La stratégie de Poutine pour influencer la politique américaine (et européenne)
Dans cet épisode, je reçois Antoine Vitkine, réalisateur du documentaire "Opération Trump: les espions russes à la conquête de l'Amérique". Nous examinons l'influence potentielle de la Russie sur Donald Trump en période électorale et investiguons les ramifications politiques et sociales de cette thèse. Vitkine éclaire le jeu de pouvoir international en partageant des témoignages d'anciens espions et experts sur les stratégies d'infiltration de Moscou. Nous analysons les relations Russo-américaines, la manière dont Trump a évolué vers des positions prorusses, ainsi que les allégations d'ingérences durant sa campagne. La discussion aborde aussi l'impact de la désinformation moderne et l'importance d'une consommation critique de l'information pour naviguer dans un paysage médiatique complexe.
Interview enregistrée le 31 octobre 2024 dans les studio de Plink
De quoi parle-t-on ?
00:07 - Élections et Influence Russe
01:57 - Rencontre avec Antoine Vitkine
04:12 - Méthodologie et Enquête
09:00 - Structures de l'Ombre
10:32 - La Stratégie Russe
13:38 - Contexte de Trump et la Russie
20:13 - Le Voyage de Trump en 1987
31:25 - Rapprochements et Financements
33:58 - Ambitions Présidentielles de Trump
42:27 - Ingérence Russe et Élections de 2016
46:24 - Trump au Pouvoir et Influence Russe
59:28 - Situation actuelle en Ukraine
01:02:08 - Changement dans la politique de Trump
01:04:32 - Ingérences russes en Europe
01:13:25 - Ingérence russe dans les élections françaises
01:19:59 - Arguments pour contrer le soutien à la Russie
01:29:10 - Construire une connaissance critique
01:35:03 - Livres à lire absolument
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Transcript
[2:29] Merci d'être venu jusqu'à ce magnifique studio, dont je mettrai les coordonnées d'ailleurs. Chez Plink, on est chez Plink, des amis à moi qui nous prêtent le studio. Et je suis ravi de te recevoir en 3D, c'est pas très commun pour moi. Est-ce que tu peux commencer par te présenter, raconter un petit peu ce que tu fais ? Pourquoi tu fais ça ? Comment t'es venu à ça ? En quelques lignes, on va dire, quelques mots. Je vais essayer d'être synthétique parce que ça pourrait être long. Alors ce que je fais, c'est essentiellement des documentaires. Lorsqu'on me demande mon métier, je dis que je suis journaliste et réalisateur, dans cet ordre-là, alors tout ça pourrait se débattre, mais c'est le métier que je fais. J'y suis arrivé par hasard. Je sais qu'il y a des gens qui ont une vocation chevillée au corps, j'en avais pas. Ça m'a mené à des études généralistes, en l'occurrence Sciences Po, qui est vraiment le meilleur moyen, ça va peut-être changer maintenant, mais de ne pas choisir vers quoi on se destine. Et puis un jour, il a bien fallu choisir, et j'ai répondu à une annonce d'une société de production.
[3:30] Ma petite copine de l'époque était vaguement travaillait déjà dans une société de production ce mot m'était familier mais c'est tout je n'avais pas la télévision mes parents n'avaient pas la télévision donc vraiment je ne savais pas ce que c'était et donc je suis rentré dans ce monde là, par hasard, et ça m'a plu. Et puis ensuite, j'ai commencé, donc il y a maintenant une vingtaine d'années, j'ai commencé assez jeune, juste après mes études. Et voilà, et depuis, en quelques mots, j'ai dû faire, je n'ai pas compté, mais environ 25 documentaires.
[4:04] J'ai écrit également, dans ce laps de temps, trois livres, et puis je décline
[4:10] un peu mon activité de manière écrite, donc voilà. J'ai parfois fait des livres autour de documentaires que j'avais fait mais toujours dans cet ordre là d'ailleurs plutôt que dans l'ordre inverse et puis des articles pour la presse écrite et la couverture de quelques événements comme les événements en Libye par exemple il y a une dizaine d'années enfin voilà en quelques mots Ok, je connais un peu ton travail, j'ai pas tout vu mais j'étais notamment j'avais adoré le documentaire sur les triades les mafias chinoises à la conquête du monde et puis j'avais vu passer aussi le travail sur Charlie Hebdo avec un casting de dingue aussi ou sur la Libye justement depuis le moment des événements et après je crois t'as couvert la guerre, tu as sorti un documentaire très récemment qui est diffusé sur France 5 si je ne me trompe pas et qui est en replay sur France.tv au moment où on se parle voilà qui s'appelle Opération Trump les espions russes à la conquête de l'Amérique donc je vais faire en sorte qu'ils sortent avant les élections on va voir si j'y arrive si vous nous écoutez à ce moment-là c'est tant mieux et puis si vous avez après le résultat ça reste pertinent de toute façon on va se concentrer là-dessus aujourd'hui puis élargir aussi sur le métier justement d'enquête, de sourcing, comment on fait la différence entre les sources sûres, ce qui est des faits avérés ou des faisceaux de suspicion, je pense que ça va nous concerner tous.
[5:25] Avant d'aller là-dessus, je voudrais comprendre pourquoi tu t'intéresses à ce que moi j'appelle les structures de l'ombre ou ce qu'on va pouvoir aussi appeler le dessous des cartes. Pourquoi est-ce que ce sont selon toi des sujets clés pour comprendre ce qui se joue ? Alors c'est vrai qu'à travers mon travail, je m'intéresse souvent, alors peut-être non pas aux structures de l'ombre, mais en tout cas au-dessous des cartes. Et si je fais le distinguo, c'est qu'en fait, on me montre les cartes. C'est-à-dire que je fais, pour ce qui me concerne, assez peu d'investigation. L'investigation, c'est vraiment quand on révèle des choses qui sont, par définition, dans l'ombre. Moi, j'essaye, en général, de rendre intelligible. C'est quasiment, si je devais faire une comparaison, c'est quasiment de l'enseignement de masse. Ce que je veux dire, de masse, parce que ça s'adresse au grand public, puisque c'est diffusé sous forme de documentaire. Et c'est une forme de pédagogie aussi, c'est-à-dire la manière dont le pouvoir fonctionne. Et ça, effectivement, ça, c'est ce qui structure très certainement mon travail, le pouvoir essentiellement actuel. Et puis d'ailleurs aussi le pouvoir plus ancien, puisque j'ai également fait un certain nombre de films d'histoire. Et d'ailleurs, en fait, je fais souvent ce qu'on appellerait de l'histoire immédiate. C'est-à-dire que je reviens un tout petit peu dans le passé pour comprendre aujourd'hui.
[6:35] Et pour vous donner quelques exemples on va en venir ensuite à Trump pour avoir travaillé par exemple je sais pas sur Mohamed Ben Salman et ses relations avec l'Occident je suis souvent sur des logiques de relations parce que j'essaye que ça nous concerne aussi je fais pas de l'ethnologie.
[6:49] Donc Mohamed Ben Salman ou Bachar el-Assad ou Kadhafi vous y faisiez allusion, ou la guerre en Libye enfin tout ce genre de choses ce que j'essaye de comprendre c'est comment ça fonctionne et donc j'essaye d'abord de rendre intelligible et cohérent et contextualiser, encore une fois, comme un enseignant, d'une certaine manière, pourrait le faire les choses. Et puis ensuite, je vais essayer de voir les cartes, puisque vous parliez du dessous des cartes, je vais essayer de me faire montrer les cartes par les acteurs de ces différents dossiers, à qui, tout simplement, je m'adresse en leur demandant « voilà, qu'est-ce qui s'est passé ? ». Alors, évidemment, la dimension d'enquête tient effectivement au recueil du témoignage. Ça tient au recoupement aussi des différents témoignages, voire à leur addition. Et c'est là où on commence à rentrer dans des choses intéressantes parce que les relations internationales auxquelles je m'intéresse beaucoup sont souvent une histoire de différence de perception. Il y a plusieurs acteurs. Le monde est fait d'intérêts contradictoires, de gens qui ne sont pas d'accord entre eux, qui n'ont pas la même culture, qui se combattent, par exemple. Et ce qui est intéressant dans mon travail, c'est d'essayer de les faire chacun parler pour essayer d'avoir tous ces différents points de vue et comprendre ainsi ce que tu appelais le dessous des cartes.
[8:06] Donc, c'est un dégagement un peu long, mais c'est plutôt comme ça que je poserai les choses. Et alors, les structures de l'ombre, c'est peut-être un peu autre chose.
[8:17] Ça ressort souvent un peu plus de l'investigation ça existe un peu plus rarement, je dois dire en tout cas à la portée d'un documentariste puisque là aussi, pardon, je fais des dégagements successifs, mais... C'est important de comprendre justement le prisme et comment tu vas choisir tes sujets aussi C'est vrai que c'est souvent plutôt la presse écrite en fait, qui est dans des logiques d'investigation et qui va révéler des choses parce qu'ils ont des moyens d'enquête qui sont un peu différents, plus immédiats plus rapide, moi un documentaire je vais vous dire c'est très simple, ça me prend au moins un an de fabrication. Donc s'il y a vraiment un énorme scoop à la clé s'il faut vraiment révéler ce qui s'appelle les structures de l'ombre, pour le coup je ne serai pas le premier, et donc c'est rarement moi qui fait ça.
[9:01] Outre le fait, ça en en parlera certainement après, que je pense qu'il y en a finalement pas si souvent des structures de l'ombre. Mais bon, alors effectivement, exception peut-être faite du documentaire sur Trump dont on parle, où là, effectivement, je suis directement, alors non pas dans le scoop, ça aussi on en parlera, mais en tout cas, effectivement, dans des choses qui sont là, pour le coup, beaucoup plus cachées. Ou alors, vous parliez des triades, là aussi, j'ai essayé, on est à nouveau dans ce cadre-là, effectivement, c'est vrai, de comprendre la manière dont le Parti communiste chinois utilise ces triades. Et là, effectivement, je pense que j'ai obtenu un certain nombre d'informations un peu nouvelles via des témoignages, encore une fois. Et puis, effectivement, je pourrais vous citer un autre exemple qui est d'ailleurs peut-être.
[9:44] L'un des seuls de mes documentaires dans lequel vraiment je suis arrivé dans une logique de révélation, parce que vous avez bien compris qu'en général, c'est plus de la pédagogie ou un rassemblement des pièces du puzzle, de révélation qui était un documentaire que j'avais fait sur le Salvatore Mundi, un tableau le plus cher du monde, qui est devenu une affaire d'État en France, puisqu'il a été acheté par Mohamed Ben Salman. Et donc là, effectivement, là, j'étais parvenu à des sources qui acceptaient de me dire des choses qu'elles n'avaient jamais dites et qui étaient de l'ordre de la révélation. On se vous voit, on se tutoie, parce qu'il y a les deux. On se tutoie, pardon. C'est l'habitude des plateaux télé. C'est ça, et puis le vous était certainement générique pour m'adresser également aux auditeurs. Partons sur le... restons sur le tout au moins comme on faisait il y a des minutes c'est ça.
[10:32] Super intéressant de faire cette distinction justement entre ce qui va être de l'ordre de la révélation à travers un travail d'enquête, mais je trouve qu'il y a aussi un travail de révélation en montrant des choses que la plupart des gens ne voient pas, c'est-à-dire que ce n'est pas une révélation, de quelque chose qui était caché, mais c'est de permettre de donner la parole à des gens qui ne sont pas entendus ailleurs, comme tu as fait dans ce documentaire justement-là, on va rentrer dans le dur sur Trump, avec un casting encore incroyable, on peut en parler, de la CIA, du KGB, du FBI, qui sont des gens qui se sont déjà exprimés ailleurs, mais on ne les met pas forcément ensemble ou on ne les fait pas parler de manière forcément extrêmement visible. Donc c'est en ça que je dis que c'est un travail quand même de dépoussiérage ou de révélation, de mise en avant de choses. Alors, pourquoi ? On va rentrer dans le dur, et puis on pourra revenir sur la méthode, parce que je trouve que c'est important aussi de parler de ça. Absolument, je pense aussi. C'est même ses clés sur ces sujets-là.
[11:26] Alors, comment tu as été sur le sujet de Trump et de l'ingérence plus largement de de la Russie, de Poutine, aux Etats-Unis. Et puis, on pourra parler aussi d'étendre ça à l'Europe. Pourquoi c'est un sujet qui te tenait à cœur ? Alors, pour être très transparent, vraiment, c'est de la petite coulisse, mais les choses fonctionnent aussi comme ça. En l'occurrence, moi, je m'intéresse beaucoup à la Russie, et plus particulièrement, même depuis l'invasion de 2022. Je m'y étais intéressé précédemment, j'avais réalisé un documentaire sur Poutine, et c'est vrai que j'ai senti, comme tout le monde, que là, on était face à un tournant et qu'il fallait vraiment qu'on s'y intéresse de tous les moyens possibles. En l'occurrence, mes moyens sont le documentaire. D'ailleurs, pas seulement, puisque je suis parti faire un reportage écrit pour Le Point dans le Donbass il y a un an et demi. Donc, j'étais allé en me disant que vraiment notre histoire européenne se jouait là.
[12:25] Et, m'interrogeant sur la manière de traiter de ce sujet-là avec mes moyens, qui sont ceux du documentaire, qui sont, comme tu l'as compris, un peu plus lents et un peu différents que la presse écrite, j'avais proposé à une chaîne de télévision, à France Télévisions, un portrait de Prigogine, avant les événements dont on se souvient et cette espèce de tentative de coup d'État. Et puis, peu avant cette tentative de coup d'État, j'avais dit à la chaîne, c'est une erreur. Dans un an, un an et demi, quand les gens regarderont mon film, il sera ou mort ou président de Russie ou oublié, mais de toute façon ce sera trop tard. Et effectivement je dois dire que j'ai eu du nez parce que peu de temps après il s'est passé ce qui s'est passé, et très franchement si j'avais sorti là il y a un mois un documentaire sur Prigogine, je pense que même qu'on commence à oublier son nom.
[13:12] Le fondateur du groupe Wagner qui a par ailleurs une histoire absolument hallucinante très romanesque et très rocambolesque puisque ça aussi c'est un des autres aspects qui m'intéresse et qu'effectivement j'aime bien aussi raconter des histoires de gens qui sont « bigger than life », bref, ça, c'est encore autre chose.
