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#95-🇬🇧The great simplification that’s coming : NATE HAGENS

The world as we know it is about to change radically



Après deux siècles de complexification pour l’espèce humaine, le temps de la grande simplification serait venu. C’est la thèse de Nate Hagens, spécialiste des questions énergétiques, de pensée systémique et professeur à l'université du Minnesota.

Nate est déjà venu dans le podcast (épisode 51) mais depuis, non seulement le Covid est passé par là et la vitesse de changement du monde s’est considérablement accélérée. Nate a par ailleurs réalisé une série d’interview d’experts sur les grands enjeux de notre époque (ça vous rappelle sûrement quelque chose ;) qui lui ont permis d’affiner encore davantage sa vision du monde.

Nous parlons de comment cette expérience a fait évoluer son diagnostic, de sa quête de connaissance, de transmission de savoir, et de quoi faire de cette prédiction de simplification alarmante.


ITW enregistrée le 15 août 2022


De quoi parle-t-on ?


0:00 : Qui est Nate Hagens ? Son podcast “The Great Simplification

01:10 : The great simplification

09:10 : Un concept complexe et logique à la fois

19:00 : Changer de point de vue grâce au podcast

31:20 : Tout comprendre ne débloquera sûrement pas le verrou

43:20 : Pensée systémique

57:10 : Comment changer ?

01:01:00 : L’espoir

01:06:40 : Le stoïcisme

01:16:20 : Récession 01:24:30 : Quel est le sens de la vie ?

01:26:30 : Conclusion



Traduction du transcript de l'interview


- Pouvez-vous commencer par vous présenter brièvement à nouveau pour les auditeurs qui auraient manqué la première partie ?


- Bien sûr. Je m'appelle Nate Hagens, je dirige une organisation appelée l'Energie et notre Futur (energyandourfuture.org), j'anime aussi un podcast, "The Great Simplification" (la grande simplification), j'ai mis en ligne des vidéos du podcast, des animations et des cours sur ma chaîne Youtube : Nate Hagens. Il y a 20 ans, je travaillais à Wall Street et j'ai plus ou moins réalisé comment notre modèle de civilisation allait traverser une phase transformation de mon vivant. J'ai rendu leur argent à mes clients, j'ai passé un doctorat en ressources naturelles et pendant les 20 dernières années, j'ai relié entre eux les différents aspects scientifiques qui constituent ce que j'appelle la "situation délicate de l'humanité" : énergie, écologie, économie, finance, biodiversité, climat, anthropologie, sciences cognitives... et j'ai passé ces 20 années à composer une sorte de vue systémique de ce qui attend l'espèce humaine dans les décennies à venir et au cours de ce siècle.


- Oui, et c'est pour ça que j'aime autant vous écouter, vos vidéos et lire aussi les quelques articles que vous rédigez, parce que vous avez commencé environ 15 ans avant moi à mener cette enquête et à essayer de relier les points entre eux. Ça me fait gagner beaucoup de temps. Et je crois que ça fait gagner beaucoup de temps à beaucoup de gens.


- Je suis tombé récemment sur une citation que j'aime assez et que je n'avais encore jamais entendue. Albert Einstein a déclaré : "Si j'avais une heure pour sauver le monde, je passerais 55 minutes à essayer de comprendre le problème et 5 minutes à le résoudre." C'est pour ça que je fais ce que je fais : j'essaie non pas de regarder une seule des composantes du problème, comme le changement climatique ou les inégalités, la dette, la biodiversité. Mais je regarde l'ensemble des paramètres qui pilotent le système, parce que nous devons prendre suffisamment de hauteur pour essayer d'identifier ces facteurs et voir qu'il s'agit bien d'un système. Donc, c'était le point de départ de ce podcast : faire en sorte d'amener davantage de gens à élargir leur champ de vision sur les défis qui sont les nôtres, et à changer de discours, pour parler de système. Ce qui nous permet alors de réfléchir à ce que nous pouvons y faire.


- Et il s'agit aussi de poser les bonnes questions, plutôt que de se précipiter à la recherche de solutions.


- Ce qui est votre truc à vous, ça ! C'est votre superpouvoir !


- (Rires) Donc dites-m'en un peu plus sur ce qui vous a occupé depuis le mois de janvier, notamment avec le podcast, mais vous avez aussi fait une vidéo et nous pourrons en parler un peu plus après. Si je pouvais, j'interviewerais la totalité de vos invités et je mentionne toujours votre podcast, parce que c'est une référence : j'apprends énormément de ces conversations ! Qu'est-ce qui vous a amené à démarrer ce podcast et quelle est votre approche pour aborder votre enquête ?


- Merci pour cette question. La raison n'est pas des plus profondes : Pourquoi j'ai démarré ce podcast récemment ? C'est parce que je ne l'ai pas fait par le passé. Ça ce serait la réponse courte. Je l'ai commencé pour deux raisons. La première a été de réaliser que je connaissais des centaines de scientifiques et d'activistes avec lesquels j'ai développé un réseau durant les 20 dernières années : Paul Ehrlich, Dennis Meadows, William Rees, Herman Daly, Nora Bateson, Daniel Schmachtenberger... et je me suis dit: pourquoi ne pas essayer de réunir des pièces de leurs expertises pour expliquer l'histoire que je vois se dérouler dans les décennies à venir, et permettre ainsi à plus de gens de s'informer. Et ce n'est pas juste un type dans son sous-sol qui fait un monologue sur ce qu'il pense, je reçois l'expertise de nombreux êtres humains qui, pour l'essentiel, sont d'accord avec moi. Donc pour moi, la première étape était facile : je connais tous ces gens, je n'ai qu'à les appeler pour faire ces entretiens. J'ai enregistré le 37e épisode cette semaine et à ce jour, il n'y a eu aucun invité que je ne connaissais pas personnellement. C'est ce qu'il faudra que je fasse à un moment donné et il se peut que l'invité ne soit pas d'accord avec moi. Mais pour l'instant, j'interviewe mes amis et collègues. La deuxième raison qui, heu... Certains d'entre eux sont des experts sur l'énergie. Demain je reçois un expert de la finance, le premier d'entre eux. Beaucoup sont des économistes environnementaux, nous parlons de la disparition des espèces, de l'impact des perturbateurs endocriniens et autres composés plastiques dans le monde, du climat, des raffineries, de la biodiversité, de philosophie des méta-crises... tout ceci contribue à comprendre notre monde. Et l'autre raison pour laquelle j'ai commencé le podcast, c'est que c'était vraiment nager à contre-courant que de répéter ce récit sous diverses formes, durant ces 20 années. Et finalement, j'ai décidé d'envoyer un signal, de donner un repère, aux autres humains, à ceux qui sont curieux, anxieux ou en colère, mais qui sont pour la société et qui veulent comprendre où nous nous trouvons, ce à quoi nous faisons face, quels sont les leviers, ce que nous pouvons faire à diverses échelles, du niveau individuel jusqu'au niveau global. Et faire en sorte que les gens tout autour du monde qui s'intéressent à ces questions puissent trouver ce repère. Plutôt que de vouloir délivrer un message auprès du grand public, qui est comme d'essayer de placer une pièce carrée dans un espace rond. J'ai échoué avec cette méthode. Mais ici, je réussis ici parce qu'il y a des auditeurs dans de nombreux pays, le podcast est classé numéro un ou deux dans la catégorie sciences de la Terre - notamment, et c'est intéressant, en France, en Autralie et en Nouvelle-Zélande, je ne sais pas exactement pourquoi. Peut-être parce qu'en France la collapsologie est présente et que ce genre de discours n'est pas complètement nouveau ou choquant chez vous ou pour vos auditeurs. Donc oui, c'était quelque chose d'assez inattendu, Julien, parce que j'ai plutôt une forte personnalité et des idées assez arrêtées sur la façon dont le monde fonctionne. Je m'attendais à davantage de débat dans ces conversations, à défendre mes opinions, à être en désaccord, etc. Et avec le temps, j'apprends petit à petit cette compétence que vous avez développée, qui consiste à amorcer la conversation et recueillir la sagesse et l'expertise des invités sans trop intervenir. Je mets en avant la carrière et l'expérience de mes invités pour recueillir et constituer une sorte de savoir encyclopédique sur ces divers sujets. Il m'a fallu du temps pour voir que c'est une approche un peu différente de ma vision analytique, systémique du monde. Là, je suis juste ce type un peu bavard qui mène des conversations avec d'autres gens... et ce n'est pas très compliqué, à vrai dire ! Je vais avoir une équipe pour la production, ça me va bien, je n'ai qu'à faire un peu de préparation, une heure ou deux, à être au rendez-vous et c'est parti ! Donc jusqu'à maintenant c'était facile et agréable.


- Oui, c'est aussi parce que vous avez déjà une très bonne connaissance de ces choses pour poser les bonnes questions, là où d'autres comme moi, ont besoin de beaucoup plus de préparation. Mais le podcast est vraiment bien et j'ai dû en parler à beaucoup de gens en France. Ils ont peut-être contribué à le populariser auprès de plus de monde encore.

- Demain - enfin pas le lendemain de la publication de notre discussion - je vais justement publier l'interview d'un Français : Timothée Parrique.


- Oui, je l'ai déjà reçu sur Sismique. Il est formidable, un des rares en France à pouvoir s'exprimer couramment en Anglais...(rires)


- Oui, un jeune homme vraiment charmant ! plein d'énergie et qui s'exprime très clairement.

- Bien. J'aimerais que nous revenions à vos débuts, à nouveau, parce que beaucoup d'auditeurs n'auront pas écouté notre première interview. Et je crois que c'est important de revenir aussi à vos idées avant d'essayer de voir comment elles ont pu évoluer au cours des huit derniers mois à échanger avec tous ces invités, si c'est le cas. Et aussi parce que vous avez publié d'excellentes vidéos pour reprendre la synthèse de vos idées sur ce que vous appelez "The Great Predicament", où vous donnez une...


