Reflexion sur l’ouvrage de Ray Dalio : The Changing World Order - Why nations succeed and fail ?
Pourquoi durant des années certaines nations prospèrent, dominent, puis passent la main, inévitablement ?
Que se passe-t-il en ce moment qui ressemble beaucoup à une fin de cycle ?
Il y a quelques années, Ray Dalio, un investisseur américain à succès, a remarqué une confluence de conditions politiques et économiques qu'il n'avait jamais rencontrées auparavant. Celles-ci incluaient des dettes énormes et des taux d'intérêt nuls ou proches de zéro, ce qui a conduit à une impression massive de monnaie dans les trois principales devises de réserve mondiales ; des conflits politiques et sociaux importants au sein des pays, en particulier aux États-Unis, dus aux plus grandes disparités de richesse, de pouvoir politique et de valeurs depuis plus de 100 ans ; et l'émergence d'une puissance mondiale (la Chine) défiant la puissance mondiale existante (les États-Unis) et l'ordre mondial actuel. La dernière fois que cette confluence s'est produite, c'était entre 1930 et 1945. Cette réalisation a poussé Dalio à rechercher les schémas répétitifs et les relations de cause à effet sous-jacentes à tous les changements majeurs de richesse et de pouvoir au cours des 500 dernières années.
Alors que le nouvel ordre mondial se dessine et que nous en subissons de plus en plus les ondes de chocs, regardons de plus près ce qui se joue.
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De quoi parle-t-on ?
03:50 - L'Anticipation des Événements
06:35 - Les Fondements des First Principles
14:12 - Leçons de l'Histoire Financière
18:56 - Impression d'Argent et Investissement
20:00 - Anticiper l'Avenir en Étudiant le Passé
23:10 - L'Étude des Empires et des Monnaies
24:12 - Transitions de Puissance
26:51 - Emergence de nouveaux gagnants et perdants
28:02 - Observation des indicateurs de changement de pouvoir
28:26 - Division du cycle en trois phases
28:34 - Phase de montée des nouveaux ordres
39:39 - Déclin : faiblesse économique et luttes internes
45:33 - Nouveau cycle et nouvel ordre mondial
Transcript
Je vais vous parler aujourd'hui d'un livre de Ray Dalio, Principles for Dealing with the Changing World Order, Why Nations Succeed and Fail. Principes pour faire face au nouvel ordre mondial, pourquoi les nations réussissent et échouent. Évidemment, au moment où j'enregistre cet épisode, nous sommes mi-juin 2024, l'actualité chaude nous fait réfléchir aux choix que font les peuples, et surtout ceux qui les dirigent, et aux choix qu'ils font dans le présent et qui déterminent leur avenir. Leur avenir économique, politique, géopolitique et en tant que société, notamment en paix ou non, apaisée ou non. Et beaucoup de choses se jouent cette année un peu partout dans le monde, puisque c'est notamment une année d'élections, avec les élections en Europe, les élections en France, avec aussi des élections nationales désormais de manière inattendue, et puis bien sûr aux Etats-Unis et dans d'autres pays. Mais je me rappelle aussi que les secousses du présent ont toujours des germes qui parfois viennent de loin, et qu'au-delà des étonnements et des empressements, c'est toujours intéressant de regarder le temps long et les racines profondes, en essayant de prendre de la hauteur de vue et en sortant de notre propre petit cadre dans lequel l'actualité et les commentaires souvent nous enferment. Et cet épisode en quelque sorte contribue un peu à ça.
[1:51] Ray Dalio, c'est un entrepreneur américain qui a fondé en 1975 un tout petit fonds d'investissement à New York, dans sa chambre, paraît-il, qui s'appelle Bridgewater Associates, et qui allait devenir un des plus gros hedge funds, un des plus gros fonds d'investissement du monde, faisant donc de lui un milliardaire, en même temps qu'une des 100 personnalités les plus influentes du monde. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Time Magazine qui fait ce type de classement régulièrement. donc c'est quelqu'un qui est écouté et qui compte en tout cas au moins dans le monde politique dans le monde économique. Le livre dont je vais vous parler n'a pas encore été traduit en français, ce qui arrive souvent, bien que ce soit un best-seller international, mais son auteur en a fait une vidéo que j'ai traduite parce qu'elle synthétise plutôt bien les idées clés du livre, en tout cas des idées qui me semblent intéressantes et surtout qui sont en lien avec beaucoup des questions que je me pose et que je partage avec vous dans Sismik. Donc ces questions si vous écoutez le podcast régulièrement, vous les connaissez déjà, quels sont les grands principes de fonctionnement du monde et de nos vies, quelles sont les règles du jeu et quelles sont les dynamiques profondes, en quelque sorte, si je veux résumer.
[2:55] Et je me reconnais plutôt bien dans les questionnements et aussi dans l'approche de Ray Dalio, puisque dans plusieurs domaines, il cherche à trouver quels sont les principes de fonctionnement fondamentaux des systèmes. Il en a même en quelque sorte fait sa marque de fabrique, puisqu'il a sorti plusieurs ouvrages autour de cette idée de principe et que son site personnel s'appelle Principles.com. Sur le site d'ailleurs il explique, j'ouvre les guillemets, les principes sont des moyens de faire face avec succès à la réalité pour obtenir ce que vous voulez dans la vie. Il a fait aussi un peu de développement personnel, un peu de conseil business mais c'est pas de ça qu'on va parler aujourd'hui.