[13:28] Et donc là, je me suis interrogé en me disant « comment est-ce qu'il faut parler ? » « Qu'est-ce qui sera intéressant dans un an, un an et demi ? » Et en fait, effectivement, un an, un an et demi, c'est maintenant,
[13:37] et c'est les élections américaines. Et donc là, je me suis dit, il faut travailler sur... Alors, non pas Trump, en fait... Le permissionnage de Trump, je dois dire, ne m'intéresse pas tant que ça, mais il faut travailler sur ce que les soviétiques puis les russes ont voulu faire et ont fait au cours des années aux Etats-Unis et notamment à destination de Trump. Et en fait, quand je suis arrivé à ce sujet-là, c'était une forme d'eureka parce qu'une certaine manière, ça venait résumer un certain nombre de préoccupations que j'avais, et notamment pour l'Ukraine, parce que tout le monde a bien conscience que c'est absolument capital pour l'Ukraine, ce qui va se jouer au cours de ces élections. Et ça venait également brasser des sujets que j'avais croisés par le passé, donc Poutine mais aussi la guerre froide, j'ai travaillé sur la guerre froide et en travaillant sur la guerre froide il y a plusieurs années pour Arte, j'avais rencontré Oleg Kalouguin, le général l'ancien général du KGB qui est un de mes témoins clés et donc je me suis dit bon il faut que je fasse ça, On va rentrer un peu dans le dur on va pas refaire le documentaire mais on va quand même essayer d'en parler pour, en faire émerger les points clés, je m'attends à avoir évidemment beaucoup de commentaires comme d'habitude sur Youtube venant de la sphère entre guillemets pro-russe qui va venir.
[14:52] L'idée c'est pas d'être pour ou contre ou dans un camp et j'invite tout le monde à écouter ne pas s'arrêter là, écouter la suite d'aller voir, on va poser aussi la question des sources là on va essayer de balayer justement quels sont les faisceaux d'indices et puis ta thèse, restez ouverts, restons à l'écoute de ce qui se passe d'accord, pas d'accord, ce qui va être intéressant c'est d'aller aussi questionner justement les sources sans prendre forcément partie complètement sur un camp. La thèse centrale c'est la collusion qui daterait des années 80, entre Poutine et Trump et puis même entre, certains membres éminents en politique américaine, voire des gens des administrations et notamment du parti républicain avec la Russie et qui prend tout son intérêt aujourd'hui, on va dire. Pour balayer un petit peu ça, d'abord, d'où vient cette suspicion, en fait ? Qu'est-ce qui t'a semblé suspect dans l'attitude de Trump vis-à-vis de la Russie ? Qu'est-ce qui fait qu'on a envie d'aller enquêter, en fait ? Alors, deux choses. La première, c'est, d'un point de vue de ses prises de position, un alignement assez constant de Trump sur les positions russes. Alors, pas forcément dans ses politiques quand il a été au pouvoir à la Maison-Blanche, puisqu'on sait comment ça s'est passé maintenant, il a été tenu, il a été sous pression d'ailleurs des enquêtes sur l'ingérence russe il a été.
[16:18] Tenu par son entourage de ce qu'on appelait les adults in the room les adultes dans la pièce, qui l'ont poussé à ne pas lever les sanctions comme il s'était engagé dans la campagne précédente par exemple et à livrer quelques armes anti-chars avant d'ailleurs qu'il coupe le robinet et qu'il coupe l'aide militaire américaine pourtant cruciale à l'Ukraine quelques un an avant l'invasion de 2022. Mais en tout cas, sur le temps long, on s'aperçoit, et on s'aperçoit également que ça vient d'ailleurs même des années 80, ce qui était ma grande surprise, qu'en permanence, effectivement, il est aligné sur les positions russes, à demander, par exemple, dans la campagne de 2015, à lever des sanctions de manière très répétée. Sanctions consécutives à l'invasion du territoire souverain de l'Ukraine et de l'annexion de la Crimée, je le rappelle. Et également, cet alignement va jusqu'à et ça, ça a été raconté par son entourage d'anciens conseillers jusqu'à une forme même de déférence vis-à-vis de Poutine, une déférence personnelle dans des rencontres, internationales entre les deux hommes et un certain nombre de ses conseillers je pense à Rex Tillerson par exemple, qui avait d'ailleurs pourtant une image d'amis de la Russie, il est ressorti il l'a raconté ensuite de leur première rencontre à Hambourg en 2017, absolument sidérée de voir à quel point Trump était.
[17:42] Physiquement dominé par Poutine. Donc ça, c'est la première chose. La deuxième chose, et peut-être la plus importante qui m'a mené à essayer de m'intéresser à ce sujet-là, c'est plutôt en prenant le problème inverse, pas tellement celui de Trump, pas seulement celui de la collusion ou pas de Trump avec la Russie, de Trump et son équipe, parce que cette collusion, on va en parler, mais je pense qu'elle est aujourd'hui assez improuvable. Il y a des suspicions, mais elle est aujourd'hui assez improuvable. Et moi, dans mon travail, dans mon documentaire, je me suis contenté d'établir un certain nombre de faisceaux de présomption, mais je mets au défi quiconque d'avoir la preuve définitive de cette collusion. En revanche, en prenant le problème inverse, du côté des Russes. Et c'est ça, en fait, qui m'a intéressé principalement. Pas de me dire qu'est-ce que Trump a voulu faire, c'est de me dire qu'est-ce que les Russes ont voulu faire. Et là, je me suis aperçu qu'effectivement, il y avait une politique qui était d'abord une politique de l'Union soviétique.
[18:36] Et donc du KGB, de ses services de renseignement à la fin de la guerre froide, à destination des Etats-Unis, politique assez massive, d'ingérence, de recrutement, de subversion, et qui s'intéressait schématiquement à la droite ou à la droite dure américaine et aux hommes d'affaires. Et donc c'était ça moi, c'est ça ma porte d'entrée c'est ça dont je pense qu'il faut qu'on parle, c'est-à-dire la manière dont les Russes ont déployé à travers le temps leur filet, sans toujours forcément savoir exactement vers où ça allait mener, ce qu'ils voulaient faire évidemment mais c'est ça qui m'a intéressé et d'ailleurs je termine sur une remarque que tu faisais.
[19:15] Sur les commentaires éventuellement pro-russes qu'on pourrait avoir, je pense que les pro-russes doivent être absolument ravis, ils devraient être ravis de tout ce que je raconte puisque finalement c'est à la gloire des services de renseignement russes ou soviétiques, KGB, FSB, GRU, SVR. Voilà. Mais ça va être intéressant aussi de regarder, d'essayer de préciser d'où tu tiens l'information, qui te l'a dit, etc. Et comme tu le fais très bien, d'ailleurs, est-ce que c'est avéré, est-ce que c'est un faisceau de suspicion, et qu'est-ce que ça dit en tout cas de ça ? On va revenir un peu dans le temps parce que ça commence en fait dans les années 80 avec, je crois, un premier voyage, un premier contact en tout cas de Trump en 1987, c'est ça ? 1987, juillet 1987. Qu'est-ce qui fait que, justement, les Russes s'intéressent à des personnages comme Trump, et à Trump en particulier, pour aller justement peut-être sur la méthode du KGB à l'époque ? Et puis, qu'est-ce qui s'est passé concrètement ? Enfin, qu'est-ce qu'on sait
[20:09] ou qu'est-ce qu'on suspecte ? Quelle a été l'attitude de Trump à ce retour de voyage, etc. Alors, le contexte importe. On est à la fin de la guerre froide.
[20:17] L'Union soviétique est en train de perdre la guerre froide, et elle le sait. Les Américains sont dirigés par quelqu'un qui s'appelle Ronald Reagan, qui a une politique très dure vis-à-vis de l'Union soviétique et qui a décidé de gagner la guerre froide. Et donc, il leur porte des coups très sévères un peu partout sur les marchés énergétiques, avec des sabotages technologiques, en Afghanistan, en armant les Moudjahidines afghans, etc., en déployant des armes, des pershings, des armes, des missiles en Europe. J'en passe. Et donc là... Le KGB, et on le sait parce qu'un certain nombre de défecteurs du KGB ont parlé, et notamment je me suis intéressé à une note qui est sortie à l'initiative de quelqu'un qui s'appelle Oleg Gordievski, un défecteur du KGB de l'époque, et cette note du KGB qui est signée en 1984 dit en gros, il faut qu'on réagisse, il faut qu'on arrête de travailler à l'ancienne, et il faut en fait faire deux choses. La première chose, c'est arrêter d'essayer de recruter. On parlera de ce que veut dire ce mot de recrutement, puisque ça pourrait s'appliquer à Trump éventuellement. Il faut qu'on arrête de recruter, ou en tout cas d'approcher.
[21:23] Simplement des gens de la gauche américaine, ce que faisait le KGB jusqu'à présent, c'est-à-dire en gros, des gens qui ont une libération, des communistes américains, mais il faut qu'on s'intéresse à la droite américaine qui est au pouvoir. Et à quelle droite d'ailleurs ? Non pas à la droite la plus dans les clous et la plus mainstream, mais ce qui était déjà émergent à l'époque, ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui l'alt-right, ou la droite populiste, nationaliste, ultra-nationaliste, chrétienne, tout ce que vous voulez. Et donc les Russes se sont intéressés à ces gens-là et les ont approchés. J'ai rencontré d'ailleurs un ancien infiltré du KGB, un ancien illégal. Les auditeurs qui ont vu The Americans sauront à quoi je fais allusion, puisqu'en plus ce personnage a directement inspiré The Americans.
[22:06] D'ailleurs, je le rencontrais sans savoir très bien ce qu'il allait me dire, c'était un peu un pari. puisqu'il s'était déjà un peu exprimé. Comment il s'appelle ? Il s'appelle Jack Barsky, ce qui est le nom qu'il a pris, en fait, que les soviétiques lui ont donné. Il est resté aux Etats-Unis depuis. Et je me permets une parenthèse parce qu'avançons par étapes. On reviendra à Trump ensuite. Mais en fait, tout ce que je raconte là dans les années 80 va converger aujourd'hui. C'est la méthode. Voilà, c'est les pièces du puzzle. Et donc, ce Jack Barsky que j'approche en cherchant, j'avais eu donc le grand chef Oleg Kalougin, dont on va parler, mais je cherchais aussi des gens de terrain. Il s'était déjà exprimé, mais pas sur ce sujet-là. C'est ça qui est marrant et c'est là ce qui vous montre qu'il y a aussi des hasards dans mon métier, évidemment. Et pour tout vous dire, c'était mon assistante avec qui je travaillais sur ce projet qui me dit « Tiens, ce type a écrit un bouquin, bon, il était infiltré, c'était un illégal du KGB, il a dû créer une famille sur place en abandonnant sa famille de l'autre côté du rideau de fer, enfin tout ça est assez haut en couleur. » Mais évidemment, le type ne racontait pas grand-chose dans son livre. Donc, je l'appelle, on vient de se rencontrer aux Etats-Unis, et lorsque je pars en tournage, je vais le voir aux Etats-Unis. Et là, ma surprise, c'est que dans la discussion, quand je le cuisine sur « mais qu'est-ce que vraiment vous demandez de faire ? » Puisque lui m'expliquait que ce n'était pas très clair en fait quelle était sa mission.
[23:29] Donc, je le cuisine, et là, je m'aperçois qu'effectivement, ses chefs lui disent « va voir les think tanks de droite ou de droite ultra ». Et donc, ça valide complètement cette note de 1984. Et lui, qui est un pion parmi beaucoup d'autres, effectivement, me dit qu'effectivement, c'était ça sa mission, c'était d'aller s'intéresser au centre de réflexion de la droite dure. Voilà, bon, ça, c'est fin de cette parenthèse sur cette dimension-là de la stratégie des soviétiques. Et puis, la note de Gordievski dit également autre chose. Il faut s'intéresser également aux hommes d'affaires. Et je pense que les soviétiques, à ce moment-là, s'agissant de Trump, ils n'avaient évidemment aucune idée que Trump allait devenir un jour président des États-Unis.
[24:10] Mais... Ils visent large. Ils visent large. Et approcher les hommes d'affaires, c'est intéressant pour eux pour deux raisons. La première, c'est que les hommes d'affaires, ils l'avaient bien compris, étaient traditionnellement proches des pouvoirs américains. Les États-Unis, c'est un pays de marchands et un pays capitaliste. Donc, un mec comme, quelqu'un comme Donald Trump par exemple, qui était à l'époque un promoteur immobilier il était reçu à la Maison Blanche par Reagan parce que c'était un gros promoteur immobilier new-yorkais, et ils sont également intéressants parce que l'Union Soviétique avait tout simplement besoin d'argent, bon. Et alors, ça, c'est la stratégie. Et donc, leurs filets sont très, très larges. Et alors, approcher des gens, qu'est-ce que ça veut dire, d'ailleurs, approcher des gens ? Approcher des gens, ça veut dire, à minimum, les connaître. Voilà. Les connaître pour éventuellement les utiliser, faire des dossiers. Et le KGB a adoré faire des dossiers, des fiches sur les gens. Voilà. Telle et telle personne pense ci, pense ça, m'a dit ça. Voilà quels sont ses points faibles, éventuellement. Son talon d'Achille. et en fait ça c'est la logique des services de renseignement d'une manière générale et des KGB plus particulièrement, c'est des gens qui adorent les fiches et quand quelqu'un ensuite, devient quelqu'un d'important, quand la personne que vous avez approchée dans le think tank d'extrême droite qui était à l'époque stagiaire devient un jour, je sais pas membre du cabinet du secrétaire d'état au transport, et bien vous ressortez la fiche et vous avez des informations sur lui éventuellement. Idéalement compromettante.