- "The Great Simplification".


- Oui pardon, "The Great Simplification", sur notre situation. Et vous avez une approche très systémique sur les problématiques globales d'aujourd'hui. Vous arrivez, comme vous dites, à relier entre elles des problématiques complexes d'une façon que je trouve assez unique. La question de l'énergie est centrale dans votre vision de la situation, mais vous regardez également l'économie, la psychologie, les jeux de pouvoir... Donc est-ce que vous pouvez nous donner un aperçu de cette vision globale que vous avez nommée "La grande Simplification" ? Comment décririez-vous la situation complexe à laquelle fait face l'humanité ? Bien sûr, on pourrait passer des heures à en discuter et les vidéos sont là pour ça, mais juste pour comprendre votre perspective générale.

- Oui, comme je l'ai dit, j'ai passé 20 ans à assembler toutes les pièces. Une fois ou l'autre, je me suis dit que je m'étais trompé et j'ai recommencé. Et à chaque fois, je suis arrivé aux mêmes conclusions. Il y a trois composantes fondamentales. La première est que nous autres, humains, sommes des organismes biologiques. Notre cerveau a évolué en fonction des adaptations que nous avons connues au fil du temps, tout comme notre corps. Donc les 8 milliards d'êtres humains qui peuplent aujourd'hui la planète mènent leur vie quotidienne dans un monde qui a radicalement changé. Mais nous recherchons les mêmes états émotionnels que nos ancêtres : on recherche le statut social, l'approbation, le confort, nous nous préoccupons davantage du présent que de l'avenir, notre organisation reste toujours très tribale, nos systèmes de croyance font que nous n'acceptons la vérité que si elle sert le groupe ou notre quête d'identité. Ce sont les problèmes qu'on peut voir avec les réseaux sociaux, la polarisation des opinions, etc. Donc le comportement humain est un des premiers piliers. Le second, que vous avez mentionné un peu plus tôt, est que l'énergie est la première monnaie d'échange dans la Nature. Les animaux sont les premiers investisseurs : ils investissent de l'énergie calorique pour attraper une proie, qui est le bénéfice. Et il en va de même avec les systèmes humains d'hier et aujourd'hui : ce qu'il nous est possible de faire dépend de notre capacité d'accès à l'énergie. Et notre culture mesure notre réussite notre productivité et notre progrès en termes d'ingéniosité, de technologie et d'argent. Mais nous faisons ça dans une période, au cours des dernières 150 années, où hormis quelques passages de dépression et de récession, nous avons vu s'accroître chaque année la capacité énergétique totale qui soutient nos économies. Et nous prenons cela pour un acquis, parce que les énergies fossiles représentent 80 à 85 pour cent de notre énergie totale. Nous extrayons ces énergies fossiles 10 millions de fois plus vite que la Terre a mis de temps à les produire à travers le lent processus de photosynthèse. Mais grâce à la transformation que Mère Nature a opéré, sous l'effet de la chaleur et de la pression, ça a créé cette substance incroyablement dense en énergie, réellement magique, si on met de côté les pollutions et le CO2 rejetés. Un seul baril de pétrole, qui coûte aujourd'hui 90 euros, permet d'obtenir l'équivalent de 4 ans et demi de travail physique que vous ou moi pourrions produire ! Faites le calcul de combien il faudrait nous payer, vous ou moi, pendant 4 ans et demi, et vous pouvez obtenir tout ça pour moins de 100 euros ! Pourquoi ? Parce que nous ne payons que le coût d'extraction et pas celui de la pollution. Les énergies fossiles sont puissantes et abondantes, mais elles commencent à décliner. Le déclin sous-jacent de l'extraction de pétrole est de 5 à 7%, et il nous faut forer toujours plus pour compenser cela. Mais de votre vivant et du mien, la quantité de pétrole dont disposent les sociétés humaines va atteindre un pic, puis décliner irrémédiablement. Nous avons un accès unique à ce stock de concentré d'énergie solaire enterrée, qui ne se reproduira pas. Et nous vivons au moment où ce "battement de cœur" des énergies fossiles se produit dans l'Histoire. Le moment, si vous voulez, où notre espèce vient pomper ce compte de dépôt biophysique, comme s'il générait des intérêts. Mais ce n'est qu'un compte courant. Donc tout notre système économique repose sur la combinaison de sources d'énergie et de technologie, qui nous permettent de croître, chaque trimestre et chaque année. Et nous créons de l'argent pour représenter toute cette croissance. Mais avec cette création d'argent, nous ne créons pas les intérêts. Nous avons donc un impératif de croissance et ce que nous avons fait a été de créer de l'argent beaucoup plus vite que nos économies. Et donc... Laissez-moi le reformuler : nous avons augmenté nos demandes d'argent beaucoup plus vite que notre compte de dépôt biophysique ne peut le supporter, de sorte que globalement, nous sommes actuellement en train de doubler notre dette tous les 8 ans et demi alors que notre PIB, qui représente le flux de recettes nécessaire pour rembourser et maintenir cette dette, double, lui, tous les 25 ans environ. Et ça, c'est avant le déclin de la disponibilité de l'énergie. Ce n'est donc pas soutenable. Et lorsque nous ne pourrons plus avoir la croissance qui permet d'équilibrer plus ou moins les demandes d'argent avec la réalité, nous devrons passer par un recalibrage économique et financier qui est le début de ce que j'appelle "La Grande Simplification". Simplification est le mot inverse de complexification. Et l'historien Joseph Tainter, que j'ai reçu récemment, a mené des recherches sur les effondrements des sociétés complexes qui montrent que les humains trouvent des solutions aux problèmes mais que quand nous rencontrons un problème, on le résout par un ajout d'énergie. Ce qui augmente la complexité. Donc plus nos chaînes d'approvisionnement, nos hiérarchies, nos modes de transfert et de transport se complexifient, plus les choses intègrent de composantes, plus grande est notre dépendance à l'énergie. Donc ma théorie globale et mon travail consistent à essayer de changer et préparer au mieux la société à ces mutations. Si nous avons traversé deux siècles d'une complexification unique dans l'existence d'une espèce, nous nous orientons vers une simplification d'un siècle ou deux, lorsque l'énergie sera moins abondante. La troisième composante de mon récit, c'est l'impact environnemental de notre organisation globale, qui résulte du métabolisme de ce superorganisme qui est que les humains s'auto-organisent en individus, en familles, en petites et grandes entreprises, en Etats-nations, pour maximiser les profits monétaires. Nos profits monétaires dépendent à 99% de l'utilisation d'énergies, qui sont pour 85% des énergies carbonées. Donc quand on dit qu'il faut résoudre le changement climatique, le changement climatique n'est pas le problème, c'est un symptôme du métabolisme sous-jacent d'une espèce sociale qui découvre une énorme quantité de carbone. Et le changement climatique n'est qu'une des nombreuses pressions environnementales. Nous avons perdu 70% des populations d'animaux, d'insectes et de poissons depuis que vous et moi sommes nés, Julien. On trouve des quantités croissantes de perturbateurs endocriniens dans l'Arctique, jusque dans le corps des fourmis d'Amazonie. D'après un article publié la semaine dernière, il n'existe plus un seul endroit sur Terre où les eaux de pluies ne présentent aucun danger pour la consommation à cause des substances chimiques qu'elles contiennent... Donc le climat n'est qu'une des nombreuses conséquences négatives causées par ce métabolisme. Voilà, vous avez en 5 minutes le résumé des 33 minutes de vidéos du site. (www.thegreatsimplification.com) Donc voilà comment les choses s'articulent : le comportement humain, l'énergie, l'argent, la technologie, l'environnement et l'écologie. Et je pense que dans un avenir assez proche, c'est-à-dire au cours de cette décennie, nous allons avoir ce recalibrage financier qui va marquer le début de cette grande simplification qui durera des décennies et des siècles... et qui ne sera pas nécessairement un désastre. Nous vivons actuellement au-dessus de nos moyens et je pense que beaucoup de gens s'en rendent compte. Nous avons sans doute repoussé le problème pendant 50 ou 60 ans et l'heure est venue de payer l'addition, il faut s'y préparer.


- Et quand vous dites "nous", vous admettez évidemment qu'il y a d'énormes disparités, que vous mentionnez systématiquement, entre pays riches et pays pauvres et entre riches et pauvres à l'intérieur des pays, etc, etc. Ça fait aussi partie de votre analyse parce que vous tenez compte de l'économie et de tout ça.


- C'est vrai et mon podcast s'adresse principalement aux citoyens d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Australie. Et je suis d'accord que les choses sont actuellement très loin d'être équitablement réparties. Mais si vous voulez définir la notion d'inégalité, est-ce qu'on parle des inégalités à l'intérieur des Etats-Unis ou des inégalités entre les êtres humains vivants aujourd'hui ? Ou est-ce qu'on parle d'inégalités entre les générations d'humains qui n'auront pas accès à l'énergie, dans le futur ? Ou d'inégalités entre les espèces ? Qu'est-ce que les dauphins pensent du rythme de notre développement ?... Mais oui, absolument ! Personnellement, sur la question des inégalités, je pense que ça découle des rapports de puissance énergétique et je ne vois pas les inégalités réellement disparaître tant que notre capacité énergétique n'aura pas radicalement diminué. Ceci dit, beaucoup de changements culturels peuvent intervenir. Et ça c'est une des spécificités de l'humain : nous avons un certain nombre de contraintes biologiques qui influencent nos comportements. Mais culturellement, nous avons une très grande marge de manœuvre ! Et nous avons de très nombreuses façons de mener et de nous adapter à cette grande simplification.