[3:35] Ray Dalio est un financier et son travail consiste essentiellement à essayer d'anticiper dans quelle direction vont aller les entreprises, va aller l'économie, les décisions politiques, les marchés financiers,
[3:48] quels sont les meilleurs placements, etc. C'est ça son job en quelque sorte, son métier. Et c'est un métier qui implique de savoir se procurer et de savoir trier l'information, de bien comprendre ce qui fait bouger les lignes, ce qui fait bouger le monde, afin d'être capable d'anticiper les événements ou au moins d'anticiper les trajectoires, les tendances. Et contrairement à des analystes ou à des commentateurs ou des prospectivistes, c'est intéressant de noter que c'est un métier où on doit faire des choix concrets et on doit donc un peu se mouiller. Parce qu'in fine, on est jugé sur des résultats mesurables, sur l'issue des paris, en quelque sorte, qu'on fait. Et il y a une différence palpable entre un bon et un mauvais choix. En gros, soit on gagne de l'argent, soit on gagne des clients, de la réputation, on augmente son pouvoir, soit on en perd.
[4:39] Donc Ray Dalio est connu pour avoir eu de bonnes analyses qui lui ont fait faire de bons choix. En tout cas, sur les critères liés à l'augmentation du pouvoir, c'est-à-dire dans nos termes modernes, les critères du succès, on va dire, entre guillemets. Et fait notamment partie des rares personnes à avoir vu venir la crise des subprimes en 2008 et donc avoir pu se positionner par rapport à ce qu'ils voyaient venir. Alors l'idée ici, c'est évidemment pas de faire l'apologie de Redaglio, mais de montrer qu'il a une certaine crédibilité, au moins pour ce qui est de l'anticipation de l'évolution des marchés, de l'évolution de l'économie. Or, pour comprendre l'économie, il faut aussi s'intéresser à ce qu'il a sous temps, ou au moins à ce qui peut l'affecter, c'est-à-dire des petits trucs comme la politique, la géopolitique, l'énergie, la monnaie, la technologie, le monde des idées, etc. A peu près tout, quoi. Et il se trouve que notre ami Ray s'intéresse à tous ces sujets et est plutôt doué pour les vulgariser avec, bien sûr, ses propres lunettes inévitablement teintées. Je vous dis deux mots de plus sur le concept qui sous-tend la plupart des publications de Ray Dalio, donc qui est cette idée de principe, et en anglais de first principles. Les first principles, ce sont les principes fondamentaux, c'est-à-dire des concepts de base ou les vérités premières sur lesquelles repose tout raisonnement ou système.
[6:02] Ce sont en fait les éléments les plus élémentaires qui ne peuvent pas être réduits, qui ne peuvent pas être simplifiés davantage, et qui servent de blocs de construction pour d'autres connaissances. Et ces principes sont considérés comme des vérités plus ou moins établies, qui ne nécessitent pas de preuves supplémentaires. Ils constituent en quelque sorte les axiomes ou les postulats essentiels dans un domaine de connaissances en particulier. Et en s'appuyant sur ces principes, sur ces first principles, il est possible de déduire des conclusions et de construire des édifices extrêmement
[6:31] complexes parfois, mais en tout cas des édifices qui fonctionnent. Les principes fondamentaux sont donc particulièrement utiles pour simplifier les problèmes complexes, puisqu'en revenant à ces bases, on peut en quelque sorte décomposer les problèmes en des éléments plus essentiels, ce qui permet une compréhension ou une résolution parfois plus efficace. Donc c'est une base, une des bases solides et une des bases universelles pour ce qu'on va appeler la pensée critique et l'analyse.
[6:58] Et je vous donne quelques exemples. Par exemple, en physique, on a le principe fondamental de la conservation de l'énergie, qui dit que l'énergie ne peut ni être créée ni détruite, seulement transformée d'une forme à une autre. On a aussi le principe de l'inertie, qui est la première loi de Newton, qui dit qu'un objet en mouvement reste en mouvement et un objet au repos reste au repos, à moins d'être soumis à une force externe. En mathématiques, on a par exemple l'axiome de l'égalité, qui dit que si deux choses sont égales à une troisième, elles sont égales entre elles. Et en philo, on a par exemple le principe de non-contradiction. Une chose ne peut pas être à la fois vraie et fausse en même temps et sous le même rapport. On a aussi le principe de causalité, qui dit que chaque effet a une cause. En biologie, on a par exemple le principe de l'évolution par sélection naturelle, qui dit que les organismes les mieux adaptés à leur environnement survivent et se reproduisent. En économie, on a le principe de rareté, qui dit que les ressources sont limitées, ce qui oblige à faire des choix sur leur utilisation. On a tout un tas de choses, le principe de décomposition aussi, qui dit que décomposer un problème complexe en problème plus simple est gérable, etc. On peut appliquer ça partout.