[25:32] Éventuellement compromettante mais pas forcément. Mais pas forcément, absolument. Et donc voilà, bon, alors pour en revenir à Trump, lui, Trump, en 87, c'est quelqu'un sur lequel le KGB peut sortir quelques petites fiches qu'ils ont probablement déjà, et qui montre quoi ? Qui montre qu'il a très certainement un tropisme pour l'Est, puisqu'il a épousé une ancienne mannequin tchécoslovaque à l'époque, il épousera plus tard une Slovène, qu'il fait déjà des affaires. Et ça, je pense que les soviétiques en prennent conscience avec un grand intérêt. Il fait des affaires avec... Alors... Entre autres la mafia italienne, et puis également la mafia russe. Pourquoi ? Parce que, et c'est là où ça devient intéressant, c'est qu'en 86-87, il est au bord de la faillite. Il a fait des investissements assez compliqués à New York, il a fait également des investissements très compliqués dans les casinos d'Atlantic City qui se cassent la figure, et donc il a besoin d'argent. Et il en vient à accepter l'argent d'un peu tout le monde, pas des Russes pour les Russes, mais notamment de la mafia russe. On peut se dire que le KGB est au courant de ça, et donc par ce biais là au courant du fait que Trump opère aux marges de la loi ce qui n'est pas inintéressant quand vous êtes un service d'enseignement qui essaye d'approcher toutes sortes de gens, et que par ailleurs il a besoin d'argent ce qui n'est également pas inintéressant et qu'enfin donc il a des connexions avec le pouvoir.
[26:55] Américain puisque bon candidat et donc comment s'opère le rapprochement et bien ça passe par l'ambassadeur soviétique aux Etats-Unis.
[27:04] Qui, dans un premier temps, le fait approcher par sa fille. Bon, ce n'est pas totalement clair cette histoire, mais ça a peu d'importance. Et qui, en gros, lui envoie un jour une belle lettre en disant « Monsieur Trump », donc il le rencontre, « Monsieur Trump, écoutez, je suis ravi de vous inviter en Union soviétique.
[27:20] L'agence Intourist voudrait développer un projet de tour de Trump Tower à Moscou. Trump se précipite, arrive à Moscou en juillet 87. Et c'est là où on ne sait pas exactement ce qui se passe on en est réduit à des conjectures on peut dire plusieurs choses c'est que je pense que le plus important c'est qu'il est appâté, Donc, par ce fait un peu tenu, par ses projets de tour. Je le rappelle, il a besoin d'argent. Et donc, il y a des discussions sur ses tours, à venir, avec toutes sortes de gens. Et donc, potentiellement, un business intéressant à la clé. La deuxième chose qui me paraît probable, c'est qu'il est flatté. C'est-à-dire que c'est quelqu'un qui, par ailleurs, puisqu'on ne l'a pas parlé, on ne l'a pas évoqué, qui fonctionne à l'ego. Et les services de renseignement ont également un cahier des charges sur les bonnes cibles. Ça je pense que tous les auditeurs le comprendront naturellement, quelqu'un qui est un égo un peu démesuré, qui a besoin de reconnaissance, évidemment qui a besoin d'argent, etc etc, tout ça c'est des gens intéressants puisque des logiques de rapprochement ou de manipulation c'est d'abord de la psychologie c'est pas autre chose que ça, c'est totalement, interpersonnel et il y a des gens qui sont plus difficiles à, essayer de tenir que d'autres et donc lui on peut partir du principe qu'il a été flatté.
[28:41] Sur toutes sortes de points, y compris à point de vue politique, en lui disant que les Etats-Unis auraient peut-être besoin de quelqu'un comme lui. Ça, c'est le truc qu'on t'a raconté ? Ou c'est plutôt logique par rapport à la psychologie ? C'est logique, et c'est de la pure spéculation. Et j'en ai aucune idée, puisqu'on sait vraiment très peu de choses sur le contenu de ce voyage. Et la dernière chose, et là aussi qui rebondira bien plus tard, c'est que j'ai évidemment essayé de tourner autour d'une autre hypothèse. Encore une fois, on est vraiment dans les hypothèses, et dans le film, je ne raconte pas autrement, qui est celle d'un compromat. Alors, qu'est-ce que c'est que le compromat ? Grande tactique du KGB, ça consiste, pour faire simple, à placer des caméras et des micros un peu partout quand vous vous trouvez sur le sol soviétique. Et ça, on m'a confirmé que tous les gens du profil de Trump étaient surveillés par ce biais-là. Et on n'avait évidemment aucune raison de penser à un compromat, je pense à un compromat sexuel.
[29:31] Jusqu'à ce que, pendant la campagne, alors je fais un bond dans le temps de 2015, un agent d'enseignement britannique travaillant pour le privé a, à partir de sources russes, émis l'hypothèse de l'existence d'un compromis sexuel visant Trump assez infamant. Thomas Goldenshauer. Voilà, Goldenshauer pour les auditeurs anglophones où vous chercherez sur Google. Encore une fois, on n'en a jamais eu la moindre preuve. Non mais ça, c'est important de le dire, mais les Russes, on en parlera bien plus tard, vont être assez malins sur la manière d'utiliser cette rumeur. Bon bref donc maintenant je reviens à 87 voilà Trump arrive là-bas, Et repart et rentre aux Etats-Unis. Alors ce qui est assez fascinant, ce que j'ai découvert, ce que pour le coup j'ai ignoré, c'est que Trump revient aux Etats-Unis au mois d'août de son voyage, qui dure à peu près un mois, et au mois de septembre, qu'est-ce qu'il fait ? Il achète donc quatre journaux américains, les plus importants, Washington Post, New York Times et deux autres, des pages de pub pour 100 000 dollars, de la part encore une fois de quelqu'un qui était au bord de la faillite, avait des problèmes d'argent, pour attaquer les alliances étrangères des États-Unis et notamment l'OTAN. Et il poursuit d'ailleurs, le même jour, le jour de la publication de ces quatre.
[30:46] Encarts, par une interview avec CNN, où il attaque l'OTAN, qui était à l'époque évidemment la bête noire des Etats-Unis, sur une rhétorique, qui est encore la sienne aujourd'hui, qui est celle de « les Etats-Unis ne doivent pas payer pour le monde entier ». Et c'est là où on voit que, évidemment, de sa part, l'idéologie intervient aussi. Je pense qu'aucun service de renseignement n'est capable de transformer totalement quelqu'un. En général, on essaie d'appuyer sur des choses existantes, et donc il avait très certainement cette logique-là, isolationniste. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'on ne peut pas ne pas se dire que intervenir publiquement comme il le fait, c'est aussi son intérêt financier,
[31:21] puisqu'encore une fois, je le rappelle, il a ce projet de tour de Trump Tower aux Etats-Unis. Voilà, donc ça commence comme ça dans les années 80, et pour en rester sur l'argent.
[31:30] Et là on va aller jusqu'à l'élection de 2016, ce qui est intéressant c'est qu'à partir de ce point-là, et toujours dans cette perspective des soviétiques, puis des russes. Encore une fois, je ne me mets pas vraiment dans sa perspective à lui, je ne sais pas trop ce que lui voulait faire, ce à quoi il pensait, je pense qu'il pensait à ses intérêts, tout simplement, Trump est assez basique. Mais du point de vue des soviétiques et des russes, ils vont plusieurs fois, de manière récurrente, l'aider financièrement. Donc il y a ce projet de tour qui ne se fait pas, puisque l'Union soviétique tombe. Trump ensuite essaye de vendre son nom à un promoteur immobilier russe dans les années 90, il y a des négociations. Puis dans les années 98, à nouveau, il est aidé par un prêt d'une filiale moscovite de la Deutsche Bank, évidemment sous contrôle russe, aidé de manière effectivement extrêmement importante pour lui. Puis en 2007, à nouveau, il est encore au bord de la faillite pour d'autres raisons à cause de la crise financière. Et là, c'est un oligarque russe qui vient à son secours par le biais d'une vente un peu mirobolante de villas. Donc, en permanence, il est dans le radar des Russes qui, je pense, pour terminer, considère que, en gros, ce personnage est un ami de la Russie. Je dirais les choses comme ça. Je ne sais pas s'ils le tiennent, peut-être. Quand je pose la question à Oleg Kalouguin, on en parlera peut-être, il me fait une réponse. Mais en tout cas, à minima, il considère que c'est un ami. D'accord. Oui, parce qu'à cette époque-là, en fait, Trump ne fait pas de politique. Il commence à s'intéresser à ça au début des années 2010.
[32:58] Alors, il s'y intéresse quand même en 87, en prenant position. Mais après, c'est plutôt un homme d'affaires, très médiatisé, etc. Donc, c'est intéressant aussi de parler de cette stratégie russe, c'est-à-dire qu'on va créer des liens, enfin, la stratégie du renseignement, on va créer des liens avec tout plein de gens, en espérant que, peut-être, à un moment donné, on pourra avoir des amis bien placés, entre guillemets. Je voudrais comprendre, en fait, qu'est-ce qui ressort de tes conversations et de ton enquête sur la continuité de sa stratégie, notamment avec le Parti républicain, est-ce qu'il y a des têtes de pont comme ça, ou même avec des services de renseignement, des gens dont on sait maintenant qu'ils étaient compromis. Et puis, qu'est-ce qui se passe à partir du moment où Trump commence à parler un peu de ses ambitions présidentielles, je crois même dès 2012, avec Obama qui le chambre à un dîner de la presse, et puis avant qu'il revienne plus sérieusement en 2015, je ne sais plus précisément les années, et qu'il se positionne comme candidat à la Maison Blanche.
[33:51] Qu'est-ce qui se passe entre ces années-là, avant de parler de la campagne en elle-même ? Et puis il y a l'arrivée de Poutine aussi, qui prend le pouvoir évidemment ?
[33:58] Est-ce qu'il y a une continuité ? Est-ce qu'il y a des choses qu'il faut avoir en tête pour comprendre cette dynamique et ce que tu considères comme une stratégie réussie de la part des Russes par rapport à la politique américaine ? Alors, question assez large. Je vais essayer d'avancer un petit peu en historien, en reprendant les choses dans leur chronologie. On les aiement clés. Oui, c'est ça, c'est la meilleure manière de comprendre. Et ça permet aussi de comprendre qu'il n'y a pas forcément de grande stratégie préalable. En fait, un service de renseignement, c'est quand même un truc à la con, il faut quand même en avoir conscience, que ce soit le KGB ou autre, c'est-à-dire que c'est des gens, des fonctionnaires qui doivent justifier leur.
[34:32] Position à l'étranger, il faut faire des trucs. Quand vous êtes en plus, quand vous venez d'Union Soviétique ou de Russie, qui sont l'Union Soviétique complètement décrépite, et voir la Russie des années 90-2000, où ça ne va pas très bien non plus, vous êtes ravis d'être aux Etats-Unis, et il faut faire des fiches et justifier à vos patrons le fait que vous travaillez dur et que vous recrutez beaucoup de gens. Donc, ce n'est pas forcément toujours réussi. On a des exemples où on retrouve des fiches avec des recrutements censés être mirobolants, qui sont en fait quasiment rien, où moi je peux sortir de ce studio en disant j'ai recruté Julien, c'est un ami de la cause, etc. Bon bref, il y a tous ces biais-là, et donc les choses sont quand même souvent un peu confuses, et surtout s'agissant des Russes, je ne suis pas en train de mythifier, la capacité de renseignement des Russes, ils ont, alors ce qui est intéressant, c'est qu'ils ont beaucoup misé sur le renseignement, parce que je pense qu'ils ont conscience de leur faiblesse relative sur d'autres terrains, comme par exemple le terrain militaire. Ils étaient dominés militairement dans les années 80, et ils sont encore aujourd'hui dominés militairement par rapport à l'Occident. Mais il ne faut pas non plus mythifier leur capitaine d'enseignement lorsqu'on voit la manière dont l'opération en Ukraine s'est quand même soldée par une puissance gigantesque qui était censée être la Russie par des batailles pour prendre des villages dans le Donbass trois ans après. Donc ça ne marche pas toujours forcément aussi bien. Bon, je me permets cette parenthèse-là, mais je pense qu'elle importe, parce que je pense qu'il faut Il faut aussi relativiser toujours et interroger ses propres certitudes. C'est comme ça qu'on essaie d'avancer.
[35:58] Dans les années 90, donc en 91, l'Union soviétique chute. Ce qui est intéressant, c'est que en fait, le KGB reste au pouvoir. C'est-à-dire que il y a le signe, mais la parenthèse démocratique dure 3-4 ans. Ça se passe très mal pour plein de raisons. On ne va pas refaire l'histoire de la Russie. Et le KGB décide de reprendre le pouvoir. Et le fait que Poutine prenne la tête des services de renseignement du FSB, en 98, puis la tête de l'État en 99, de fait, et puis la présidence en 2000, c'est le signe que, voilà, le KGB reprend le pouvoir. Aujourd'hui, Poutine, il est entouré par des anciens du KGB. Mais littéralement entouré. C'est-à-dire que tous ses potes, tous ses conseillers, tous ses ministres, enfin, beaucoup de ses ministres, et les gens avec qui il gouverne sont des anciens du KGB. Donc c'est pour ça aussi que ça compte, ce dont on parle. Ces années 80 qui peuvent paraître lointaines, ça compte parce que l'État russe est de fait un État du KGB. Par les CV, par les parcours, par les représentations du monde, par les manières de fonctionner les réseaux de ses dirigeants.
[36:55] Pour revenir à la question de la droite américaine, j'ai évoqué cette manière dont les think tanks de droite, l'alt-right est l'objet d'intérêts des soviétiques à l'époque. Je me suis intéressé à quelqu'un qui s'appelle Paul Verich, qui est extrêmement intéressant, parce que, d'une certaine manière, c'est le fondateur idéologique du trumpisme. Et le trumpisme, qu'est-ce que c'est ? D'un point de vue politique, je ne parle pas du point de vue de Trump, qui est lui-même un personnage assez extravagant. C'est l'ultra-nationalisme, le populisme, c'est une alliance avec les évangéliques.
[37:26] C'est l'isolationnisme en politique étrangère, c'est tout ça, et Verich c'est ça. Et quelqu'un comme Verich, c'est intéressant, on voit petit à petit son évolution. Je ne sais pas s'il a été contrôlé, pris en main par des services de renseignement russe, en tout cas, il est amené par des gens assez suspects, et dont un agent d'influence que j'interview dans mon film, il est amené en Russie, et en fait, en 10 ans, on voit que cette droite américaine se retourne et devient, enfin cette alt-right américaine et devient plutôt pro-russe pour des raisons qui tiennent au fait que la Russie est devenue capitaliste et que ça encore une fois les Américains c'est un pays de marchands ça les intéresse beaucoup et que deuxièmement ils ont l'air de revenir vers des valeurs traditionnelles chrétiennes et ça ça fascine très certainement cette partie de la droite américaine. La défense d'un Occident qui se perde. Voilà c'est ça. Et alors pour vous dire ensuite quels sont les effets de ces... Alors il y a certainement des effets qui sont des effets propres à cette droite dure américaine et puis peut-être des effets de logique de service de renseignement, j'en sais rien, j'aurais du mal à vous le dire, j'ai pas beaucoup de noms, on a des suspicions. Ce que je peux vous dire, c'est que si on regarde le point d'arrivée pour ce qui concerne Trump.