- Ce que je trouve très puissant dans ce récit, bien sûr il ne traduit pas toute la complexité du système, mais il permet de vraiment se rendre compte que tout ce qui se passe aujourd'hui a une cause logique, en somme. Il n'y a rien "d'anormal" dans les évènements que nous voyons se produire. Ils viennent bien de quelque part. Et l'idée est de prendre suffisamment de recul pour se dire : "Okay, voilà d'où ça vient, c'est parfaitement logique !" Parce que parfois, des gens disent que c'est anormal, que ça ne devrait pas se passer comme ça. Mais quand on écoute votre raisonnement, quand on relie tous les points entre eux, alors ça apparaît parfaitement logique ! Je ne veux pas dire que c'était inévitable, mais voilà dans les faits où nous en sommes et à nous d'y réfléchir maintenant et de voir si on veut que ça continue. Et si nous ne voulons pas suivre la trajectoire actuelle, nous devons rechercher les causes, les racines de tout ça. Et une des façons, si je vous cite, une phrase qui m'a marqué pour essayer de résumer tout ça, c'est quand vous dites : "Nous transformons la lumière du soleil du passé en dopamine." Et j'adore cette phrase parce qu'elle contient une partie essentielle du récit, qui est : l'énergie et notre comportement humain. Je crois que cette phrase est importante pour vous, parce que je vous ai entendu la prononcer plusieurs fois. Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu cela ?


- Est-ce possible que vous ayez perdu de votre accent français depuis deux ans ? On dirait presque que vous avez l'accent anglais maintenant... Vous aviez un fort accent français quand vous étiez à Hong Kong ! (Rires) Hum, donc oui... La phrase du film était : "Nous transformons des milliards de barils de lumière solaire du passé en quelques microlitres de dopamine." Cela signifie qu'avec notre culture, nous vidons cette pile d'énergie terrestre pour des expériences brèves et futiles qui nous procurent une petite décharge de dopamine. Et en effet, nous gaspillons notre capital, qui d'ailleurs n'est pas le nôtre mais que nous avons trouvé, qui fait partie des processus terrestres qui nous ont précédés. Et c'est comme si nous étions à une fête de 200 ans et nous voyons le matin arriver. Et nous devons réagir. A un niveau plus profond, ça nous offre des leviers potentiels étant donné que nous n'avons pas besoin de la plus grande partie de toute cette consommation pour être heureux et mener des existences qui ont du sens. Parce qu'une fois que les besoins de base ont été couverts - et il est vrai, comme vous l'avez fait remarquer plus tôt, que ces besoins de base ne sont toujours pas assurés pour un grand nombre de nos semblables - mais une fois que ces besoins sont satisfaits, en vérité, les meilleures choses de la vie sont gratuites. Si vous réfléchissez aux cinq meilleures expériences de votre vie, Julien, il est probable que la plupart d'entre elles ne nécessitent pas d'énormes quantités d'argent ou d'énergie. Ce sont des moments passés en Nature, avec votre femme, vos enfants, votre famille, avec de la musique, des animaux, autour d'un repas... Ces choses ne demandent pas de grosses quantités d'énergie. Un Américain moyen aujourd'hui, et je ne peux pas parler d'un Français, mais l'Américain moyen consomme l'équivalent énergétique de 220 000 kilocalories par jour. Notre corps a besoin d'un centième de ça pour fonctionner. Donc si vous prenez l'empreinte physique de nos gratte-ciels, de nos autoroutes, de nos frigos, de Netflix, de Disneyland, des courses automobiles, des hôpitaux, tout ça mis bout à bout... ça représente 100 fois plus d'énergie que la quantité de calories nécessaires à notre corps pour survivre. Il faudrait multiplier ensuite ces besoins par 10, parce que les hôpitaux sont nécessaires, il faut avoir un logement, de la lumière etc. En Espagne et dans la plupart des pays d'Europe, c'est environ 50 fois cette quantité d'énergie. On pourrait donc vivre avec une consommation d'énergie bien inférieure, mais il n'y a pas vraiment de voie pour y arriver. Il y a un mouvement qu'on appelle décroissance, qui consisterait à réduire volontairement nos économies. Et je crois qu'à certaines périodes ça aurait été possible. Mais je ne crois pas que ce soit possible dans la situation actuelle, à cause du poids de la dette. Les gouvernements, tout autour du monde, ne peuvent pas dire : serrons-nous la ceinture, il n'y a qu'à se limiter et à consommer moins, parce qu'à la minute où on dit ça, on se retrouve dans un jeu de chaises musicales sur toutes les créances d'argent que les gens pensent détenir, par rapport aux capacités physiques réelles qui sont censées les soutenir. Donc je ne crois pas que nous ferons le choix de la décroissance. Nous aurons une décroissance, mais elle sera subie, pas volontaire. Laissez-moi ajouter une chose pour essayer de clarifier ce scénario et ensuite vous pourrez continuer. Je vois deux scénarios : le scénario par défaut est que d'une manière ou d'une autre, nous allons continuer à innover et que ces innovations, combinées avec davantage d'énergie, d'origines fossiles ou renouvelables, vont nous permettre de maintenir la croissance. Mais dans ce scénario, l'énergie et le PIB sont corrélés à 99%. L'énergie et les matières premières sont corrélées à 100%. Ce qui veut dire que d'ici 2050, si la croissance continue, nous allons devoir doubler la quantité d'énergie et de matériaux utilisés dans le monde par rapport à aujourd'hui. Et d'ici 2080, lorsque les enfants qui naissent aujourd'hui atteindront 60 ans, les quantités d'énergie et de matériaux utilisés aujourd'hui auront quadruplé. Est-ce que c'est possible ? Est-ce que c'est souhaitable ? Qu'est-ce qui se passe concrètement si ça se produit ? Et qu'est-ce qui se passe si ça ne marche pas ? Ça c'est le scénario par défaut... ... et vous pouvez imaginer ce qui se passe au niveau de l'environnement si ça continue ! Mon autre scénario, qui d'après moi est ce en quoi le premier scénario devrait dégénérer à un moment donné, est que la croissance ne pourra pas se maintenir. Et la première chose qui nous attend sera ce jeu de chaises musicales financières. Et à ce moment-là, il n'y aura pas de quoi payer pour toutes ces créances. Mais à ce moment, il y restera toujours toute la technologie, tout le capital social humain, les usines, l'innovation et la technologie... tout cela existera encore. Et c'est à ça que j'essaie de préparer, avec des échanges avec le gouvernement, et un ensemble d'individus qui sont pour la société, prêts à aller de l'avant, à s'investir auprès de leur communauté et dans leur propre vie pour se préparer à vivre une existence où les flux matériels seront probablement réduits.


- Une des principales objections qu'on vous fait à ça, peut-être pas de la part des gens avec lesquels vous discutez, est qu'il est possible de découpler la croissance de l'énergie et des biens matériels. Je sais que pour mes auditeurs et pour les gens que j'interviewe il y a un consensus là-dessus, mais je sais que ce point est toujours une grande source de débat et d'incompréhension. Le rapport que vous avez mentionné, qui est de comprendre qu'en doublant notre économie, on double grosso modo notre impact environnemental et nos besoins matériels, cela est toujours mal compris. Et il y aura toujours des gens pour dire : nous allons trouver un moyen d'éviter ça.

- Oui, je vais essayer de résumer tout ça. Historiquement, avant les années 70, le PIB et l'énergie étaient liés à 100%. Nous avons alors commencé à améliorer l'efficacité, de l'ordre de 1% par an, et avec la même quantité d'énergie, il a été possible d'augmenter le PIB. Donc 99% de l'énergie. Ça veut dire que si en 1972, il fallait 100 unités d'énergie pour fabriquer quelque chose, 50 ans plus tard, en 2022, il ne faut plus que 50 unités d'énergie pour fabriquer cette même chose. Donc en voyant cela, les gens se disent : "Regardez ce gain d'efficacité d'énergie !" Mais ça a pris 50 ans. Et en 2023, il faut voir que nous aurons toujours besoin de 99 unités pour fabriquer d'autres nouveaux produits. Il y a bien quelques pays, 30 ou 35 pays, qui arrivent à augmenter leur PIB en utilisant moins d'énergie chaque année, comme l'Angleterre ou les Etats-Unis, mais il y a deux choses : déjà, c'est parce que nous faisons beaucoup d'importations. Nous sommes devenus une économie de services et pour le gros des produits importés, c'est dans d'autres pays que l'énergie est brûlée. Donc, d'un point de vue climatique, il faut vraiment regarder l'ensemble de l'équation entre énergie et PIB, et ils sont très étroitement liés ! Maintenant, là où il peut y avoir un découplage, c'est que nous pouvons développer les énergies bas carbone plus vite que la croissance économique, ce qui veut dire que nous pouvons découpler le PIB et les émissions. Et le découplage ultime, que j'espère voir à l'avenir, c'est celui du bien-être humain de l'énergie et des ressources matérielles. Et j'ai prouvé, dans ma propre vie, que c'était possible, comme pour beaucoup d'autres gens que nous connaissons vous et moi. Mais il y a toujours une relation globale - énergie et PIB, PIB et ressources matérielles : ils sont étroitement liés. Et, à moins de changer la définition du PIB, je ne pense pas que ça va changer. Parce que par définition, le PIB représente les biens et services à l'échelle globale ou nationale. C'est en réalité une mesure de ce que nous brûlons : tout ce que vous utilisez dans votre vie de tous les jours, que vous achetez cette semaine et qui contribue au PIB, a commencé par un petit feu quelque part sur la planète.


- Oui, c'est une bonne façon d'expliquer les choses... Okay, revenons un peu à votre podcast. Je suis curieux. J'ai écouté la plupart des entretiens avec vos invités. Vous avez bien sûr cette approche systémique, comme vous l'avez expliqué : vous parlez de ressources, de psychologie, des médias, des menaces nucléaires et de pensée systémique en tant que telle... Quelles sont les idées ou les informations qui ont pu changer votre regard, votre point de vue sur tout ça, s'il y en a ?


