations baisser. Alors donc, les partisans de la légalisation ont dit, regardez, c'est formidable la légalisation parce que ça permet à l'État de faire des campagnes de prévention destinées aux jeunes. Et regardez, ça peut marcher. La consommation baisse chez les jeunes de 17 ans. Elle a beaucoup baissé.

Mais le problème, c'est qu'on aperçoit ça aussi, cette tendance dans des États prohibitionnistes. Et on le voit en France, une chute spectaculaire des consommations de cannabis, d'alcool, de tabac chez les jeunes. Et on le voit dans d'autres sociétés [01:41:00] européennes. Je voyais les chiffres de la Belgique. C'est vraiment une tendance.

C'est très compliqué. Un effet à court terme, alors direct, c'est qu'il y a eu l'effet confinement, le fait qu'on est enfermé chez soi, on est chez papa et chez maman et on sort moins. Puisque le 1er juin, c'est dans un contexte social, festif, particulier, on sort moins. Il y a l'addiction aux écrans. Chez soi, on sort moins.

Beaucoup moins de boîtes de cuits aussi. Voilà, donc c'est une tendance intéressante. Est-ce qu'elle nous invite à l'optimisme ou pas ? Je ne sais pas. Mais sinon, pour le reste, on est engagé, en tout cas en Europe, dans des tendances très inquiétantes. Ce qu'il faut conscientiser. Dernière question ? Il y a la consommation, [01:42:00] justement, parce que finalement, j'essaie de réfléchir à chaque fois qu'est-ce que peuvent faire ceux qui nous écoutent sur des grandes problématiques comme ça, en général.

J'ai une phrase qui me vient en tête qui est « on ne peut pas avoir des avocats sans le Mexique qui va avec ». C'est-à-dire qu'on ne peut pas avoir des avocats sans le Mexique qui va avec, parce qu'aujourd'hui, on sait que la production d'avocats au Mexique est tenue par des groupes criminels, en fait, en grande majorité, et que donc ça vient structurer, cette explosion de la consommation d'avocats vient structurer aussi, vient enrichir tous ces groupes-là.

Sous-entendu, en fait, que le consommateur final a une grande responsabilité dans la structure d'un marché. Est-ce qu'on peut consommer de la drogue, quelle qu'elle soit, sans avoir du sang ? Moi, je pense que c'est une question intéressante. Alors, je distinguerais déjà les usages entre eux. Il y a une multiplicité d'usages de drogue, on en a parlé.

Il y a la consommation de drogue qui répond à un besoin de performance. Il y a la logique des addictions, [01:43:00] c'est-à-dire les gens qui ont perdu la liberté de s'abstenir. Ceux-là ne sont pas comparables à ceux qui vont prendre un peu de cocaïne pour faire la fête ou de l'ecstasy. Donc les usages sont différents.

Je dirais que ça dépend des gens, ça dépend des personnes, ça dépend de leurs problèmes physiques, psychiques, etc. Donc on ne peut pas mettre tous les consommateurs dans le même sac. Ils sont dépendants, ils ont perdu la liberté de s'abstenir. Après, le sang sur les mains... En tout cas, je pense que des campagnes de prévention pour ceux qui en consomment de temps en temps pour le plaisir, des campagnes de prévention faites par l'État sur les ravages et l'impact de la production de cocaïne, par exemple, dans les pays latino-américains en termes de morts, en termes de déstructuration sociale, mais même en termes de dégâts écologiques.

Ça pourrait être intéressant comme type de prévention [01:44:00] primaire et de prise de conscience de tous les impacts nuisibles de la production et de la consommation de drogue dans les pays. Il y a eu des clips sur des exemples de règlement de compte, mais il y a une sensibilité à l'environnement qui est très forte aujourd'hui et montrer la manière dont un laboratoire de cocaïne en Colombie va produire, en ajoutant des précurseurs chimiques, en les libérant dans la nature, en les déversant dans les fleuves.

Il y a toute une dimension écologique à prendre en compte, y compris d'ailleurs pour les drogues de synthèse qui sont produites aux Pays-Bas, où il y a des décharges sauvages chimiques qui prolifèrent, donc il y a des choses à faire. Mais bon, globalement, la situation est inquiétante. Dernière question habituelle, est-ce que vous avez un ou deux livres que vous recommandez de lire, pas forcément sur ces sujets-là, mais qui vous ont particulièrement marqué dans votre vie pour [01:45:00] appréhender notre époque

Écoutez, moi je vais parler, alors je suis peut-être un peu obsessionnel, mais le dernier livre, oui, on va peut-être rester sur le champ des drogues. Je viens de terminer un livre de William Darlymple, c'est un historien britannique, je ne sais pas si vous le connaissez, qui a beaucoup écrit sur l'Inde et qui vient de faire une histoire monumentale de la East India Company, Qui était créé au XVIe siècle, qui avait le monopole de la revente de marchandises entre les Indes et l'Angleterre, donc qui a constitué un état dans l'état et qui, à partir du XVIIIe siècle, a développé la production d'opium au Bengale et a été à l'origine des guerres de l'opium contre la Chine.

Donc, c'est une monumentale histoire, mais en même temps, très agréable à lire et que je conseillerais. Et puis, une enquête qui m'a marqué, c'est sur la crise des opioïdes. Le livre de Radine O'Keefe, L'Empire de la douleur, sur les origines [01:46:00] et notamment l'histoire de Produpharma, c'est-à-dire le trust pharmaceutique Big Pharma, a rendu tout le monde accro, oui, c'est le cas de le dire, ou certaines personnes accro, des centaines de milliers d'Américains accro.

Un vaste autre sujet à ouvrir en détail. Merci beaucoup pour tous ces éclairages. Merci, au revoir. 



Transcript généré automatiquement par IA.















7 komentářů


Swarna Yadav
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Julia Symbion
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Avotriniaina Henintsoa
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(28. 8.)

merci beaucoup pour ces éclairage multidimensionnel, très enrichissant

Upraveno
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Arrington Michael
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