[38:29] Trump se présente à la présidentielle américaine, je suis persuadé que les Russes l'avaient évidemment pas prévu ni anticipé, même si je pense par ailleurs que son voyage à Moscou, je pense, a eu un vrai effet sur ses ambitions politiques, puisqu'à partir de là, on voit qu'il y revient, qu'il commence à attaquer Reagan, à dire qu'il ferait mieux, etc. Donc il y a quelque chose qui se noue là, je pense, J'en ai pas la certitude. On le saura peut-être un jour quand les coffres du Kremlin s'ouvront. En tout cas, il se présente aux élections américaines. Et là, les Russes ressortent très certainement leurs fiches. Mais si on regarde quel est son entourage, et là, je vais répondre à votre question sur la droite américaine, ce qui est intéressant, c'est qu'on voit que dans son entourage à ce moment-là, dans son équipe de campagne, on a plusieurs personnes qui sont clairement en lien avec les services de renseignement russes.
[39:15] Je pense à son directeur de campagne Paul Manafort qui est en lien avec des services de renseignement et la mafia russe, les deux, c'est intéressant ça c'est connu, ça a été avéré il a été arrêté pour ça et il a démissionné pour ça, et Trump l'a viré pour ça d'ailleurs parce que Trump ne pouvait pas le garder ça devenait compliqué, il y a l'FBI qui sort ça et le type est obligé de partir la queue entre les jambes entre guillemets.
[39:40] Roger Stone, à peu près le même genre de choses. Quelqu'un comme Michael Flynn. Alors lui, c'est un peu différent, mais en tout cas, il est compromis. Il a reçu un chèque des Russes, de manière très maladroite d'ailleurs. C'est un ancien directeur du renseignement militaire américain, d'ailleurs que j'avais rencontré en 2016 aux Etats-Unis. Et donc, il est obligé aussi de démissionner, lui, juste après l'arrivée au pouvoir de Trump. Des gens un peu plus jeunes aussi, c'est intéressant. Carter Page. Carter Page, c'est assez intéressant. Je vous dirai après pourquoi je fais cette addition de non, mais à l'importe. Carter Page est quelqu'un, et c'est d'ailleurs dans mon film, c'est comme ça que je rentre dans cette histoire-là, d'ailleurs. C'est un consultant en énergie basé à Washington. Et en fait, c'est complètement par hasard que le FBI s'aperçoit qu'il y a un problème, parce qu'en fait, ils ont mis sous écoute des diplomates russes à l'ONU, qui sont en fait des agents du SVR. Le SVR, c'est le service de renseignement extérieur russe. Et en fait, en captant par hasard des écoutes, ils s'aperçoivent que, tout simplement, ils sont en contact avec un nommé Carter Page et qui, tout simplement, leur propose des informations. Donc, on est vraiment dans l'ordre du recrutement d'une source.
[40:52] Eh bien, dans les écoutes, de quoi ils s'aperçoivent ces gens du FBI ? C'est que Carter Page envoie un mail à l'équipe de campagne de Donald Trump, et il propose ses services et que ses services sont acceptés par Donald Trump qui le nomme conseiller sur la Russie. Je pourrais ajouter d'autres gens un peu comme ça, avec des liens avec les services d'enseignement, George Papadou Poulos, Rick Gates, etc. Pourquoi je vous fais cette liste un peu à l'après-vert ? C'est que vous me posiez la question de quels ont été les effets potentiels de ces stratégies russes dans la droite américaine. En tout cas, il se trouve que lorsque vous avez le candidat Trump, il y a un certain nombre de gens qui sont l'objet de l'intérêt, qui sont approchés, qui sont peut-être parfois tenus, qui sont compromis, dans le cas de Carter Page, parce qu'ils ont offert leurs services. Et ça fait beaucoup. Ça fait quand même beaucoup. Ça montre qu'il y a quand même évidemment un jeu. Alors, encore une fois, tout ça est à relativiser.
[41:45] Les services de renseignement de tous les pays qui comptent évidemment s'intéressent aux Etats-Unis. Pourquoi ? Parce que les Etats-Unis, première puissance mondiale, il faut de toute façon s'y intéresser. Donc, je pense que toutes sortes de services font également la même chose. Mais en tout cas, voilà, il y a eu, pour terminer, une opération menée vis-à-vis de la droite américaine. On n'en connaît pas exactement les contours. elle n'a pas été sans efficacité puisqu'on s'aperçoit que dans l'équipe de campagne de Trump, on a quand même plusieurs personnes qui ont ces liens suspects. Je voudrais qu'on fasse un petit saut qu'on enchaîne avec l'époque des élections présidentielles et puis de sa présidence. Sur ce qui s'est passé par rapport à sa politique, par rapport à ses discours, par rapport aussi à ce qui a été tenté pour révéler certaines choses.
[42:28] On pense au patron du FBI, je crois, qui avait été viré après ces tentatives de s'opposer, de révéler certaines choses. Et puis, tu vas évoquer ce que je te laisse dérouler dans le tullein, mais ce qui me va très bien, de ce fameux coup de fil aussi à Zelensky, un peu troublant. Voilà, qu'est-ce qui vient conforter en fait cette idée que Trump va dans le sens de ce que Poutine souhaite.
[42:54] Et c'est de plus en plus évident et d'autant plus quand il est au pouvoir, voilà, qu'est-ce qui se passe autour de l'élection, quelle a été peut-être l'ingérence dans cette élection et pour qu'on comprenne un peu ce tableau dans l'histoire moderne alors ce qui est clair c'est que, ce qu'on sait c'est qu'en 2016 les russes ont, aidé Trump à gagner, ça veut pas dire que c'est grâce à eux qu'il a été élu, je ne crois pas du tout, je pense qu'il a été élu par lui-même, parce que les gens ont voté pour lui, tout simplement. Ils ont un petit peu poussé à hauteur de leur moyen. Mais ils ont poussé, et de manière très malin d'ailleurs, en comprenant peut-être avant les autres la guerre de l'information. Ça c'est une des, pour le coup, une des stratégies des Russes qui datent du KGB, ce que je raconte aussi dans mon film, c'est intéressant parce qu'en fait c'est là qu'on voit que vraiment les années 80 sont une matrice mais fin du dégagement sur les années 80. Donc par une guerre de l'information sur internet, via des réseaux sociaux, en ciblant les états-clés, des populations clés dans les états-clés et on voit aujourd'hui à quel point les états-clés c'est quelque chose de central puisque les élections américaines se jouent à quelques milliers de voix, en faisant également un piratage informatique dans les serveurs du parti démocrate qui va déstabiliser sur la ligne d'arrivée à la campagne ils ont joué cette carte-là ils ont essayé de le faire gagner je suis absolument, persuadé qu'ils n'étaient pas sûrs de réussir d'ailleurs je pense même que comme tout le monde, ils ne pensaient pas réussir puisqu'il fallait quand même être un parieur un parieur, assez invétéré pour penser que Trump allait être élu, tout le monde pensait que Clinton allait gagner, bon. Donc il est élu.
[44:22] Donc ça, l'ingérence, elle est manifeste. Et ça, personne ne la remet en cause. Ce qui a été ensuite débattu... Elle a été prouvée, elle a été documentée. Prouvée, documentée. Ce qui a ensuite été débattu, c'est la collusion. Ça, c'est autre chose la collusion, en fait. Et c'est pour ça, je réponds par avance à des critiques qu'on pourrait faire, à cette enquête, qui n'est pas seulement la mienne, qui est celle de la totalité de la presse américaine, par exemple. Effectivement, la collusion, c'est autre chose. La collusion, c'est est-ce que vous avez des gens, Trump lui-même ou son entourage.
[44:51] Qui vont s'allier de manière complice et active avec les Russes pour agir sur l'élection ? Et ce n'est pas du tout la même chose. Déjà, ça suppose que ça soit prouvé par un tribunal classique, puisque là, vous n'êtes pas un espion russe, mais vous êtes un citoyen américain. Donc, ce n'est pas du tout la même chose. C'est beaucoup plus compliqué à prouver. Je parlais de Carter Page, par exemple. Vous vous souvenez, ce consultant en énergie ? Eh bien, il s'en est sorti. Comment ? Eh bien, il a expliqué à un juge qu'il accusait de collusion avec la Russie. Il a dit « Écoutez, il n'est pas interdit par la loi de communiquer avec des diplomates russes. Ça fait partie de mes droits constitutionnels américains. Je ne savais pas que c'était des gens du SVR. » voulez-vous prouver qu'il savait que c'était des agents du SVR ? Bon, bref. Donc, c'est compliqué. Et par ailleurs, toutes les commissions d'enquête qui ont eu lieu, celles de Robert Mueller, par exemple, ont été attaquées par les Républicains dans le cadre d'une guerre juridique assez efficace, et tout ça a abouti à peu près nulle part. Quelques individus ont été condamnés, je pense à Paul Manafort, il a été gracié par Trump, donc on est arrivé nulle part, et c'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, les Républicains ou les Trumpistes se roulent par terre. Lorsque vous évoquer ces questions russes en disant qu'il est innocent. Effectivement, sur le point de vue de la collusion, mais vous voyez bien la différence que j'ai fait avec l'ingérence, il s'en est à peu près sorti. Il arrive, de ce petit dégagement-là, à nouveau, Trump arrive au pouvoir.
[46:15] À quel point est-ce qu'il est sous influence et sous pression ? Il sait ce qu'il doit à l'ingérence russe.
[46:22] Il est ulcéré par toutes ces enquêtes dont je parlais. Il est ulcéré qu'on puisse dire publiquement et il sait que c'est sans doute vrai que les Russes l'ont aidé à gagner, il est d'autant plus ulcéré que son programme c'est quand même Make America Great Again et donc ça ne fait pas très bon genre lorsque vous voulez faire de l'Amérique Great Again, vous avez été aidé par une puissance étrangère. Et donc ça le met sous pression. Et comme me dit John Bolton, qui était son conseiller à la sécurité nationale, il était extrêmement nerveux dès qu'il s'agissait d'entreprendre quoi que ce soit vis-à-vis de la Russie. On peut le comprendre. Et c'est la raison pour laquelle j'en parlais. Parce que ça pouvait Il pouvait faire trop évident s'il avait une attitude trop pro-russe, c'est ça ? C'est même psychologiquement compréhensible. Il ne veut pas être accusé, il ne veut pas montrer qu'il doit quoi que ce soit, c'est un problème. Donc, qu'est-ce qu'il fait concrètement pour... Et donc, par exemple, premier rendez-vous avec Poutine à Hambourg en 2017, voilà, Bolton me raconte, il ne se passe rien dans le déjeuner.
[47:16] Puisque, en gros, ses conseillers lui disent, on ne bouge pas sur les sanctions, profil bas. Lui, de toute façon, il débarque, il ne pensait pas être élu, il ne connaît rien à la politique étrangère, et donc profil bas.
[47:27] Ses conseillers arrivent à le convaincre. De livrer quelques armes anti-chars à l'Ukraine qu'Obama n'avait pas voulu livrer. Comme Obama ne l'avait pas fait, je pense qu'il se dit « Bon, je vais faire le contraire, puis comme ça, on ne pourra pas m'accuser d'être pro-russe. » Bon, ces choses-là. Ce qui est d'ailleurs intéressant dans ces conférences de presse, alors c'est la suivante à Helsinki, mais ça n'importe pas, c'est que je parlais de cette fameuse rumeur du compromis sexuel. La question est évidemment posée à Poutine devant Trump au cours d'une conférence de presse. Et là, vous voyez, Poutine qui se, avec gourmandise, répond à la question. Qui va d'ailleurs un peu plus loin en disant « oui, je sais qu'il y a des rumeurs d'une compromission, d'une vidéo compromettante, mais enfin, comment pouvez-vous penser ? » Donc, il prononce le mot, vous voyez bien à quoi il joue. Encore une fois, je ne sais pas si ça existe ou pas. Vous avez à côté Trump livide et donc sous pression, tout ça, ça importe.
[48:14] La psychologie entre les dirigeants de premier plan, ça importe. C'est d'ailleurs au cours de cette conférence de presse qu'un journaliste pose la question à Trump en lui disant « vos services ont fait des rapports disant qu'il y a eu une agérence russe, est-ce que vous les croyez ? » Et là, Trump répond, moi, je crois à Poutine qui m'a dit que ce n'était pas le cas. Et là, à nouveau, vous voyez bien qu'il y a un rapport de force qui s'établit et que c'est problématique pour Trump. Parce que c'est assez inhabituel d'avoir un président qui va ne plus croire ses services et qui préfère croire. Exactement. Donc, il y a eu beaucoup de débat là-dessus. Et alors, ça pose toute la question de comment est-ce que, quand vous êtes la Russie, vous utilisez la situation. Et vous voyez bien que ce n'est pas simple. Ce n'est pas du tout, ce n'est pas évident. Combien même vous auriez un compromat ? Encore une fois, on n'en a pas la preuve. Mais quand bien même, qu'est-ce que vous en faites ? Enfin, je veux dire.
[48:57] Vous n'allez pas le sortir.
[48:59] Enfin, on saurait que ça vient de vous. Donc, c'est quand même très compliqué. Je pense que la compromate est essentiellement financière, d'ailleurs. Je pense que ça relève plutôt des opérations financières de la Trump Organization, avec la Russie, avec la mafia, puis avec l'État russe. Mais bon, en tout cas, c'est compliqué à utiliser. Mais ce qui est intéressant, par exemple, c'est qu'on parlait de Trump, qui donc a dans un premier temps cette politique plutôt traditionnelle.