- Je crois que j'ai une vision plus claire de chaque pièce du tableau : d'où vient l'argent, quels sont les risques d'un conflit nucléaire, la relation entre énergie et PIB dont nous venons de parler, l'impact environnemental. Je crois que les pièces qui.... Vous savez, je vais vous dire une chose... La semaine dernière, j'ai lu ces quelques paragraphes sur l'énergie et le PIB et je me suis dit : "C'est tellement bien écrit, tellement clair !" Et en fait, il se trouve que c'est moi qui avais écrit ça, il y a six ans ! Ces sujets sont tellement vastes qu'il est difficile d'assimiler et de maîtriser tout ça. C'est presque trop pour un seul cerveau. Donc en discutant avec chacun de mes invités, c'est comme une révision pour moi. Ils s'y connaissent tous mieux que moi dans leur domaine d'expertise. J'ai donc droit à une sorte de mise à jour sur chacun des sujets. Ça a apporté beaucoup de clarté à mes idées, mais aussi plus d'humilité d'une certaine façon. Ça m'a permis d'apprécier la diversité des tempéraments humains, de leur compréhension, leur vision, leur philosophie et leur morale... Et je crois que nous ne pouvons pas vraiment changer cela : nous avançons dans la vie, nous pensons à des choses, nous croyons à des choses, nous voulons des choses, nous espérons des choses. E là vous croisez une personne, vous lui racontez quelque chose et vous vous attendez tout naturellement à ce qu'elle pense comme vous. Pourquoi ne le ferait-elle pas ?... Mais le seul cerveau que je connais c'est celui-ci. Et je ne suis même pas certain de bien le connaître ! Donc lorsque vous faites un podcast, vous percevez un peu mieux le point de vue des autres. Et le plus important, ce sont les retours que je reçois, par e-mail ou sur Youtube. Certaines personnes apprécient une forme de sagesse, de discussion calme, nuancée, philosophique. Et d'autres détestent ça ! Ils ne peuvent pas le supporter. A côté de ça, vous avez des gens qui aiment une approche méthodique, froide, factuelle, que d'autres ne se donneraient pas la peine d'écouter...Ça m'a permis d'élargir mon jugement et de saisir toute la diversité des esprits humains et des points de vues possibles. Ça représente un défi pour moi de communiquer, parce que je n'essaie pas de m'adresser au grand public avec mon podcast. Je n'ai même pas de public défini, en dehors des gens dont je suppose et j'espère qu'ils seront à l'écoute, parce qu'ils ont compris à quel point tout ceci est important. Mais je ne suis pas certain, Julien, qu'il existe un message adapté à tout public pour exposer la situation de l'humanité. Donc je continue à apprendre et cela consolide ma réflexion. Et en plus du podcast, je fais ces vidéos qui illustrent de façon plus directe mes idées sur tel ou tel sujet. J'ai l'intention de réaliser beaucoup plus de petites vidéos à l'avenir. Je sais que ça peut paraître prétentieux, je sais qu'en tant qu'humain j'ai des biais cognitifs, que nous avons tendance à être trop sûrs de nous, mais je comprends assez clairement comment s'articulent toutes les composantes de notre situation. Je ne sais pas si ça répond à votre question.


- Oui et ça m'amène à une autre question en lien avec ça : à quel point pouvons-nous saisir, comprendre et expliquer toute cette complexité ? Parce que tout ceci a trait à la façon dont le monde fonctionne. Nous essayons de faire des projections d'après ce que nous savons de son fonctionnement : qu'est-ce qui va se passer ? Quelle sera la trajectoire ?...C'est une question que je me pose : n'est-il pas vain de penser pouvoir saisir toute la complexité de son fonctionnement ? Nous avons quelques certitudes : nous avons les lois de la physique, c'est pour ça que l'énergie est un élément clé, nous connaissons les comportements humains, etc. Mais globalement, la situation est tellement complexe que si vous prenez une trajectoire, au moins jusqu'à un certain point - je crois que c'est votre ami Daniel qui expliquait ça - cela ne vous dit théoriquement rien de ce qui va se passer ensuite, car vous pouvez avoir des évènements totalement imprévus. Vous voyez ce que je veux dire ? Après nous pourrons discuter de comment convaincre les autres, mais d'abord, comment comprendre tout ça ? Plus je creuse, plus j'en vois, plus j'ai le sentiment de comprendre et en même temps, j'ai l'impression... que je n'y comprends rien ! (Rires)

- Oui, c'est une excellente question ! Je pense qu'il m'a fallu 20 ans pour assembler les pièces de ce que je considère être une vision complète de la situation de l'humanité. Mais il y a tellement de choses que j'ignore... et par définition, je ne peux pas savoir ce que j'ignore. Donc c'est impossible de saisir toute la complexité des choses. Si vous comprenez le comportement humain, l'énergie et l'écologie, vous en avez une bonne partie. Et ensuite vous avez la technologie, l'évolution culturelle et toutes sortes d'inconnues. J'ai fait un exposé il y a quelques semaines, c'était pour une conférence autour du Jour de la Terre de cette année, reprise aux tarots, à laquelle j'ai apporté ma perspective. Ça s'est très bien passé, c'était pour un groupe de coaches de vie et de sociologues et une femme est venue vers moi à la fin, m'a donné l'accolade et m'a dit : "C'était magnifique ! Je n'avais jamais compris toutes ces choses. Vous savez que seulement 10% des gens ont la capacité physiologique et psychologique de saisir tout ça, non ?" J'ai répondu : "Que voulez-vous dire ? - Que c'est si profond, menaçant et contraire à ce sur quoi ils ont construit leur identité que très peu de gens sont capables de saisir tout ça et retourner à leurs activités de la semaine, au travail ou avec leur famille." Et je n'avais jamais vraiment vu les choses sous cet angle. Si vous dessinez un tableau de 2 cases sur 2, vous avez des personnalités catastrophistes qui vont surestimer la probabilité d'évènements extrêmes improbables. Et de l'autre côté, vous avez des optimistes qui vont les sous-estimer à cause d'un biais d'optimisme, ils pensent que les choses vont continuer telles qu'elles sont. Et en bas du tableau, il y a le fait d'être très informé sur notre situation systémique ou d'en savoir très peu sur les risques de conflit nucléaire, la disparition des espèces, les risques liés au changement climatique, etc. Si vous répartissez les gens selon ces 4 catégories, je suppose - et il n'y a pas de données scientifiques là-dessus, c'est juste ce que je crois - que de nombreuses personnes qui s'intéressent à ces questions ont des personnalités de type catastrophiste, qui sont facilement anxieuses et ont tendance à extrapoler et envisager les dangers plus grands qu'ils ne le sont et ils sont très informés sur la situation. Et ces gens se manifestent beaucoup sur ces questions de changement climatique et autres. Ce que j'ai appris, c'est que l'être humain aime beaucoup... Je vais le formuler autrement : l'être humain n'aime vraiment pas l'incertitude. Il aime les certitudes. Il veut entendre dire : voilà comment ça se passe et voilà ce que ça signifie pour vous. Alors que quand on parle d'un système, plus on ajoute de probabilités à ce système : ce que les banques centrales pourraient faire, ou ce que Poutine pourrait faire, ou le système financier, ou les perturbateurs endocriniens... Ce sont des nuances qui rajoutent une couche de calculs supplémentaires dans nos têtes pour chacune de ces questions. Cela rajoute de l'incertitude qui crée un inconfort physique au niveau du cerveau. Donc d'un côté, les gens vont préférer avoir des certitudes : que tout va bien se passer, qu'Elon Musk va résoudre tous les problèmes, que nos arrière-arrière-petits-enfants auront des existences formidables autour de Mars... et de l'autre côté, que nous sommes fichus, c'est Mad Max et qu'on ne peut rien y faire. Et ces deux extrêmes sont des idées séduisantes pour le cerveau humain. Vous avez mentionné mon ami Daniel avec lequel j'ai fait récemment un podcast fantastique. Et voici l'analogie qu'il a faite, je vais la répéter rapidement : il regroupe les gens en trois catégories. Le "pré-dramatique" qui a cette conception naïve de "tout va bien se passer pour moi et pour la planète". Vous avez ensuite le "dramatique" qui fait face à la réalité et pour lequel tout va de travers, le monde est dystopique. Et enfin le "post-dramatique" qui, lui, identifie les problèmes et ce qui dysfonctionne dans le monde et qui pourtant veut faire du mieux qu'il peut. Il est conscient que les choses sont compliquées, mais il faut trouver malgré tout du sens et un but, et prendre la meilleure voie possible. Il l'a formulé bien mieux que moi, mais je crois que celles et ceux que je veux atteindre à travers mon podcast et mes idées sont ces personnes qui peuvent prendre une bonne partie de ça sur eux et essayer de jouer un rôle, en étant peut-être simplement un meilleur voisin, un meilleur parent, ou en essayant d'avoir une influence sur leur communauté, ou peut-être au niveau d'une institution pour préparer au mieux leur organisation, institution ou gouvernement aux changements qui arrivent. Mais oui, j'ai encore du mal avec ça, parce que c'est vraiment difficile aussi avec les réseaux sociaux, 24 heures sur 24. Il s'y passe constamment des choses, de tous les côtés, ça vous rend un peu fou à la fin. Pour moi, si je me concentre sur ces composantes : l'énergie, l'argent, la technologie, le comportement humain et l'environnement, je n'ai pas besoin de prêter attention à tout ce qui se passe autour, parce ça me donne une sorte de plan sur lequel je peux me repérer.


- Et il y a une autre question qui se rapporte à ça : quelle est l'utilité de montrer et d'expliquer ? C'est ce qu'a dit cette dame qui vous a approché : "Savez-vous que seulement 10% des gens peuvent digérer ça ?" Est-ce que ça change quelque chose d'expliquer le changement climatique à travers la science, d'expliquer l'épuisement de l'énergie et des ressources, d'expliquer ces mécanismes ? Parce qu'on peut se dire que si les gens comprenaient réellement ces enjeux, alors ils changeraient ! Qu'en pensez-vous ?