[49:22] On sent aussi qu'il donne des gages, et notamment dès son élection, il reçoit dans son bureau à la Maison-Blanche Sergeïl Kislak, l'ambassadeur russe à Washington. Et c'est à Kislak, quand même, un rendez-vous qui était censé d'ailleurs être confidentiel, qui est sorti ensuite, il est sorti comment ? Il est sorti par les Russes, c'est ça qui est intéressant. C'est les Russes, évidemment, qui, en fait, adorent, si vous me permettez l'expression, foutre le bordel aux Etats-Unis, puisque ça fait aussi partie de leur politique d'affaiblissement des Etats-Unis, du rapport à leurs institutions, des Américains, etc. Donc Trump reçoit cet ambassadeur et il lui annonce qu'il va virer le chef du FBI chargé de l'enquête sur les ingérences russes. Donc il annonce quand même à l'ambassadeur russe. Qui s'appelle, pour qu'on retrouve les noms... Sargel Kislak. Enfin le patron du FBI à cette époque. C'était James Comey. C'est James Comey en disant je vais virer ce dingue. Ce qui est intéressant aussi, c'est que... C'est lui que tu as dans le documentaire ? Non, c'est pas Comey, moi c'est Peter Strauss. Dans le documentaire du côté américain j'ai donc John Bolton, ancien conseiller de Trump, John Brennan qui était l'ancien patron de la CIA jusqu'en 2017 et Peter Strauss qui était le chef du contre-espionnage russe et donc qui s'est fait virer qui lui est parti et s'est fait virer en 2018 dans le cadre de ces batailles politiques dont je parlais.
[50:39] Et ce qui est intéressant, là je vous raconte vraiment les petites coulisses que j'ai pas racontées dans mon film et je trouve ça assez assez intéressant, c'est que en plus de ça, Trump fait une gaffe, volontaire ou involontaire, je ne sais pas, et à l'ambassadeur, en fait, donne le nom, indirectement, d'un agent du Mossad infiltré, enfin, qui obtient des informations sur Daesh. Pourquoi le fait-il ? Je ne sais pas. En tout cas, il le fait. Ça, et ça sort. En tout cas, les services de renseignement américains sont au courant. Ça fait évidemment un scandale à Washington, les journaux américains sont au courant, puisqu'il y a évidemment des fuites en permanence. Tout ça est balancé en direct à la presse américaine, Trump ayant beaucoup d'ennemis. Et ça inquiète tellement les Américains qu'il se serait passé quelque chose sur lequel j'ai enquêté c'est qu'un agent américain au service des Américains à très haut niveau.
[51:28] On a une petite idée de qui ça pourrait s'agir qui travaille au Kremlin à quelques bureaux de celui de Poutine est exfiltré, par la CIA. Ça a évidemment son importance parce que c'est évidemment une source d'informations assez clé sur Poutine. Parce qu'on avait peur qu'il soit compromis. Alors, c'est toute la question. Comment est-ce qu'on sait tout ça ? C'est que ça fuite. Il y a une fuite. Je vois assez bien comment c'est passé quand vous avez le Washington Post sous la signature d'un tel ou un tel qui sort une information. Vous savez que c'est monsieur CIA. Mais c'est comme ça partout. Au monde, en France, vous savez quand telle ou telle personne sort des informations qui lui sont données par tel ou tel type de canal. C'est comme ça, les gens ont des contacts privilégiés. Bon, bref, j'ai essayé ensuite d'ailleurs de le vérifier auprès de différents interlocuteurs. Je n'en ai jamais obtenu la confirmation. Brennan m'a dit « je ne confirme pas, ni n'infirme ». Peter Strauss, dont je parlais, était un peu plus allant sur cette piste-là, mais voilà, sans me donner de preuves définitives. Mais donc, vous voyez bien que cette opération russe, elle a quand même des effets et que Trump a un comportement, disons, pour le moins suspect, on va dire, et qu'en tout cas, ses services, ses propres services se méfient de lui. Bon, ça, c'est le début de sa présidence. Et puis ensuite, les choses évoluent, et c'est là où ça devient vraiment intéressant.
[52:43] Toujours dans cette idée de comment est-ce qu'on utilise la situation quand vous êtes les Russes. Je pense que les Russes ont compris qu'il avait un vrai problème politique, puisque pendant toute sa présidence, il est poursuivi par ses enquêtes, par ses révélations, par ses polémiques sur son rôle avec la Russie, sur ses ingérences russes, etc., etc..
[52:59] Et, en fait, les Russes lui offrent sur un plateau une sorte de théorie alternative à la gérance russe. Et, en gros, ils disent, c'est les Ukrainiens. Ce n'est pas les Russes, c'est les Ukrainiens. C'est les Ukrainiens qui se sont à gérer. C'est eux qui ont essayé de vous faire gagner, schématiquement. Et c'est eux qui, par exemple, ont piraté le fameux serveur informatique des démocrates. Ce qui est quand même totalement délirant. Ce qui est beaucoup, pour rappeler, il y a eu une fuite d'emails, plein d'emails qui ont été sortis juste avant l'élection. Et qui ont probablement compté. Alors là, encore une fois, c'est pas ça qui a fait gagner Trump, mais c'était tellement tendu que tout a compté. Qui ont éteint la polémique du bus qui était sur Trump. Voilà, qui ont éteint la polémique de Grabbed by the Pussy, etc. Voilà, on s'en souvient. Et ce qui est assez fou, et ça, tout ça, mais confirmé en l'occurrence par Bolton, qui était vraiment aux côtés de Trump à ce moment-là, c'est que Trump voit Poutine, en plus en tête-à-tête, ce qui est là aussi assez inhabituel. Et notamment, il sort, ça c'est à Helsinki en 2018, il sort ensuite de ce tête-à-tête, il donne une conférence de presse et bille en tête, Trump attaque en disant, où est le serveur ? Le serveur, en gros, se trouve en Ukraine enfin, j'en suis pas bien sûr, je pose la question. Et en fait, à partir de là les Trumpistes vont foncer tête baissée là-dedans dans cette théorie qui permet donc d'accuser.
[54:16] Les démocrates, d'accuser les Ukrainiens, qui permet de faire diversion sur la Russie, sur l'Algérance russe, et qui à ça, en fait, s'agrège aussi autre chose qui est utilisée par les Russes, puis par les Trumpistes, c'est que le fils de Joe Biden, qui, à partir de... Là, on est en 2018, donc Joe Biden, à ce moment-là, on le sait, sera le futur candidat opposant. C'est à partir de 2019 que ça devient très clair, mais Joe Biden commence à rentrer dans le paysage. Son fils Hunter Biden a été, à un moment, a fait des affaires avec une société, ukrainienne qui s'appelle Burisma.
[54:52] L'Ukraine étant un pays assez corrompu à l'époque, d'ailleurs toujours aujourd'hui, évidemment, on peut chercher des éléments qui seraient problématiques. Et donc la théorie qui est d'abord instrumentalisée par les Russes, c'est de dire Hunter Biden a travaillé pour Burisma. En fait, il a travaillé pour Burisma parce que son père était le vice-président d'Obama et que les Ukrainiens, par ce biais-là, attendaient un retour d'ascenseur. Bon, c'est pure construction, mais le soupçon suffit. Pour accréditer ces thèses-là, que ce soit du côté du serveur que de ce côté d'Unter Biden, par ailleurs, les Russes vont mettre dans les pattes de l'avocat personnel de Trump, Rudolf Giuliani, un agent de renseignement qui est un Ukrainien de nationalité, un homme d'affaires ukrainien, qui est un agent russe. Et ça, c'est le FBI qu'il a démontré, qui s'appelle Kislak, et qui lui donne des informations. Dans le même temps, alors ça on l'a appris bien après, on l'a appris d'ailleurs il y a à peu près un an.
[55:49] Le FBI ouvre une enquête, parce que c'est son métier d'ouvrir des enquêtes sur toutes sortes de choses, et sur la base notamment du témoignage d'un informateur, là cette fois c'est un informateur du FBI, c'est un citoyen ukrainien je crois à nouveau, qui donne des informations. Et on s'est aperçu bien après que ce personnage faisait partie des services de renseignement russe. Donc il y a toute cette stratégie des informations et finalement le parti trumpiste, le parti républicain s'en saisit, donc ça devient des polémiques permanentes à la télévision, on accuse Biden, etc. Et ça culmine avec ce fameux coup de téléphone, c'est que Trump.
[56:25] Alors je ne sais pas s'il est convaincu qu'il est le premier coup de téléphone à Zelensky. C'est le premier coup de téléphone à Zelensky. Zelensky est élu, alors je crois que là on parle de 2019, il est élu président et Trump lui passe un coup de téléphone.
[56:38] Trump, je pense qu'il n'est pas idiot, a bien compris qu'il y avait un angle, un biais à utiliser contre les Biden, comme ça. En fait, un coup de pied de l'âne, si vous voulez. C'est-à-dire qu'en gros, on m'a accusé d'être corrompu par les Russes, tout simplement, et que les Russes m'aient fait gagner. Je vais accuser mon adversaire à venir d'avoir le même problème avec l'Ukraine et donc il y a ce fameux coup de téléphone qui n'était pas destiné à sortir qui est sorti parce que, l'une des personnes qui l'écoutait qui était un lieutenant-colonel, qui a fait son devoir à trouver absolument hallucinant le dialogue et l'a fait sortir à la presse et qu'est-ce que dit ce dialogue dont je reproduis.
[57:20] Certains textes dans mon film en gros c'est donnez-moi des informations sur Biden, sur Hunter Biden, sur Biden, et sur le serveur d'ailleurs. Sinon, je coupe l'aide militaire à l'Ukraine. Comme Zelensky est évidemment bien incapable de donner des informations, c'est autre chose que Hunter Biden, effectivement, a travaillé pour l'entreprise ukrainienne, eh bien, qu'a fait Trump ? Il a coupé l'aide militaire à l'Ukraine à hauteur de 400 millions de dollars. Alors, 400 millions de dollars, c'est aujourd'hui, ça ne nous paraît pas énorme, sachant les montants qui sont versés par les Etats-Unis à l'Ukraine, attaqués par la Russie. Mais à l'époque, ce n'était pas rien, surtout quand vous vous préparez potentiellement à une invasion. Et donc, voilà, si je devais résumer, la manière dont les Russes ont utilisé les différentes cartes qu'ils avaient entre les mains. Ok.
[58:05] Merci d'avoir balayé tout ça. Ça fait beaucoup d'informations et effectivement, j'invite tout le monde à aller tirer et aller vérifier tout ça. Donc, on approche de l'élection. Encore une fois, je ne sais pas à quel moment je diffuse ça, peut-être que ça a déjà eu lieu. Est-ce qu'il y a d'autres éléments nouveaux que tu peux apporter, peut-être qui n'étaient pas dans le documentaire, des choses qui sont discutées en ce moment, qui sont liées à ça. Parce que c'est pareil, ce qui est étonnant de voir, c'est que maintenant, les deux camps ont la même stratégie, c'est-à-dire d'accuser l'autre d'être corrompu, d'accuser l'autre d'être un danger pour la démocratie américaine. C'est une technique rhétorique, même une technique classique, c'est-à-dire un peu ses premiers qui dis qui est, ou toi-même, on en est là-dessus. Mais ça fonctionne parce qu'en fait c'est extrêmement divisé et pour la plupart des gens c'est dur de savoir finalement qui dit vrai si on ne doit pas soi-même creuser et regarder effectivement ce qui sort puisque on se noie dans l'information. Donc qu'est-ce que tu peux faire ressortir comme élément intéressant pour comprendre, la nature de cette relation et ce qui pourrait se jouer suite à l'élection américaine notamment par rapport à la Russie. Oui c'est ça, je vais rester sur la Russie parce que je pense qu'effectivement je ne répondrai pas effectivement, j'aurais pas un panorama global.
[59:28] Là aussi, je me situe du point de vue des Russes. Je reviens toujours à ça, parce que je pense que c'est ce qui est peut-être de plus clair dans leurs intentions. Quel est aujourd'hui leur problème ? C'est l'Ukraine, clairement. Poutine, donc le dictateur russe, joue sa tête peut-être, en tout cas son destin politique sur cette affaire-là, puisqu'il a entraîné son pays dans une guerre qui est évidemment dramatique, d'abord pour l'Ukraine, mais aussi pour son pays. Les sanctions, autrement à ce qu'on dit, commencent à faire effet petit à petit, ça prend du temps. Beaucoup moins d'effets qu'on aurait pensé au départ, mais elles ont des effets. Elles sont en train de ruiner la Russie, qui est en train de reculer d'une décennie ou deux. Et puis par ailleurs, elles sont humainement extrêmement coûteuses pour la Russie, qui au moment où on parle, perd entre 1500 et 2000 soldats sacrifiés par Poutine. De toute façon, c'est déjà un pays vieillissant aussi. Sachant que c'est déjà un pays vieillissant. Bref donc du point de vue de Poutine il faut arrêter la guerre et essayer de l'arrêter à ses conditions, la meilleure manière d'arrêter la guerre, il l'a bien compris, à ses conditions c'est que les ukrainiens soient plus capables de se battre et demandent une négociation qui serait en fait sur les positions russes une forme de capitulation sachant qu'au moment où on parle l'Ukraine est en très mauvaise posture.
[1:00:46] Sur le front ukrainien, l'Ukraine je le rappelle c'est un pays qui est dix fois moins riche que la Russie et qui est 5 fois moins peuplé. Enfin, je ne suis pas très bon en maths, mais c'est à peu près ça. Et donc, il résiste de manière absolument miraculeuse. Encore une fois, je pense que, vous savez.
[1:01:03] Derrière son... les écouteurs de son iPhone en France, c'est une chose, mais... Je crois qu'il faut en avoir conscience. On a vraiment des gens qui se battent avec un courage absolument hallucinant, une jeunesse qui se fait décimer pour une guerre d'agression impérialiste russe. Russes, quelle que soit l'appréciation qu'on a sur ces causes immédiates, profondes, etc. C'est un autre débat, en tout cas c'est ça la réalité. Bon. Et donc, Poutine doit effectivement arrêter ça. Et il doit donc faire pression sur les Etats-Unis pour que les Etats-Unis arrêtent de livrer de l'armement et un soutien politique, diplomatique, donc militaire, à l'Ukraine. Ce qui rendrait les choses très compliquées pour l'Ukraine. Je ne sais pas si l'Ukraine arrêterait de se battre, j'en sais rien. Encore une fois, je pense que les Ukrainiens... Ce ne serait pas le même rapport de force. Et vu la situation pas bonne de l'armée ukrainienne en ce moment, effectivement, ça aurait probablement des effets et ça obligerait peut-être l'Ukraine à aller à la table des négociations et à accepter les demandes russes. Les Russes aussi ont envie d'en arrêter là pour le moment et ils voudraient, je pense, garder le Donbass, la Crimée, etc.
[1:02:09] Pour l'instant, les démocrates soutiennent l'Ukraine. Kamala Harris aurait probablement une politique peut-être un peu moins dynamique que celle de Biden, mais ne montre pas de volonté de changement manifeste. Celui qui montre une volonté de changement manifeste, c'est Trump, le lapsus révélateur. C'est Trump qui, effectivement, clame au effort qu'il faut arrêter ça. Alors, comme lui adore se présenter en faiseur de deal, il dit, avec moi, c'est réglé, en 7 jours, j'obtiens une négociation. On comprend bien que derrière ça, il menacerait évidemment les Ukrainiens d'arrêter l'aide et puis en leur disant, vous êtes sympa, maintenant vous allez accepter, on fige les choses, vous allez accepter. Donc ça, il l'a dit à plusieurs reprises. Par ailleurs, alors, ça correspond aussi à une logique politique. Trump est quelqu'un, je le disais, qui est isolationniste. Il s'est fait élire sur le refus des guerres extérieures. Dans un pays, les Etats-Unis, qui sont épuisés par un certain nombre de guerres, souvent perdues d'ailleurs, en tout cas difficiles à l'extérieur, l'Afghanistan étant la dernière en date. Donc il y a aussi des raisons politiques, encore une fois. Il n'a pas envie de s'embêter, ce qu'il avait fait dans son premier moment-là, c'est plutôt dans les pacifistes presque par rapport aux autres présidents américains. Par certains côtés, c'est le cas. Bon, sauf qu'on connaît l'adage, pour éviter la guerre, parfois il faut... Pour protéger la paix, il faut préparer la guerre, enfin c'est pas aussi simple que ça, mais bon.
[1:03:28] Bref, Et donc, on en est là. Alors, qu'est-ce que font les Russes là-dedans ? On ne sait pas très bien. Bob Woodward, journaliste d'investigation, a révélé que Poutine avait parlé à Trump au moins sept fois depuis le départ de Trump de la Maison-Blanche en 2020, ou en janvier 2021. Pour se dire quoi, on ne sait pas. En tout cas, ils se sont parlé. L'information est sortie. D'ailleurs, ce qui serait intéressant de savoir, c'est qui l'a fait sortir. Est-ce que c'est l'entourage de Trump ? Est-ce que c'est du côté russe ? Je ne sais pas. Encore une fois, mais bon, voilà.
[1:04:00] Et par ailleurs, dernière chose pour terminer sur la campagne actuelle, les russes, on le voit, sont assez actifs pour aider à nouveau Trump à gagner. Le FBI a démantelé un réseau de financement d'influenceurs pro-Trump sur les réseaux sociaux, à hauteur de 10 millions de dollars. Bon, voilà. Donc, il y a un certain nombre d'éléments comme ça. Je pense que les Russes sont beaucoup moins actifs qu'ils ne l'étaient en 2016 ou même en 2020. Ils sont plus prudents. Les services de renseignement américains sont également beaucoup plus alertés et beaucoup plus efficaces. Mais voilà où on en est au moment où on parle.
[1:04:32] Merci pour ce tableau. on va parler aussi un petit peu de l'Europe puisque si on est centré sur la Russie et que c'est un peu les mêmes méthodes, il y a plein de choses qu'on pourrait qu'on peut en dire. Je voudrais faire un petit détour sur la méthode parce que je trouve ça hyper intéressant justement cette démarche et que c'est important de savoir aussi d'où on parle. Quelle a été ton approche pour collecter et valider les différents témoignages pour identifier les bonnes personnes ta démarche journalistique, notamment on peut centrer sur ce documentaire, qui fait que tu penses qu'il y a quand même des choses sérieuses, que les témoignages sont solides et que c'est sourcé. Comment tu as travaillé là-dessus ? Alors, très franchement, pour ce documentaire, ça a été assez simple. C'est-à-dire que les choses sont sorties. Il y a eu, vous l'imaginez bien, enfin je dis vous au sens des auditeurs et toi Julien.
[1:05:26] Évidemment de très nombreuses enquêtes. Alors, j'ai évidemment dépouillé le rapport Muller, qui fait à peu près un millier de pages. Et d'ailleurs, j'invite les auditeurs qui auront envie de savoir plus à aller à la source de voir le rapport Mueller. Le rapport Mueller, c'est une enquête du FBI, c'est assez sérieux.
[1:05:43] Ça interroge des gens qui parlent, des témoins qui sont face au FBI Sauf si on pense que le FBI est totalement pro-démocrate, anti-Trump, etc mais là, du coup, c'est la logique de la confiance, mais c'est une question à laquelle t'es confronté aussi, ou ? Parce que j'imagine qu'il y a eu un airfare en commentaire On est tous confrontés à la logique de la confiance Si on fait plus confiance, si on considère qu'on peut plus faire confiance à aucune institution, dans des pays démocratiques, je parle de la France par exemple de l'Europe ou même des Etats-Unis dans ce cas-là, effectivement, il faut prendre les armes c'est-à-dire qu'en gros, l'Etat est contre vous, l'Etat ment si le FDI, la justice... C'est à peu près le discours de Trump, d'ailleurs. C'est le discours de Trump, qui d'ailleurs est peut-être prêt à prendre les armes. En tout cas, on voit où ça mène politiquement. Et si les gens le pensent en France, effectivement, c'est souvent ce que je réponds à des complotistes qui me disent, mais voilà, on est dominé par une dictature. Et je leur dis, mais tu me dis ça, mais tu restes dans ton fauteuil. Moi, si j'avais l'impression d'être dominé par une dictature que, je sais pas, la police est totalement aux mains d'eux, etc., je resterais pas là sans bouger. Tout l'incident du Capitole... Voilà, il faut prendre le maquis. Enfin je veux dire, bon, bref. Et donc, oui, on peut toujours considérer que le FBI, mais le FBI a fait d'autant mieux son boulot que c'est une institution assez apolitique d'ailleurs aux Etats-Unis, plutôt à droite, pour le coup, autant la CIA, d'ailleurs, c'est marrant, est plutôt à gauche, vaguement, enfin c'est plutôt pro-démocrate. Quelqu'un comme Brennan, par exemple, je parlais de lui qui est devenu directeur de la CIA, me racontait par exemple que quand il était rentré à la CIA à la fin des années 70.
[1:07:06] Au moment de passer, vous savez, le détecteur de mensonges, je lui ai dit, est-ce que vous avez voté pour, enfin soutenu le communisme, mais il dit « j'ai voté pour le Parti communiste américain ». C'est quand même assez dingue. Et là, l'examinateur de la CIA lui dit « écoutez, c'est votre droit d'américain, vous avez le droit de voter pour qui vous voulez, c'est un peu un problème pour nous ». Bref, le FBI est plutôt à droite. Et en tout cas, ces enquêtes ont été faites sous le contrôle, évidemment, bipartisan, vous imaginez bien, toutes sortes de contrôles. Donc le rapport Mueller est extrêmement sérieux.
[1:07:36] Et là pour le coup il est implacable sur les ingérences sur les ingérences russes aux Etats-Unis, implacable enfin je veux dire assez sidérant ça fourmi, mon sourcé, etc. Il y a des gens qui ont parlé autour de Trump Michael Cohen son ancien avocat s'est mis à table parce qu'il n'avait pas le choix parce qu'on le menaçait d'année de prison donc à un moment vous dites les choses il a d'ailleurs fait de la prison, il y a également des enquêtes de journalistes il y en a eu beaucoup, là pour le coup la presse américaine n'est pas réputée pour être peu sérieuse. Donc, en fait, si vous voulez, moi, je me suis appuyé sur des choses qui, journalistiquement, existaient. Donc, c'était beaucoup plus simple que parfois, pour moi. Ensuite, j'ai voulu faire parler des gens. Et donc là, je me suis adressé à des gens qui pouvaient me parler, du côté des renseignements, du côté de Trump. Donc là, je parle de John Bolton, qui est en plus vraiment un type, pour le coup.
[1:08:26] Très central dans le jeu américain. C'est pas du tout un gauchiste, au contraire. Et puis, service de renseignement. Donc, cet ancien patron du FBI qui est totalement apolitique, et John Brennan... On se vient de laisser hier. Mais bon, si vous voulez, ils me disent des choses, ils me disent aussi leurs sentiments, leurs ressentis, mais d'un point de vue journalistique, il n'y a rien qui défriserait un enquêteur de Washington Post ou de Los Angeles Times. Par ailleurs, il y a la question des Russes. Alors ça, c'est un peu autre chose. Les Russes, c'est... Voilà, parce que s'il y a des révélations ou des confirmations à me donner, on imagine bien que c'est du côté russe. Moi, j'aimerais bien avoir le directeur actuel du GRU me disant, voilà ce qu'on a fait, voilà ce qu'on voulait faire, etc. Bon, tout le monde aimerait bien, évidemment. J'ai évidemment pas pu avoir le directeur actuel du GRU. J'ai pas pu avoir des Russes liés au pouvoir russe aujourd'hui. J'en connais un certain nombre. Je les avais rencontrés pour des enquêtes précédentes ou des documentaires précédents. Donc, j'ai évidemment tenté ces pistes-là. Les écoutilles sont fermées à Moscou et personne n'avait envie de me parler de ces sujets-là. Bon, j'avais déjà posé des questions sur la gérance russe à des proches de Poutine, en l'occurrence à Konstantin Maloféev, qui est l'un de ses proches, à Vladimir Yakounine, à Andrei Kozachev, qui est aussi dans les cercles du pouvoir, qui m'avait apporté des réponses pour un autre documentaire. Mais là, c'était fermé. Et donc, je me suis intéressé à ceux qui pouvaient être en situation de parler, c'est-à-dire les anciens du KGB, puisque, comme je l'ai expliqué à tes auditeurs.
[1:09:51] La première partie de mon film, ça se passe dans les années 80. Bon, donc toute la bataille, c'était là. Alors, j'ai parlé de Jack Barsky, qui m'a donné quelques éléments nouveaux. Et ensuite, c'est la question Oleg Kalougin. Kalougin est quelqu'un que j'ai rencontré il y a une quinzaine d'années, qui n'est pas un défecteur. C'est-à-dire que ce n'est pas un mec qui a trahi la Russie. Il a dû fuir parce qu'il s'était retrouvé dans un combat avec Poutine pour prendre la tête des services de renseignement. Finalement, c'est Poutine qui a gagné le combat, en évitant que Kalouguin devienne le chef du SVR. Donc Kalouguin, en deux mots pour les auditeurs.
[1:10:29] Un plus jeune général du KGB, chef de l'espionnage et un maître espion, chef de l'espionnage soviétique aux Etats-Unis dans les années 70, puis patron de la division la plus pointue de l'espionnage russe soviétique au début des années 80, qui était le contre-espionnage extérieur. En gros, il était chargé de recruter des agents au sein de la CIA et du FBI. » et donc il est parti aux Etats-Unis et donc je me suis dit bah tiens s'il y a quelqu'un qui peut me dire des choses c'est lui et donc je suis allé le voir et effectivement c'est ça puisque tu me parlais, tu me demandais quelles étaient les sources et les manières de faire, j'ai fait comme je fais d'habitude, c'est-à-dire que mon métier c'est d'aller demander à des gens ce que vous avez envie de me parler c'est pas plus compliqué que ça le journalisme c'est ça, c'est vraiment il y a des gens qui savent des choses qu'ils ont dites parfois ou pas, vous les appelez, vous leur dites « Voilà qui je suis, voilà ce que je fais, ce que vous avez envie de me parler. » C'est tout. C'est ça le métier. Donc je suis allé le voir. Et lui ne me révèle pas le poteau rose. J'invite tout le monde à aller voir mon film et vous verrez ce qu'il me répond. Il est assez sibylain.
[1:11:42] Il confirme un certain nombre de choses sans donner de preuves. Voilà pour résumer. Parce qu'il ne veut pas en donner, il me le dit, je ne veux pas. En gros, il m'a dit ensuite, après l'interview, j'ai essayé de le cuisiner encore. Et en gros, il m'a dit, un, moi, je ne suis pas un défecteur, je ne suis pas une balance, en gros. Il ne m'a pas dit comme ça, mais ça revenait à ça. Et deuxièmement, il m'a fait bien comprendre qu'il y avait également des risques à en dire trop. Et il me citait le cas d'un ancien colonel du FSB, Litvinenko, assassiné par la Russie à Londres, et qu'il avait, m'a-t-il raconté, appelé quelques jours avant sa mort, le disant, là, tu vas trop loin, ils vont te tuer. Effectivement il a été tué quelques jours plus tard ok on va parler de l'Europe.
[1:12:25] Où, pareil, il est avéré, il y a eu différents rapports là-dessus, que les services russes sont très actifs, avec à peu près les mêmes méthodes. En tout cas, c'est toi qui vas me raconter ça. Mais qu'est-ce que tu sais du rôle de la Russie, ou en tout cas de la stratégie russe en Europe, et on peut prendre la France comme exemple, notamment auprès des think tanks, et puis de la droite qu'on va appeler conservatrice ? Est-ce qu'il y a des choses qui sont sorties de manière évidente ? Est-ce que, d'ailleurs, tu as parlé de l'Europe à tes différents interlocuteurs. Quel est le rôle de la Russie ? Quelle est la stratégie ? Est-ce que c'est la même, etc. ? Alors, d'un point de vue du renseignement, je pense que la priorité, c'est les États-Unis. Parce que c'est la première puissance mondiale, que c'est l'ennemi numéro un. Et qu'en plus, ils ont compris qu'il y avait des failles aux États-Unis qu'ils pouvaient exploiter. Donc ça, je pense que c'est leur priorité. Ensuite, effectivement, les services russes, un peu sur la même logique que celles que j'ai décrites, qu'on a bien comprises, sont actifs en Europe.
[1:13:25] Parlons un peu de la France.