- Oui, c'est une très bonne question, Julien. Voilà ce que j'en pense : je pense que pour la plupart des gens, connaître toute l'histoire de ce qui se passe est probablement inutile. D'ailleurs, si en appuyant sur un bouton, je pouvais faire que chaque individu sur Terre sache ce que nous savons vous et moi sur ces questions, je ne suis pas sûr que je le ferais. Parce que je pense que cela accélérerait la transition vers une autre issue, vers un monde de pénurie, où le gâteau pourrait devenir plus petit au lieu de plus grand. Mais je pense que pour 10 pour cent, ou quel que soit le nombre, il est indispensable de communiquer sur ce qui se passe parce que beaucoup de gens pensent qu'il faut optimiser et résoudre le problème du climat, alors que le climat n'est qu'un symptôme d'un dysfonctionnement plus profond. Il faut donc que davantage de gens comprennent le rôle central de l'énergie, l'élan et les conditions nécessaires à la croissance dans le système financier. Et pour nos leaders et ceux qui sont au premier plan de nos orientations culturelles, comprendre ces choses est d'une importance vitale. Mais c'est une autre chose que j'ai apprise avec le podcast. J'avais naïvement tendance à croire qu'en exposant ces faits au plus grand nombre de personnes possible, il y aurait du positif. Je ne crois plus nécessairement ça, désormais.


- Donc, heu, théoriquement... que pensez-vous...

- Et vous, qu'en pensez-vous ?


- Ha! Maintenant, vous reprenez le rôle de l'intervieweur ! Eh bien je crois que... en ce qui concerne ce que vous venez de dire sur les différentes catégories d'individus, je crois que c'est très vrai et j'ai arrêté... mon approche n'est pas d'essayer de convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit. La façon dont se positionne le podcast est de dire: voilà un problème très complexe, il y a de nombreuses questions, comme nous le savons, essayons de cerner les questions, avant de chercher les réponses. Donc mon approche, mon positionnement n'est pas de dire : voilà la vérité. C'est de dire : ceci est compliqué, peut-on arrêter de penser qu'on a raison et faire en sorte de s'écouter les uns les autres. Et peut-être qu'alors émergera une forme d'intelligence collective. Mais pour être franc, je ne me sens pas investi d'une mission, je n'essaie pas de changer le monde. Je ne cherche pas à avoir un impact énorme. Je fais ça parce que trouve ça intéressant intellectuellement, et parce que c'est ma façon à moi de gérer ça, mon anxiété, etc. Mais, comme je dis toujours, j'essaie d'éviter de dire "vous devez" ou "nous devons". C'est comme une approche stoïque des choses : j'essaie de comprendre et là-dessus je fonde ma propre morale en espérant que certains auditeurs trouveront ça utile.


- Je suis tout à fait d'accord avec ça. Est-ce que je dis "je dois" et "nous devons" ?


- Non, non, c'est pour ça que j'apprécie votre podcast ! (Rires)


- Oui. (Rires) C'est l'autre chose. Vous m'avez demandé ce qui a changé pour moi et ce n'est pas facile d'y répondre sur le coup. Mais une autre chose qui a changé, il y a six mois, j'aurais dit : "Okay, quelles sont les solutions ? - Voilà les solutions..." Je n'aime plus le terme de solution, parce que nous avons affaire à une problématique très complexe. Il n'y a pas de "solution". Il y a des réponses, il y a potentiellement des millions de bonnes réponses, en fonction de votre situation et à votre échelle. Mais il n'y a pas une solution, pour ce à quoi nous faisons face. Et c'est probablement pour ça que nous sommes amis. Je me retrouve vraiment dans cette philosophie. J'essaie seulement de décrire ce qui se passe et je peux indiquer aux gens la direction de ce que je pense qu'il va se passer. Mais je ne dis pas que je sais ! Je suis relativement convaincu que nous ne pourrons pas croître globalement pendant très longtemps encore. Et si nous le pouvons, cela veut dire faire disparaître encore davantage de ressources naturelles. Il n'y a donc pas de solution magique à tout ça. Et je suis comme vous, à un certain niveau, j'aime comprendre le monde dans lequel je vis. De savoir comment les pièces s'assemblent, même si les pronostics ne sont pas très réjouissants, ça réduit un peu mon anxiété de comprendre ce qui se passe. Je ne sais pas si c'est la même chose pour les autres gens, je ne peux parler que pour moi.


- Je sais que de nombreuses personnes ne peuvent pas faire ça, parce qu'elles ont besoin d'avoir un contrôle sur les choses. Et certaines personnes sont naturellement plus tournées vers l'action, elles n'aiment pas passer des heures à réfléchir. Il m'arrive souvent de me dire : okay, c'est bien joli de penser à tout ça, mais qu'est-ce que vous faites ? Qu'est-ce que vous changez ? Qu'est-ce que vous recommandez aux gens de faire ? Nous sommes face à une urgence. Mais cette prise de recul, comme vous dites, me permet d'y voir un peu plus clair. Ou pour dire les choses autrement, je ne vois que des hypothèses, que des "si nous faisons ça" : si nous luttons contre les inégalités, si nous avons d'autres gens au pouvoir, si nous investissons différemment, si nous changeons de culture, si nous changeons le fonctionnement des réseaux sociaux, etc. Toutes ces pistes sont intéressantes, ce sont des solutions potentielles. Le truc, c'est que je ne vois pas le début d'un plan pour mettre tout ça en place. Okay, si nous changeons les réseaux sociaux et le fonctionnement de l'économie, si nous redéfinissons le PIB... D'accord, mais par où on commence ? C'est pour ça que j'aime votre image du superorganisme. Et j'ai une question sur le libre arbitre qui se rapporte à ça... Mais peut-être que vous voulez réagir.


- Avec votre accent français, j'ai presque cru entendre "super orgasme" ! (Rires) Je ne l'avais jamais entendu prononcé comme ça... Mais allez-y, posez votre question. J'allais vous parler de quelque chose qui m'est arrivé récemment, mais allez-y !



- Non, c'est simplement que où que je regarde maintenant, je vois des systèmes complètement verrouillés. Vous nous avez dit que la décroissance était une très bonne idée, mais à la minute où vous dites ça, attendez : nous avons la dette ! Donc je vois des gens qui ne veulent rien changer ou ne peuvent pas changer. Je vois aussi des gens qui se battent pour le changement, souvent avec très peu de résultats. Tout ça pose question... Est-ce que nous disposons d'un libre arbitre ? Est-ce que nous sommes aux commandes ?

- Ok, laissez-moi essayer d'examiner tout ça... En tant qu'individus, je ne crois pas que nous ayons un libre arbitre. Je crois que nous pouvons avoir un contrôle sur nos envies : avec suffisamment de discipline et de travail mental, vous pouvez apprendre à changer votre façon de réagir, à contrôler vos pulsions naturelles de l'instant. Par exemple, j'ai appris à développer une aversion physique de la viande de porc. Comme j'adore les chiens, j'ai visualisé un camion rempli de chiens transformés en viande de porc. J'ai appris à contrôler mes envies pour ne plus manger de porc. Mais je crois que généralement, dans l'instant, les individus n'ont pas de libre arbitre. Je pense aussi que la société en temps normal n'a pas de libre arbitre, au niveau culturel. Par exemple, à l'heure actuelle nous sommes dépendants du marché : nous avons transféré notre capacité de décision au marché. Les humains n'ont pas évolué pour être cupides ou obéir à une hiérarchie, mais nous sommes nés dans ce système qui fait que cette machine à croissance métabolique nous entraîne en avant. Mais là où nous pourrions disposer d'un libre arbitre culturel, c'est durant les phases de transition. Comme l'a dit Milton Friedman : "Ne gaspillez jamais une bonne crise !" Durant les crises, ce sont l'éducation, l'éthique, les connaissances, et les plans d'urgence déjà existants, c'est dans ces moments-là qu'on peut considérer que les cultures disposent d'un libre arbitre. Mais je crois qu'en ce moment, nous ne faisons que de petits ajustements, comme cette loi qui vient de passer pour réduire l'inflation aux Etats-Unis qui serait bonne pour le climat, c'est une arnaque ! C'est totalement marginal. Ce n'est pas dans l'intérêt du climat qu'ils ont obtenu de nouveaux financements pour des énergies renouvelables et autres. Ça va juste augmenter le métabolisme du système. Les choses que nous devons faire pour améliorer le système et préserver l'environnement sont des engagements politiquement et socialement intenables aujourd'hui. J'ai compris ça il y a longtemps : plus les gens en face de vous ont un statut élevé, moins ils sont capables d'admettre que nous avons dépassé les limites, financièrement, écologiquement, qu'il va falloir réduire notre économie et se serrer la ceinture, que la taille du gâteau va diminuer et qu'il faut s'y préparer... Ils ne peuvent pas dire ces choses-là.


- Pourquoi cela ?