[1:13:28] Je vais vous donner un exemple, je trouve, assez frappant d'ingérence, là, pour le coup. On est en 2017, donc élection présidentielle. Quelques temps avant les élections des ordinateurs appartenant à la campagne présidentielle de Macron sont piratés par des hackers russes, ça on le sait maintenant.
[1:13:58] On voit bien le parallélisme d'ailleurs avec les événements aux Etats-Unis.
[1:14:03] Ça finalement ça n'a pas tellement d'impact pour des raisons sur lesquelles je ne voudrais pas m'étendre, mais sur cette base là les russes, les réseaux russes des médias russes, je pense par exemple à RT font courir une rumeur qui est que Macron posséderait un compte offshore un compte en banque offshore.
[1:14:26] Rumeur qui n'a jamais été validée par quiconque, quoi que ce soit. Et ce qui est intéressant, c'est qu'on est dans le débat du second tour de l'élection de 2017 et là, vous avez, la candidate qui est l'adversaire de Macron qui, dans le débat publiquement, lui dit... Marine Le Pen. Marine Le Pen lui dit une phrase mais si on apprenait dans les jours qui viennent ou dans les heures qui viennent que vous avez un compte à l'étranger, ce ne serait pas un problème. Posons la question. C'est un exemple d'une ingérence très claire. Là, on voit très bien ce qui s'est passé, d'où la rumeur arrive, comment elle est amplifiée par les Russes, comment elle s'appuie sur ce piratage, puisque c'était ça, en gros, la logique.
[1:15:13] De désinformation, c'était de dire, on a eu des informations par un piratage, et donc il y aurait un compte russe, etc. Bon, voilà. Donc, c'est un exemple. Ensuite, je ne m'étendrai pas tellement plus, parce que Est-ce que ce n'est pas un dossier que je connais très très bien ? Est-ce que tu as creusé sur les liens ? Non, je n'ai pas creusé. Je vous renvoie. Il y a eu un certain nombre d'ouvrages. Je pense par exemple à Romain Milcarec qui a fait un livre assez marrant en plus puisqu'il raconte la tentative de recrutement, enfin de recrutement d'approche dont il est l'objet par un agent russe en poste à Paris. Et d'ailleurs, j'invite d'autant plus vos éditeurs à tes auditeurs à le lire que c'est assez marrant puisque je racontais la manière parfois un peu foutraque que pouvaient avoir tous ces trucs-là. Là, on voit vraiment à quel point il y a un côté presque gaguesque. Mais bon, en tout cas, il y a eu un certain nombre d'ouvrages et d'études là-dessus qui montrent que oui, bien sûr, les Russes sont actifs, cultivent leur réseau.
[1:16:07] Effectivement, beaucoup dans l'extrême droite, en fait, parce qu'il y a des proximités idéologiques. Et donc, voilà. C'est compliqué aussi de faire la part des choses entre ce qui est de l'ordre du renseignement, de l'espionnage et ce qui est de l'ordre de l'influence. Parce que, encore une fois, tous les États, ont des valeurs, des politiques, une culture, des principes à mettre en avant dans d'autres États. Tous les États. C'est-à-dire, les Américains font la même chose en Russie, la France fait la même chose en tel et tel pays. Et donc, effectivement, à partir de quel moment est-ce que vous franchissez la ligne rouge, c'est compliqué. Mais que l'ambassade de Russie, par exemple, finance, je ne sais pas, des centres de réflexion franco-russes où ils participent, où mettent ça en avant, Après tout, franchement, ça peut poser un problème en temps de conflit en Ukraine, mais ça n'a rien d'étonnant et ça n'a rien de forcément illégal. On voit que la Russie joue à fond cette carte idéologique qui émerge un peu partout sans que ce soit la Russie qui la pousse directement mais qui a un as-tu pour elle. C'est aussi ça qui fait que tu penses que leur stratégie marche bien parce que justement ils arrivent à se positionner comme sauveurs des vraies traditions.
[1:17:21] Chrétiennes, on va dire, ou de l'Occident original. On entend souvent ça, finalement, qu'ils s'opposent à une espèce de dérive de soit la stratégie otanienne, soit la domination américaine, etc. Alors, en France, bon, ils jouent sur du velours parce que d'abord, ils s'opposent aux Etats-Unis. Et en France, il y a une tradition anti-américaine assez ancrée à l'extrême-gauche, ça vient du communisme.
[1:17:48] À l'extrême-droite, et puis, même chez les gaullistes, je suis toujours un peu méfié de... Et puis, il y a des différences culturelles importantes, on est un pays peut-être moins un capitaliste au sens américain du terme. Les Etats-Unis, ça incarne aussi ça. Donc effectivement, on voit bien qu'il y a des points d'appui. Par ailleurs, effectivement, ils sont assez forts pour se présenter en défenseurs de l'Occident chrétien. Ça, c'est sûr.
[1:18:15] Et puis on sent aussi quelque chose de plus large, on sent qu'il y a aujourd'hui une interrogation entre deux modèles, le modèle démocratique et le modèle autoritaire. Notamment sur la question de l'efficacité, de gens qui vous disent « bon, ça marche mieux, c'est le bordel, la démocratie c'est le bordel, on veut de l'ordre ». Et donc les Russes, c'est un modèle autoritaire, ça c'est clair, pour ne pas dire dictatorial, et là aussi c'est ce modèle-là qu'ils ont à présenter. C'est d'ailleurs pour ça aussi que ce qui se passe en Ukraine est si important pour nous, au-delà de l'avenir de notre sécurité collective et du fait qu'on va devoir mettre un fric de fou pour se défendre si jamais la Russie l'a emporté, c'est aussi un test d'efficacité, c'est qu'est-ce qui marche le mieux entre les deux.
[1:18:54] Mais dans le cadre de cette interrogation sur les systèmes de valeur, évidemment les Russes ont un système alternatif à offrir et ça marche chez un certain nombre de gens qui doutent, détestent la démocratie finalement, ou bien qui vous disent que ce n'est pas une vraie démocratie et donc on est en dictature et donc finalement, à tout prendre, je préfère encore la dictature russe. Enfin, vous savez, c'est... Oui, le personnage de Poutine qui est présenté à tort ou à raison, d'ailleurs, parce que c'est un personnage complexe avec une histoire qui s'étend en plus au pouvoir sur plus de 20 ans. Comme le sauveur de la Russie qui était dépecé, ce qui a pu être vrai à un moment donné. Il a redressé la Russie. On ne peut pas lui enlever ça. Effectivement, la Russie, elle est quand même un volo. Effectivement, là, pour le coup, l'État KGB qu'il a incarné avait un vrai savoir-faire et effectivement, il a redressé la Russie il est en train de la planter. Ceci dit, là, vraiment, les forces vivres russes partent. Enfin, c'est vraiment... Ils sont en train de reculer, encore une fois, de quelques décennies à vitesse grand V, mais bon, en tout cas, effectivement, il y a cette image-là.
[1:19:56] Et donc, c'est de tout ça que joue la Russie, effectivement. Qu'est-ce qu'on peut dire à toutes les personnes qui seraient encore là, qui nous écoutent, et qui sont fondamentalement pro-russes ?
[1:20:11] Parfois c'est le fruit d'une réflexion où justement ça joue sur des valeurs dont on vient de parler parfois ça peut être parce qu'on ne se rend pas compte mais qu'on a consommé énormément on est rentré dans la bulle dans un tunnel de consommation de contenu et qu'on se fait emporter par un discours et puis on voit bien, que c'est partout pareil puisque justement on a cette rhétorique qui consiste à accuser l'autre camp des mots dont on est accusé et qu'il y a une grande confusion là-dessus, Qu'est-ce qu'on peut dire peut-être pour faire un petit peu plus douter, sachant que moi je ne suis pas ni anti-russes ni pro-russes, j'essaie juste de poser un petit peu, d'aller chercher ce qui se joue et puis d'essayer d'aller à la source et de regarder ce qui peut être le plus proche d'une forme de vérité. Dans les conversations que t'as, d'une manière générale, quand t'es confronté à des gens qui sont là-dessus, c'est quoi les arguments que tu utilises, les questions que tu poses ? Déjà, il y a quand même un truc, c'est que c'est valable dans la vie quotidienne, comme dans les relations internationales, souvent, on choisit pas ses ennemis. C'est-à-dire que parfois, ou souvent, c'est l'autre qui nous désigne comme ennemis. Et en l'occurrence, les Russes ne nous aiment pas. Les Russes nous détestent. Détestent nos pays, détestent l'Occident, détestent l'Europe, détestent les Etats-Unis. C'est un sentiment que t'as ? Non, ils le disent, c'est le discours.
[1:21:30] Ils considèrent, nous... Ils considèrent qu'on est à la dérive, en gros. Non, mais c'est plus que ça. Effectivement, on est des adversaires, ils nous considèrent comme des adversaires à combattre. Et d'ailleurs, c'est pour ça qu'on fait la guerre, parce qu'il y a un danger d'être entouré. Par exemple, c'est ça. C'est quand même intéressant de se dire, parce que si vous posez la question à un citoyen lambda, la plupart des gens s'en foutent. Enfin, personne.
[1:21:54] Avant la guerre en Ukraine. Parlons de ce temps-là. La plupart des gens n'ont strictement rien à faire de la Russie. Ça n'empêche personne de dormir. Il y a des gens qui le trouvent très sympa. Mais ce que je veux dire, c'est que la majorité des gens n'ont ni hostilité ni sympathie particulière pour la Russie. Mais l'inverse n'est pas vrai. Et ce que je veux dire par là, c'est que nous sommes désignés comme étant des ennemis par les Russes eux-mêmes. Donc ça, on n'a pas forcément le choix. La rhétorique russe, médiatique, politique, leurs agissements également, sont ceux-là. Donc il nous vise. Bon, ça c'est la première chose. La deuxième chose, c'est que je dirais à des gens qui se définiraient comme prorusses de comparer concrètement et notamment de comparer à l'échelle de ce que pourrait être leur propre vie. C'est-à-dire qu'en gros, si vous êtes en Russie aujourd'hui, en gros, vous n'avez pas de liberté. C'est-à-dire qu'en gros, vous pouvez vous retrouver en taule pour un truc que vous avez dit, pour avoir contesté par exemple la guerre en Ukraine. Aujourd'hui, un Français qui conteste, je ne sais pas quelle intervention extérieure française, en Afrique ou au Moyen-Orient, par exemple, il ne va pas en prison. Il leur faut beaucoup, beaucoup, beaucoup. Non, mais une contestation verbale, honnêtement, c'est à la loi. Ça s'appelle l'état de droit. Donc, ça n'existe pas en Russie, tout simplement. Et la deuxième chose, c'est que si vous habitez en Russie, en gros, vous êtes pauvre. Enfin, je veux dire, il y a un moment, les conditions matérielles, ça compte. Je ne vous dis pas que les gens vivent très bien, forcément, toujours en France, et on a des vrais problèmes économiques.
[1:23:17] Moi j'invite vraiment les pro-russes à aller en Russie tout simplement et à sortir de Moscou, Moscou c'est génial Moscou c'est vraiment une sorte de bulle, de richesse d'ailleurs, c'est hors de prix en plus c'est vraiment très compliqué, c'est là où on voit que c'est un état extrêmement, une société totalement inégalitaire, puisque Moscou vous avez des gens très très riches qui habitent là, un restaurant excellent mais extrêmement cher, vous sortez de Moscou, je me défie les pro-russes d'habiter quelques jours dans telle ou telle ville moyenne ou village de Russie, comme 90% de la population qui ne vit pas à Moscou ou Saint-Pétersbourg. En gros, voilà, vous n'avez parfois pas l'eau courante, enfin bon, bref, vous mourrez quand vous êtes un homme en moyenne, alors maintenant ça s'est un peu amélioré. 60 ans, un peu d'un peu avant. Une soixantaine d'années. Voilà, bon, évidemment, sans sécurité sociale, etc. D'accord, donc le modèle ne fait pas forcément... Le modèle ne fait pas rêver. Et puis le dernier point, la dernière chose que je dirais à un pro-russe.
[1:24:12] C'est en gros, voilà, Comment est-ce que vous pouvez encore aujourd'hui en venir à soutenir un pays, la Russie, qui, quelles que soient ses raisons invoquées, en tout cas, décide de violer les frontières d'un État souverain en Europe, qui s'appelle l'Ukraine. La Russie a d'ailleurs déjà violé les frontières d'autres États souverains. Je pense par exemple à la Géorgie. La Géorgie est en partie occupée par les troupes russes, mais là, parlons de l'Ukraine. C'est pour défendre le peuple pro-russe menacé par les nazis ukrainiens, ou la provocation américaine. Encore une fois, quelles que soient les raisons, défendre qui vous voulez, les provocations, etc., tout ce que vous voulez.
[1:24:51] Ça s'appelle un État souverain qui a des frontières. La France a des frontières qui sont inviolables. Si un jour, un État, quel qu'il soit, quelles que soient ses raisons, je ne sais pas, aller défendre des populations germanophones d'Alsace et de Lorraine menacées, ou je ne sais quoi, décider de franchir avec des troupes, des chars, des canons, des obus, la frontière de la France, J'espère que tous ces pro-russes iraient se battre, comme moi, pour défendre les frontières de leur pays. Et donc, ça s'appelle des frontières, ça s'appelle la souveraineté, ça s'appelle la liberté d'un pays de mener la politique qui lui convient. Il se trouve que l'Ukraine, aujourd'hui pays souverain, est agressée par un pays qui affranchit sa frontière et qui donc porte la guerre sur son territoire, quelles que soient les raisons invoquées. On sort un peu de ton domaine de spécialiste, mais juste deux secondes, je voulais rester là-dessus, parce que le contre-argument qui va être apporté, notamment par Poutine, c'est de dire « Oui, mais regardez, les Américains ont violé les frontières de l'Irak, etc. » etc.
[1:25:47] Et ce qui lui a porté d'ailleurs un... Enfin, c'est vraiment quelque chose, un argument qu'on lui a donné effectivement, parce qu'il y a une confusion là-dessus. Oh oui, regardez, les Américains ne respectent pas le droit international, ne respectent plus l'ONU, n'ont signé aucun accord international, donc voilà, moi non plus, je fais ce que je veux, etc. Ouais, c'est bien sûr... L'Occident est évidemment pas tout blanc, et c'est évidemment, ces arguments sont évidemment utilisé de manière évidente par notamment la Russie, et pas que.