- Mais on peut... Eh bien tout d'abord, parce que s'ils annonçaient ça, ils seraient impopulaires et ne seraient pas élus. Et deuxièmement, s'ils disaient ce genre de choses, il faudrait qu'ils puissent fournir des réponses aux gens, et il n'y a pas de réponse. Il y a des réponses qui sont plus ou moins difficiles, c'est une question de choix et de priorités. On ne va pas pouvoir satisfaire tout le monde. Il va donc falloir faire des choix politiques très durs. Regardez ce qui se passe en ce moment en France et en Allemagne avec les canicules, les sécheresses et la Russie : vous vous préparez déjà à des choix très difficiles pour cet hiver. J'espère que tout ça ne va pas aboutir à une escalade du conflit, avec des missiles nucléaires et ce genre de choses, qu'on trouvera peut-être un accord sur un partage de l'Ukraine et que les choses reviendront à la normale. Mais si on peut trouver un petit quelque chose de positif dans cette situation avec la Russie et l'Ukraine, c'est que ça fait tomber les œillères sur la question de l'énergie. En Europe et indirectement en Amérique, les gens prennent conscience que : "Oh mon Dieu, notre société est totalement dépendante des énergies fossiles !" Donc je pense, et c'est ce que j'ai fait la semaine passée, j'étais en Finlande pour présenter à des représentants du gouvernement différents scénarios énergétiques et économiques pour l'avenir où ils pourraient augmenter la part des énergies renouvelables, des énergies bas carbone. Ils ne dépendent aujourd'hui qu'à 42% des énergies fossiles. Les énergies renouvelables représentent 58%. Ils pourraient encore augmenter ça, mais le scénario était d'envisager une réduction de l'économie : comment pourrions-nous faire en réduisant la production totale ? Et c'est un peu un sujet tabou. Mais si on envisage ça comme un scénario, ça pourrait être envisageable. Je crois que ces pays scandinaves, qui ont une faible densité de population et un contrat social très élevé pourraient être capables de planifier des choses qui seraient impossibles pour des pays comme le mien. Donc est-ce que ces informations sont utiles ? Est-ce que comprendre le métabolisme du superorganisme a une utilité ? Je réponds : absolument, pour certaines personnes ! J'ai été contacté la semaine dernière par des membres d'une agence gouvernementale aux Etats-Unis, qui ont regardé mes vidéos et les ont utilisées auprès des gens de leur réseau comme un test pour voir s'ils comprenaient le problème. J'ai trouvé que c'était un vrai compliment de les avoir utilisées à cette fin. Donc je pense qu'éduquer les leaders, ceux qui seront à des postes d'influence au cours de la décennie à venir sur ces questions, sur la place centrale de l'énergie et de l'écologie dans notre système, c'est quelque chose d'important et d'utile. Le jour où je penserai que ce n'est plus le cas, il n'y aura pas de troisième interview avec vous !


- (Rires) Ça me fait penser, pas votre plaisanterie mais ce que vous disiez juste avant, à votre conversation avec Nora Bateson, que j'essaie de recevoir sur le podcast soit dit en passant. Lorsque vous discutez avec elle de la pensée systémique, j'ai trouvé très intéressante son idée sur comment change un système. Si je ne m'abuse, elle a dit : "Nous essayons de réparer des systèmes en étudiant leurs différentes parties. Et ce que nous devons comprendre, particulièrement avec un système complexe, c'est de comprendre comment le système apprend. Et c'est la seule façon d'améliorer notre capacité à le changer". Comment est-ce que vous avez compris ça ? J'ai trouvé ça très pertinent, parce que ça dit que ce n'est pas une question de solutions ou de comprendre comment fonctionne le système dans son ensemble. C'est beaucoup plus de chercher à comprendre la façon dont des gens parviennent à se réunir pour trouver des idées.

- Est-ce qu'elle a dit ça sur mon podcast ?


- Oui, je crois que c'est la seule interview d'elle que j'ai entendue.


- Je devrais relire la transcription de l'entretien, je ne m'en souviens pas. Pour être honnête, je n'ai jamais écouté aucun de mes podcasts. Je ferais peut-être bien... j'apprendrais probablement des choses. Mais j'enregistre le podcast et je passe au suivant. Nora est est une personne très intelligente et avisée, et je crois que ce qu'elle a voulu dire est de regarder comment les gens apprennent dans un système. Pour ma part, je ne sais pas si le système apprend. Je vois le système comme une sorte d'énorme amibe, aveugle et affamée, qui avance au fil du temps pour avaler toujours plus de friandises de faible entropie, sans se soucier du bien-être des choses qui le constituent, c'est-à-dire nous ou l'environnement. Donc je pense que si nous comprenons comment le système peut réaliser qu'il est aveugle, nous pouvons essayer de prévoir sa trajectoire et ce qui va se passer. Je crois que ce que Nora essaie de faire, c'est de combiner la dynamique des systèmes avec les interactions humaines réelles, qu'elle appelle "warm data" pour analyser comment les gens se répondent entre eux, partagent des connaissances, et si tout ça fait émerger un apprentissage. Je suis convaincu, c'est une des choses qui me donnent de l'espoir, qu'il y aura de plus en plus de gens dans le monde qui comprendront ce discours qui est le nôtre, qui vont bouger et élargir leur cercle, passer de cinq à huit personnes qui s'intéressent à ces questions et qui vont peut-être faire quelque chose dans leur petit village en Espagne ou en France. Et tout à coup, il y aura plein de choses comme ça dans le monde, qui se produisent parce que nos cœurs et nos esprits sont alignés dans l'attente d'un changement de culture. Et je ne sais pas quelle forme ça va prendre. Mais le sentiment que j'ai, vous voyez, nous avons discuté une demi-douzaine de fois tous les deux. Je vous considère comme un ami et un compagnon de route qui saisit plutôt bien ce système dont nous faisons partie. Vous êtes stoïque, comme vous l'avez dit, vous observez, vous essayez de comprendre et de mettre tout ça en perspective, mais avec une philosophie qui est favorable à la société. Vous voudriez que l'avenir soit meilleur, que nous prenions de meilleures décisions et vous apportez votre pierre à l'édifice. Je crois que nous avons besoin de millions de gens en plus comme ça !


- Beaucoup de gens réfléchissent à ce que nous devrions faire pour changer cette trajectoire. Une façon de voir consiste à dire qu'on ne peut rien faire parce que le système ne peut pas changer. Et j'ai tendance à être d'accord. Mais en théorie, au-delà des symptômes, quels sont, selon vous, les leviers les plus efficaces à actionner ? Ou quelles sont les principales raisons qui nous empêchent d'entreprendre une démarche sérieuse ? Est-ce que c'est une question d'argent ? Est-ce que c'est à cause de la finance ? Est-ce que c'est tout ça mis bout à bout ? Ça n'a pas beaucoup de sens en réalité d'essayer de trouver les causes. J'essaie seulement d'aider tous ces gens qui s'efforcent de faire quelque chose. Je n'ai pas envie qu'ils pensent que tout ça ne sert à rien. J'aimerais connaître votre opinion sur quels sont les différents leviers.


- Je crois que la plus grosse barrière, ce n'est même pas la finance. C'est que nous utilisons des mécanismes de tri social pour résoudre des problèmes du monde réel. On regarde le statut social des gens et cela détermine à quel point on peut dire la vérité. J'ai pu discuter avec de nombreux politiciens et ex-politiciens, autour d'une bière dans un restau privé, qui sont d'accord avec ce que je dis mais qui ne pourraient pas tenir publiquement ces propos. Si on cherche les principales choses à mettre en place, peut-être qu'à une échelle plus locale ou régionale vous pourriez avoir et tirer quelque chose de ce genre de conversation. Une autre cause de nos problèmes est que les prix ne sont pas justes. Nous ne payons pas suffisamment pour ce qui a permis à nos sociétés d'accéder à un tel degré de consommation et de niveau de vie. Les prix ne sont pas justes pour deux raisons. La première est que nous pouvons puiser très rapidement dans ces réserves d'énergies fossiles qui soutiennent nos économies. La deuxième est que nous ne payons pas directement le coût de la pollution, en grande partie. Nous ne payons donc pas le prix réel de l'énergie qui soutient notre niveau de vie. Mais si nous essayons de mettre une taxe sur le carbone, ou sur toutes les ressource non-renouvelables telles que le cuivre, ou les nappes d'eau fossiles, l'uranium, etc. Taxer ces choses implique d'avoir une plus petite économie et moins de consommation. Et personne ne votera pour ça à l'heure actuelle. C'est une chose que nous pourrions faire durant les 50 prochaines années : nous pourrions déplacer le poids de la taxe des individus vers les ressources non-renouvelables, ce qui, en théorie, permettrait une meilleure innovation, parce que les scientifiques, les concepteurs et les entrepreneurs disposeraient de meilleurs indicateurs sur la raréfaction des ressources qui s'épuisent rapidement. Cela permettrait des inventions plus cohérentes. L'autre chose est qu'on apprendrait à conserver. On ne gaspillerait plus pour le plaisir : les virées à Las Vegas ou tout ce qu'on peut entasser chez nous... On apprécierait à leur juste valeur les services que nous rendent l'énergie. Je pense que c'est un des leviers. Si des gens écoutent ceci en se disant : "Oh mon Dieu, c'est beaucoup trop, que dois-je faire ?!" Il y a ce risque, je crois, quand on découvre l'ensemble de cette vue systémique, qui est de se retrouver comme paralysé : "Oh mon Dieu, nous sommes enfermés dans ce train qui fonce et ne répond plus, on continue à alimenter la chaudière et on ne peut rien faire !" Eh bien, une des premières choses que vous pourriez faire, c'est de rencontrer d'autres passagers qui se sentent comme vous au wagon-bar. Et d'en discuter. Et même si vous ne trouvez pas de solution au problème, ni de réponses, le simple fait d'en discuter avec un autre être humain va réduire votre niveau de cortisol et booster vos cellules T immunitaires. Une simple discussion : "Nous n'avons pas trouvé de réponse, mais je sens une connexion avec un autre individu." Mais si je pouvais faire une chose, professionnellement, avec les gens qui étudient les systèmes climatique ou énergétique, c'est que ces gens partent du principe que nous allons continuer de croître à l'avenir et qu'il suffit de faire ça en passant à des énergies bas carbone ou de façon plus équitable. Je voudrais demander à toutes ces personnes qui travaillent sur des scénarios futurs de considérer peut-être rien que 10% de chances que nous ayons une économie réduite dans l'avenir. Et qu'il va falloir s'adapter à ça. Ça n'a pas besoin d'être pris comme une certitude mais peut-être seulement une possibilité de 5 à 10% de voir un scénario de ce genre, et en quoi cela changerait leur travail ? Ceci pourrait aider à stimuler une créativité qui fait un peu défaut en ce moment parce que les gens considèrent que nous sommes pris au piège, comme vous dites, dans le scénario actuel.


- Parmi toutes les choses que vous étudiez, quels sont ce qu'on pourrait appeler les petits signes positifs, ce que vous voyez déjà émerger qui pourrait avoir un impact sur la trajectoire ou qui pourrait être positif lorsque les choses vont commencer à se simplifier ?

- Très bonne question... Le signe d'espoir le plus net et le plus positif que j'ai observé... Je viens de rentrer de deux semaines passées en Europe - et d'ailleurs le contrat social en Europe est très différent d'aux Etats-Unis. J'étais principalement dans les pays scandinaves, aux Pays-Bas, au Danemark, en Allemagne et en Finlande, et j'ai eu l'impression que le "nous" avait plus d'importance que le "moi". Quand je suis rentré d'Amsterdam pour Minneapolis, j'ai eu la même sensation que quand je prends un vol de Minneapolis vers Las Vegas. Il y a la même sensation de décalage culturel. J'ai adoré la Finlande et le Danemark. J'ai loué un vélo pour me déplacer. Bon, il y a vraiment une atmosphère différente. Mais la note d'espoir pour moi, c'est que j'ai rencontré des centaines et des centaines de gens à ces conférences et ces séminaires qui ont les mêmes discussions que celle que nous sommes en train d'avoir. Ils sont investis, solidaires, dévoués. On sent qu'ils seront prêts à faire des choses et des sacrifices dans l'avenir s'il le faut. Et je veux juste apporter ma petite contribution pour arriver à avoir quelques dizaines de millions de gens comme ça. Je ne pense pas que nous sommes face à un désastre, je crois que nous allons vers une réduction de nos attentes. Et honnêtement, je ne crois pas que cette réduction soit le plus gros danger. Je ne crois pas qu'avoir 10% d'énergie en moins soit le plus grand danger. Je crois que c'est la complexité que nous avons mise en place, avec des chaînes de production étalées sur six continents, tous ces petits composants pour nos médicaments et nos tracteurs qui sont fabriqués dans différents pays... Nous devons peut-être commencer à réfléchir à ramener nos chaînes de production à une échelle plus locale et régionale. Mais l'espoir... c'est l'humain. Il y aura toujours de mauvais joueurs, comme à chaque fois, quand les temps sont durs. Mais les personnes que j'ai rencontrées m'ont donné du courage et ça me motive à continuer à faire ce travail. J'ai rencontré tellement de gens formidables !


- Je voudrais parler d'espoir, puisque vous avez utilisé le mot. Je vois parfois des gens qui ont peut-être trop d'espoir, qui pensent par exemple que la technologie résoudra nos problèmes ou parce que nous pourrons changer le monde d'une façon ou d'une autre et traverser cette simplification dans le plus grand calme, construire une nouvelle civilisation, etc. Mais je vois aussi des gens qui manquent d'espoir, qui sont exagérément convaincus que tout va s'effondrer et que l'humanité n'en a plus pour longtemps. Et pour certains, tout ça c'est demain ! Personnellement, je n'ai pas beaucoup d'espoir, comme je l'ai déjà dit, de voir se produire les changements systémiques dont nous aurions besoin, parce qu'il y a trop d'obstacles. Mais parfois, dans les systèmes complexes dont on parle, se produit un phénomène qu'on appelle une émergence : quelque chose de totalement inattendu qui apparaît. Et aussi, nous avons besoin d'espoir pour rester positifs, si on veut. Mais une question que j'ai, c'est : à quel point pensez-vous que l'espoir soit nécessaire ou même utile dans notre situation? J'ai entendu, je crois que c'était Dennis Meadows qui disait ça sur votre podcast, quand vous posez la question à la fin, comme : "Est-ce que vous êtes confiant ? Qu'est-ce qui vous donne ou vous permet de garder espoir ?" Et qui a répondu : "Je crois que ce n'est pas une question importante, ce n'est pas le problème. Ce n'est pas une affaire d'espoir." Mais j'aimerais votre opinion là-dessus. Est-ce que nous devons traverser une phase où nous devons d'abord perdre espoir pour pouvoir construire quelque chose d'autre ? Ou est-ce que nous devons garder l'espoir de continuer à pouvoir faire ce que nous faisons ? Quel est votre point de vue ? Question difficile ! (Rires)

- Il y a longtemps que j'ai fait le deuil de l'avenir que la société veut nous vendre. Il m'est arrivé d'être triste et parfois de perdre espoir au cours de 15 ou 20 dernières années. Et avec le temps, la répartition dans ma tête des probabilités de ce que sera l'avenir a changé. De sorte qu'aujourd'hui, mes attentes pour les 20 ou 30 prochaines années sont très différentes de celles de la société et j'espère que les choses se passeront mieux que dans le scénario intermédiaire, parmi ceux que j'envisage. Donc tout d'abord, est-ce que l'espoir est nécessaire ? Eh bien ça dépend de la condition physique et mentale d'un individu et de sa situation personnelle. Si vous vivez aujourd'hui dans la pauvreté, sans air climatisé au Moyen-Orient, le mot "espoir" dans le cadre de notre conversation est très différent que pour quelqu'un qui change de carrière à Minneapolis ou à Paris. Je crois que ça dépend aussi de la représentation que les gens se font de l'avenir. Et je crois qu'il y a un processus de deuil qui doit se faire pour vous permettre d'avoir des espoirs qui ne soient pas déconnectés de la réalité. Et je suis d'accord avec vous. Pour beaucoup de gens.... C'est comme ces besoins qu'on crée, quand on vous montre une publicité sur Madison Avenue : "Vous êtes nul, mais si vous achetez ce produit, vous serez cool !" Ou alors on vous montre ces documentaires sur l'environnement, toute la destruction, le braconnage des éléphants, les océans etc. Mais à la fin, si on passe aux renouvelables et au solaire, tout est réparé ! C'est presque comme si on était obligé de coller ce happy end à la fin. Et je crois qu'à la longue, c'est contre-productif, parce que les gens sentent que ce n'est pas sincère, que l'histoire et les efforts qui nous attendent sont beaucoup plus compliqués que ça. Donc je crois que nous avons besoin d'un groupe d'individus, quelques millions d'êtres humains, pas des milliards, qui ont compris ce qui se passe, qui ont un peu fait leur deuil du conte de fée de de la croissance continue de l'économie et de la prospérité, retroussent leurs manches, vont trouver les autres et se mettent au boulot pour faire le nécessaire. Malgré les incertitudes, malgré tout ça... C'est ce que je ressens, Julien, mais ça peut paraître très bizarre et peut-être que les autres gens ne sont pas comme ça ! J'espère qu'ils le sont, parce que c'est là où j'en suis. Alors, est-ce que j'ai de l'espoir ? Oui, j'ai de l'espoir, parce que je n'ai pas de grandes attentes et que je suis plutôt quelqu'un de positif. Mais vous avez raison, certaines personnes sont soit trop confiantes, pas forcément parce qu'elles sont ignorantes ou qu'elles ne comprennent pas ces choses, mais parce qu'elles ont besoin de cet espoir pour pouvoir continuer d'avancer dans leur vie. Et à côté de ça, vous avez des gens qui se sentent tellement déçus dans leurs attentes pour l'avenir qu'ils veulent embarquer les autres dans cette misère parce que ça la rend supportable : si je peux me trouver six personnes avec lesquelles je peux dire que l'humanité va disparaître d'ici douze ans et si on partage tous la même idée, alors on peut se tenir compagnie. Mais à nouveau, la certitude est le vrai danger ici. Je crois que nous devons garder et entretenir l'idée d'incertitude dans nos têtes et ce n'est pas facile.


- Faire le deuil des certitudes. Je crois que ce processus de deuil dont vous avez parlé est essentiel et je crois que la plupart des gens qui digèrent ces informations passent par là. Bien qu'il soit difficile de faire le deuil de quelque chose qui ne s'est pas encore passé !

- Oui, et ça c'est aussi un truc qui m'agace...


- Enfin, ça se passe déjà, il faut dire...


- Oui exactement ! Les gens demandent: "Quand va se produire l'effondrement ?" Ce qu'ils veulent dire par là, c'est : "Quand est-ce que l'effondrement arrivera chez vous ?" Parce que l'effondrement est déjà en cours, au Sri Lanka, au Bangladesh, chez les populations d'insectes, de dauphins, etc.


- Ma façon à moi de vivre avec ça, j'ai mentionné le stoïcisme un peu plus tôt parce que je crois qu'il y a une réponse intéressante dans la philosophie en général, qui est qu'il faut se concentrer sur ce qui est entre nos mains, en gros, ne se focaliser que sur ce que nous pouvons changer. Le reste n'a pas vraiment d'importance au bout du compte. Cela ne donne que des émotions négatives, ça vous rend triste, ça vous énerve, ça vous effraie et vous n'avez aucun contrôle sur ces choses. Comme : quel sera l'état du climat dans 30 ans ? Vous n'avez aucun contrôle là-dessus. C'est pour ça que j'ai dit que j'ai abandonné l'idée de changer le monde. Je fais ceci pour d'autres raisons.