[1:26:21] Bon, déjà, c'est pas parce que les autres font des erreurs qu'il faut les reproduire. On n'est pas américain, par ailleurs. La France n'est pas en train d'Irak.
[1:26:30] Et, s'agissant de l'Irak, qui est un cas intéressant, clairement, l'intervention américaine était illégale et non justifiée, on va dire. Criminale et contre-productive. Mais il y a quand même une différence que je ferai. Si on regarde... Alors, du point de vue de nos intérêts, parce qu'encore une fois, moi, je me positionne comme français, je regarde nos intérêts. Pour le coup, en Ukraine, on a des intérêts. L'Ukraine est un pays allié de l'Europe qui veut rejoindre l'Union européenne. Donc, encore une fois, c'est aussi notre liberté de choisir nos alliances qui est en jeu et notre sécurité, au sens où on aurait une menace sur notre flanc Est. L'Irak n'a jamais été une menace particulière. L'autre argument, c'est que dans le cas irakien encore une fois le fait que les américains soient rentrés en guerre en 2003 je connais bien ce dossier puisque j'étais en Irak à ce moment là.
[1:27:19] Est injustifiable mais ils allaient chasser un dictateur Saddam Hussein qui avait lui-même envahi son voisin Koweïti en 1991, la guerre de 2003 en fait est la suite de la guerre de 1991 et qui était un dictateur. Pourquoi ce distinguo là ? Encore une fois, je pense que le droit international, ce serait de respecter les frontières de tout le monde. Donc, à partir de là, on ne peut pas commencer à couper les chevaux en quatre en disant, celui-là, c'est un dictateur ou un démocrate. Mais quand même, du point de vue des valeurs, les valeurs, ça compte. Pour le coup, un État démocratique ukrainien qui n'a envahi personne précédemment, et qui est un État démocratique à peu près, alors la démocratie n'est pas parfaite, mais il y a des élections, c'est un État démocratique qui veut nous rejoindre. Ça doit nous être plus important et plus cher que l'Irak de Saddam Hussein, qu'encore une fois je connaissais bien, j'ai vu sur place quels étaient ses crimes, je reviendrai pas là-dessus ça m'a glacé le sang et donc ce que je veux dire par là c'est que.
[1:28:14] Je pense qu'il faut en sortir comme ça. Il faut toujours en sortir par le haut de ses arguments. Il faut faire confiance aussi à ses intérêts et à des questions de morale. Et puis les Etats-Unis sont partis par ailleurs. Oui, voilà. Mais bon, encore une fois, vous avez... Enfin, tu as totalement raison d'avancer ces arguments-là, parce qu'ils sont utilisés par la Russie. Il faut en avoir conscience. C'est pour ça que je pense qu'il faut en rester. Il faut être sur les principes, mais pas seulement. Il y a les principes et puis il y a nos intérêts. Il faut aussi qu'on se reconnecte avec cette notion d'intérêt. Il faut qu'on arrête en Occident et en France, en Europe de seulement un peu flotter sur des questions morales. Il faut aussi se dire voilà ce qu'on veut, voilà quels sont nos intérêts. Nous avons intérêt à ce que l'Ukraine ne soit pas l'objet d'une guerre, d'agression par la Russie et que la Russie ne soit pas une menace militaire, potentielle ou avérée, pour les décennies à venir sur notre flanc Est. On pourrait passer beaucoup plus de temps encore là-dessus, j'ai des tonnes de questions, mais on va essayer de finir. Je devrais rester justement sur cette idée de connaissance, qui est un sujet qui m'intéresse beaucoup en ce moment et de vérité.
[1:29:11] Comment qu'est-ce que tu peux donner comme conseil à tous ceux qui nous écoutent.
[1:29:16] Pro-Poutine, pas anti-Poutine, enfin, anti-Poutine, peu importe, sur comment mieux douter, comment mieux construire de la connaissance, comment essayer de s'arrêter sur, en tout cas, des certitudes un peu mieux sourcées, de quoi il faut se méfier quand on navigue sur Internet, voilà, est-ce que tu as des conseils que tu donnes à tes proches ou que tu essaies de t'appliquer en tant que journalist aussi ? Je pense qu'il faut douter de ces certitudes, de ses propres certitudes, douter de ses biais.
[1:29:46] Ensuite, je pense qu'il faut, évidemment, dans ce magma informationnel dans lequel on est plongé, il faut être capable de confiance. Je pense que ça, c'est quelque chose qui existe dans la vie quotidienne de tout le monde. C'est-à-dire que vous êtes obligés de faire confiance à un moment, de faire confiance à vos proches. Si vous vivez dans la défiance permanente, vous avez une vie de merde. Et c'est valable d'un point de vue individuel, personnel, familial. C'est valable également d'un point de vue citoyen. Voilà, faire confiance. Et alors, à qui on fait confiance ? Je pense que si on parle de l'information, il y a quelque chose de ce qu'ils appellent le journalisme.
[1:30:24] Et en France, on dispose de titres et de médias, qui vont de la droite bien droite, à la gauche bien à gauche, d'un point de vue de l'orientation politique, puisque les orientations politiques, ça existe, mais qui, par ailleurs, sont dans ce spectre-là qui est assez large, des médias auxquels on peut faire confiance pour avoir l'information. La couleur politique, c'est ensuite, il y a des sensibilités vers tel sujet, il y a des sensibilités vers tel débat d'idées, puisque les médias sont aussi des réceptacles de débat d'idées, où là, on est dans le débat, on n'est pas seulement dans l'information, puisque tu me parlais de l'information, mais il y a aussi, ça qui joue, donc c'est ça qui explique ce spectre assez large. Mais je pense qu'en gros, pour résumer, n'importe quel citoyen français a à ses dispositions suffisamment de sources d'informations fiables pour s'y retrouver. Ce qui n'est pas le cas d'un citoyen russe. Un citoyen russe, il peut plus s'informer. Très concrètement, les médias sont en main de l'État. En France, je sais qu'il y a des gens qui seraient capables de dire que les médias sont en main de l'État. Ou les milliardaires. Ou les milliardaires, mais il y a quand même suffisamment de médias qui ne sont pas aux mains des milliardaires et aux mains de l'État, qui existent, à droite ou à gauche d'ailleurs. Alors ensuite, effectivement.
[1:31:36] J'aurais tendance à parler de tous ces médias un peu mainstream, d'ailleurs, qui peuvent être assez nouveaux. Je pense que quelque chose comme Mediapart, un pure player relativement nouveau, est un média auquel on peut faire confiance, par exemple, en tout cas qui travaille de manière journalistique. Donc voilà, il y a probablement l'équivalent sur d'autres sensibilités politiques. Ensuite, c'est vrai qu'on est parfois noyé dans des sources d'informations sur Internet, de médias, de petits médias qui se créent, de gens, etc. Et là, ça devient plus compliqué. Ce qui est aujourd'hui la première source d'informations, c'est via YouTube ou les réseaux sociaux ? Ouais, alors c'est la première source d'informations... Absolument. Mais en fait, moi, je pense qu'il va y avoir une tendance dans les années à venir, c'est que plus on sera confronté à ce magma informationnel qui a des vraies conséquences, qui déstabilise à la fois les gens et les vies démocratiques, plus on sera également confronté à la montée en puissance également de l'IA et de toutes les capacités de désinformation qui vont avec, plus l'effet des labels, l'effet des marques médiatiques vont jouer. C'est-à-dire qu'en gros, si vous regardez le monde sur Internet, vous savez que ce qu'on vous dit, ce n'est pas n'importe quoi. Et je pense que l'importance de se dire ce que je dis, ce n'est pas n'importe quoi, elle est croissante pour les citoyens. Vous avez un moment besoin de vous dire, ok, c'est vrai ou c'est faux. C'est épuisant de se poser la question en permanence. Et je pense que les gens.
[1:32:58] Qui sont souvent des complotistes, qui vont aller se monter le bourrichon sur tel ou tel média un peu bizarre, en fait, je pense qu'ils le veulent. Pour ça, je ne les considère pas comme des victimes qui seraient noyées par un délire informationnel. Je pense qu'en fait, ils le veulent.
[1:33:17] Parce que c'est satisfaisant ça leur permet ensuite de se dire qu'ils sont plus malins que tout le monde de dire à leurs copines ou à leurs potes ou à leur mère ou à leur père qu'en fait, eux, les autres, n'ont rien compris et qu'eux ont compris nous sachons et puis ça revient souvent à une détestation, peut-être à une colère contre leur propre situation et finalement une détestation du modèle dans lequel nous nous trouvons j'ai rencontré, j'ai beaucoup travaillé là-dessus aussi sur les théories du complot il y a des gens qui sont un peu paumés et noyés, ça c'est sûr, mais quand même souvent, souvent c'est des gens qui sont volontaires là-dedans, et donc c'est pour ça que je pense qu'il faut arrêter de les prendre pour des victimes d'un magma informationnel compliqué il faut leur parler comme à des adultes ou au moins une information autre et à deux clics si on veut aller voir autre chose et puis à un moment, comme je le disais c'est aussi une question de choix politique l'information elle n'existe pas seule parce que formation, c'est comme, je sais que tu fais souvent des podcasts scientifiques, on sait que la vérité scientifique, c'est une vérité complexe. D'ailleurs, je me souviens d'un podcast récent où ton intervenant parlait de Karl Popper, des critères de scientificité. Eh bien, voilà, je pense que l'information pure et parfaite, je ne sais pas si vraiment ça existe en soi, elle est toujours contextualisée, elle est toujours émise par quelqu'un, mais à un moment, c'est une question du choix politique. C'est-à-dire qu'on se prend en main et on décide ce qu'on veut comme société dans laquelle on veut vivre, tout simplement. Et ça va avec cette logique d'information.
[1:34:45] Je viens de faire une série de cet épisode sur la connaissance, donc je vois à quel point c'est... C'est à ça que je fais allusion. C'est effectivement, si vous voulez creuser, allez-y, parce qu'il y a 2000 ans de réflexions philosophiques, même plus sur comment on construit de la connaissance, du doute, de la vérité, etc.
[1:35:03] Pour finir, deux livres à lire absolument dans sa vie. Pas forcément sur ces sujets-là. On peut tirer le fil sur ce sujet-là, si t'en as en tête.
[1:35:13] Pourquoi pas ? Alors, à lire dans sa vie, j'en sais rien. Qui t'ont marqué, toi, que t'as adoré ? Voilà, puisqu'on raconte les coulisses vraiment de tout, y compris de ce podcast. Tu m'avais donc rappelé, je le savais puisque je t'avais écouté précédemment, mais tu m'avais rappelé qu'il fallait penser à deux livres. Tu m'aurais posé la question de but en blanc, je ne sais pas à quel point j'aurais pu répondre de manière spontanée. Donc c'est pour ça qu'avant de venir, j'ai réfléchi à deux livres que j'avais envie de mentionner, parce que je pense que la lecture enrichit, etc. Je ne sais pas si c'est deux livres à lire dans sa vie, j'en sais rien, mais deux livres que je voudrais citer alors, puisqu'on parlait dans un premier temps d'affaires d'espionnage, qui est quelque chose qui m'intéresse, voilà, tu l'as bien compris je voudrais mentionner un roman cette fois, parce que souvent les meilleurs livres d'espionnage sont des romans, un roman que j'ai lu il y a plusieurs années que j'avais trouvé absolument fascinant.
[1:36:03] Absolument génial, et pour le coup qui m'a ôté de la tête l'envie de faire la même chose, puisque, je réfléchissais, je méditais une sorte de roman un peu total d'espionnage et quand j'ai lu ce livre je me suis dit j'ai rien à faire de mieux c'est un livre qui s'appelle Waltenberg, de Hédi Kaddour qui est un écrivain français, pas très connu, Waltenberg avait eu un petit succès mais bon, on a un peu oublié ce livre publié chez Gallimard c'est un roman assez fantastique, notamment pour un point, c'est que ce qui est assez fascinant dans l'espionnage c'est la question de la loyauté et de la trahison et en fait ce livre raconte entre les lignes peu ou prou, la manière dont la guerre froide a finalement été gérée aussi par des espions, par des maîtres espions, à un moment où, en fait, à l'échelle inférieure, à l'échelle des agents de terrain, la trahison, ça représentait quelque chose. Mais à l'échelle des maîtres espions, en fait, finalement, être fidèle, c'était trahir, au sens où, en fait, on se parlait entre espions pour que gérer la guerre froide, d'une certaine manière. Et donc, des choses qui, à l'échelle individuelle, auraient pu être conçues comme des trahisons, étaient au niveau de ces gens qui se parlaient à la tête du KGB, à la tête, etc. C'était finalement, voilà, c'était finalement être fidèle à ses valeurs. Bon, bref, je résume assez mal ce livre, mais c'est assez fascinant. Et puis il y a la France, Malraux, au milieu de ça. Enfin, bon, c'est un excellent livre d'espionnage. Et le second livre, c'est plus classique, mais voilà, c'est un personnage.
[1:37:29] Qui m'est très cher et comprendre sa trajectoire, c'est aussi finalement avoir une idée un peu plus optimiste et lumineuse de l'action politique et de valeurs démocratiques. C'est la biographie de Churchill par Kersaudi, par François Kersaudi qui est un livre que là pour le coup je pense que tout le monde devrait lire dans sa vie pour le coup Merci beaucoup Antoine Merci Julien, Voilà cet épisode est terminé j'espère qu'il vous a plu, si c'est le cas et que vous souhaitez me soutenir pour m'aider à continuer vous avez trois moyens de le faire le premier c'est de laisser une note ou un avis sur la plateforme de podcast où vous m'écoutez, le deuxième c'est de partager le podcast autour de vous via vos réseaux sociaux ou simplement en en parlant. Et enfin, le troisième moyen, c'est de me faire un don sur Patreon ou Tipeee. Les liens sont sur le site ou dans la description de l'épisode. Je vous invite aussi à rejoindre la communauté grandissante des auditeurs sur le serveur Discord. Nous sommes déjà plus de 1000 à discuter au quotidien de tous ces sujets essentiels. A très vite. Merci. Changer le monde ! Quelle drôle l'idée ! Il est très bien comme ça le monde, pourquoi changer ?