- Bien. Je vais vous dire une autre chose dont j'ai parlé avec cette dame qui m'a pris dans ses bras. Elle m'a expliqué pourquoi seulement 10% des humains pouvaient recevoir toutes ces informations avec maturité. Et durant la conversation, j'ai été frappé par une révélation : alors si c'est vrai, pourquoi est-ce que je passe autant de temps à peaufiner le message sur le superorganisme avide d'argent, de technologie et d'énergie ? A essayer de l'améliorer et à le rendre le plus compréhensible possible ? Je ferais mieux d'utiliser mon temps à essayer faire croître ce nombre de 10% de gens, qui ont l'attitude mentale, physique et spirituelle requise pour accepter ces idées et jouer un rôle. Donc je pense que le stoïcisme est une approche. Vous parlez d'objectifs avec et sans conditions, c'est quelque chose que j'enseigne à mes élèves. Et vous avez raison, il y a beaucoup de choses dans le futur sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle. Mais il y a aussi beaucoup de choses sur lesquelles vous en avez. Par exemple, votre routine du matin, votre santé mentale et physique, où vous achetez votre nourriture et toutes ces choses. Donc je pense que cette démarche holistique d'être des individus sains, rationnels, équilibrés, connectés aux autres, c'est presque un précurseur des autres réponses que la société devra avoir. Quelque chose de très important que j'ai remarqué, avec lequel j'ai de la peine, mais je fais des progrès, est que nous vivons dans un monde où nous avons un accès permanent à la Nature, aux autres humains, au ciel, aux étoiles, aux animaux et aux arbres... Nous avons aussi un accès permanent à la dopamine, aux réseaux sociaux et à l'information. Et c'est à eux qu'on accorde le plus d'importance. Eux qui parlent le plus fort à notre cerveau, davantage que les choses réelles auquel notre passé ancestral nous a préparés. Nous devons donc mettre des limites, définir des règles et des procédures dans nos vies pour pouvoir dépasser nos pulsions d'aller voir ce qui se passe quinze fois par jour sur les réseaux sociaux. Parce que nous avons besoin que plus de gens soient connectés au réel, à la Nature et au monde des hommes plutôt qu'à celui de la technologie pour avoir des individus qui aient les pieds sur terre pour affronter ce qui arrive. Voilà ma philosophie.


- Je voudrais ajouter, parce que je passe beaucoup de temps sur les philosophes anciens. Je termine un livre pour résumer tout ça et j'y trouve d'excellentes réponses. Le stoïcisme est utile, mais vous avez aussi Spinoza - je ne sais pas si ma prononciation est correcte en anglais - mais sa conception des choses, qui veut que le libre arbitre n'existe pas et malgré tout il reste possible de mener une vie heureuse et respectable, c'est intéressant. Ce que les stoïciens veulent dire par : vous devez vous concentrer sur vous-mêmes et sur vos propres décisions. Ça ne veut pas dire que vous ne pouvez rien faire, que vous ne pouvez rien changer. Ça veut juste dire qu'il faut essayer d'avoir un comportement éthique, de faire appel à la raison, de prendre soin de vous, de votre communauté, de vous occuper de ce qui est à votre portée, ce sur quoi vous pouvez agir. Je trouve ça super utile, parce que c'est un soulagement. Vous n'avez pas à porter tout le poids du monde sur vos épaules. Vous n'avez qu'à vous comporter d'une façon qui vous rende heureux. Ce que ça dit, et ce que disent un peu toutes les sources de sagesse dans le monde, cette conduite éthique est parfaitement compatible avec ce que nous devrions vouloir, c'est-à-dire de prendre soin les uns des autres, de consommer moins, de se contenter de peu de choses, etc. Quel est votre avis là-dessus ?


- Oui, je suis parfaitement d'accord. J'ai lu Spinoza il y a vingt ou trente ans, mais je suis tout à fait d'accord : plus il y aura de gens qui auront cette éthique et qui auront commencé à simplifier leur vie, à ralentir, à vivre autrement, à penser autrement, à interagir différemment avec leurs collègues, leur communauté et leur famille, meilleures seront nos chances d'avoir une transition viable, lorsque les changements vont se présenter. Donc si nous pouvons multiplier par mille le nombre de gens qui se conduisent différemment de cette façon, nous pourrons avoir un groupe d'éclaireurs qui sont comme un rocher dans la rivière lorsque l'eau va commencer à monter: ça va maintenir les choses entre elles et peut-être même rediriger le courant s'il y a suffisamment de monde. Vous l'avez formulé mieux que moi, mais c'est de ça dont nous avons vraiment besoin dans la société actuelle.


- Et peut-être aussi de revenir à une échelle locale. C'est probablement quelque chose que vous avez regardé. Mais quand vous mentionnez un certain nombre de problèmes à une échelle globale auxquels on ne peut pas vraiment s'attaquer au niveau individuel, quand vous changez d'échelle, que vous pensez à vous-même, à votre famille et ensuite à votre communauté, alors vous commencez à pouvoir avoir un certain impact. Pour ma part, je crois que c'est la prochaine piste à envisager, si je veux agir sur quelque chose.

- Je suis tout à fait d'accord. Je veux dire, le problème, c'est le dépassement des limites écologiques, pour lequel je doute qu'une solution globale soit trouvée. On va continuer de jouer au jeu du chat et de la souris. A titre personnel, bien que je croie qu'une réponse au niveau local soit la plus importante, je dois continuer à envisager l'idée que nous puissions changer à un niveau global. Mais je crois que pour vos auditeurs et la plupart des gens, je crois à la réponse locale : bâtir des communautés là où vous êtes, changer vos comportements et votre façon de penser. Si vous comprenez vraiment comment nous avons employé la monnaie pour continuer à repousser une récession/dépression, ce que nous avons fait à plusieurs reprises avec les largesses de la banque centrale, en changeant les règles, le plan de sauvetage pour la crise du COVID, les taux d'intérêt artificiels, la garantie de la BCE sur la dette italienne et périphérique... Si vous comprenez vraiment à quel point ces mesures sont éphémères et que vous comprenez que les individus ne vont pas massivement choisir de réduire leur consommation, vous pouvez ressentir de façon assez viscérale qu'à un moment, dans la décennie à venir, ce recalibrage financier va arriver. Et si émotionnellement, vous pouvez ressentir ça comme une réalité, même si c'est un scénario futur, cette émotion peut vous pousser à agir dans votre propre vie, auprès de votre famille et de votre communauté.


- Vous parlez de récession et du système bancaire qui cesse de fonctionner normalement ? Juste pour comprendre, parce que je sais que ces sujets sont difficiles à comprendre pour la plupart des gens.


- Dans les années 1930 aux Etats-Unis, du pic de la taille de notre économie à quand nous avons touché le fond avant de recommencer à croître, la taille de notre économie s'est effondrée de 29.6%. C'était la Grande Dépression. Et je crois que c'est quelque chose dans le genre qui nous attend dans la décennie à venir. Ça pourrait ne pas être d'une telle ampleur mais nous avons créé une telle bulle financière avec toutes ces créances monétaires qui approchent globalement les 400 000 milliards de dollars, que je crois que c'est une crise de cet ordre qui pourrait arriver. C'est quelque chose d'assez choquant à dire, mais cela signifie que nous reviendrions à un niveau de consommation par individu équivalent aux années 1990, ce qui ne serait pas nécessairement un désastre. Je ne peux pas prédire les chiffres exacts, mais quelque chose de cette magnitude. Imaginez que tous ceux qui nous écoutent voient leur salaire diminuer de 30%, quelque chose comme ça. Evidemment, il y aurait aussi des problèmes de répartition. Parce que pour les gens qui n'ont pas d'emploi ou des emplois très précaires, 30% de moins, ça va poser problème.


- Bon eh bien, une dernière question après ça...


- Désolé de terminer sur cette note peu réjouissante, mais c'est ce que mon analyse me donne à penser.


- Non, non, et nous pourrions faire un épisode tout entier avec votre connaissance de l'économie et de la finance.

- Ce que je viens de dire, Julien, pour être franc, je ne crois pas que ce soit une énorme surprise pour vos auditeurs.


- Oui, oui. Dernière question : donc, quel est le sens de la Vie ?

- (Rires) Est-ce que vous faites comme moi, vous posez les mêmes questions à tout le monde à la fin ?


- Non, je l'ai juste posée à Noam Chomsky, qui y a répondu très rapidement.


- Qu'est-ce qu'il a dit ?


- Il a dit que le sens de la Vie, c'est vraiment ce que vous en faites, à vous de décider...

- Oui. En fait, je n'y ai jamais vraiment réfléchi ! Je n'y ai jamais vraiment réfléchi, mais sa réponse me plaît assez. J'adore ma vie en ce moment. Je ne gagne pas énormément d'argent, je n'ai pas de grosses économies, j'ai l'impression d'être au milieu de la plus incroyablement importante conversation et des discussions sur notre futur et de la culture de notre espèce. Et le rôle que je vais jouer dans cette évolution sera probablement microscopique, infinitésimal, mais c'est très important pour moi ! Et j'ai l'impression que tout ce que j'ai accompli par le passé, mes études, mes contacts, mes réseaux, mes relations sociales, retourner toutes ces questions dans ma tête quand je vais faire un tour en vélo... Tout ça converge, de sorte que ma vie a du sens aujourd'hui. Donc je ne sais pas quel est le sens de la Vie, mais je sais que ma vie a du sens aujourd'hui. Et je souhaite à tous vos auditeurs de trouver leur voie et de faire un pas dans cette direction ! Ça m'a pris 20 ans pour arriver où j'en suis, parce que j'aimais les animaux et que je voulais en savoir plus sur le climat. Et 20 ans plus tard, j'ai un podcast et je suis moi-même invité sur le podcast d'un autre gars, appelé Sismique, en France. Et... je vais m'arrêter là !


- (Rires) J'adore votre accent aussi, votre accent français ! Eh bien merci beaucoup pour cette conversation d'une heure et demie. Je crois qu'on pourrait discuter encore pendant une heure, mais je vais devoir traduire tout ça, donc je préfère arrêter ici ! (Rires)

- Merci beaucoup, Julien, et merci encore pour votre aide et vos conseils au cours de l'année passée !


- Bien sûr, je suis ravi de voir ce que vous en avez fait ! Merci beaucoup et à bientôt !

- Okay, ciao !


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Tous mes remerciements à Geoffroy Felley pour ce superbe travail de traduction !













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