[8:12] Et en passant, on voit déjà au travers de ces quelques exemples que selon la discipline dont on parle, c'est plus ou moins solide. En physique, qui est une science dure, c'est du très solide. Même si parfois on les affine, on les précise, les principes fondamentaux ne changent pas, ou alors presque pas. Ça peut durer plusieurs siècles, puis en fait c'est quasiment toujours les mêmes. Si je vous dis 2 plus 2 égale 4, on peut se dire que ce sera toujours le cas. C'est une espèce d'allusion d'ailleurs au roman 1984 d'Orwell.
[8:44] Dans lequel il y a cette fameuse scène où on fait dire au personnage principal principales que 2 et 2 égale 5 et que c'est vrai, etc. Sauf qu'avec 2 et 2 égale 5, de plus 2 égale 5, on ne fait pas décoller des fusées et on ne peut même pas réussir, je pense, une recette de cuisine, ça ne marche pas. Mais en économie, par exemple, c'est un peu plus discutable. On a des principes, ce n'est pas une science dure, on a des principes qui sont parfois plus friables et on a moins de recul. Donc ça dépend des contextes, ça dépend des cadres, etc. Vous avez compris l'idée, on essaie d'aller à la racine, de comprendre quels sont les ingrédients fondamentaux et les structures dès qu'elles découlent les tendances, dès qu'elles découlent les événements. Encore une fois, c'est exactement l'approche que j'ai utilisée dans mon propre livre, Le monde change et on n'y comprend rien, et je fais d'ailleurs référence à Ray Dalio et à cet ouvrage en particulier. Si jamais vous faites partie de mes heureux lecteurs, c'est page 149 que ça se trouve, si vous ne faites pas partie de mes lecteurs, il est évidemment encore temps de corriger ça, c'est un livre dont le but est de nous aider à réfléchir aux grandes mutations du monde, et si vous ne l'aviez pas encore compris, on a en ce moment quelques piqûres de rappel quant au fait qu'effectivement nous entrons dans une époque de turbulence, une époque sismique tout simplement. Je ferme la parenthèse et je reviens à nos moutons. Un dernier exemple parlant concernant les principes fondamentaux, et je l'utilise souvent lors de mes conférences, le voici, si j'observe qu'un arbre donne des pommes chaque année, je note une tendance. Il a tendance à donner des pommes.
[10:11] Et à force, je peux observer que c'est dans la structure de l'arbre de donner des pommes. Et à cette structure particulière, je peux donner le nom de pommier, par exemple, ou apple tree en anglais. Et on peut partir de la certitude que jamais cette structure, à moins d'être modifiée, ne pourra donner des poires ou des prunes.
[10:29] Music. Donc ça permet de construire quelque chose de solide et de naviguer dans notre partie quotidienne dans notre jeu en essayant de ne pas trop se tromper puisqu'on a quand même besoin d'avoir quelques bases, Ray Dalio, pour revenir à lui, dans le livre dont je vous parle s'est intéressé aux principes fondamentaux qui font qu'une nation se développe, devient puissante, puis dominante et ce qui fait qu'elle peut ensuite s'effondrer éventuellement ou en tout cas décliner et laisser la place à une autre puissance Et il essaie de comprendre ces cycles d'ascension et de descente, de déclin des nations et des empires que l'on retrouve tout au long de l'histoire. Et je trouve ça intéressant parce que ça permet non seulement de faire le lien entre plein de sujets déjà abordés dans Sismic et aussi de questionner où nous en sommes aujourd'hui en tant que nation ou groupe de nation si on parle dans notre cas de l'Europe. Et ça nous concerne tous parce que tôt ou tard, l'état de santé de la nation où l'on vit finit par avoir des conséquences sur notre quotidien à nous. En tout cas, sur la plupart des gens. En tout cas, pour ceux qui n'ont pas la chance d'aller vivre dans une autre nation, dans un autre pays, etc. Ce qui est le cas de la grande majorité des gens.
[10:32] En fait, c'est ça un principe fondamental. Un pommier, ça donne des pommes. Si je lâche le verre que je tiens dans la main en ce moment à cet endroit, il tombe.
[11:51] Donc vivre dans un pays qui va bien, qui a les moyens de ses ambitions, qui a les moyens de prendre soin des plus démunis, de sa population en général, de stabiliser sa monnaie, de suffisamment payer ses fonctionnaires pour qu'ils ne soient pas trop corrompus, d'assurer la sécurité de tous, etc. Ce n'est pas pareil que de vivre dans un pays en souffrance, dans un pays qui va mal. Et donc, y voir clair sur ce qui fait la santé d'une nation, ce qui fait sa puissance, on va dire, ou juste le bien-être de ses habitants, les conditions du bien-être, c'est gagner en lucidité quant à ce qui se joue aujourd'hui dans votre pays où vous soyez. Il se précise comme toujours que Redaglio ne détient pas la vérité absolue. Il propose simplement une grille de lecture. Et je note au passage d'ailleurs que cette grille ne fait aucune référence à la dimension écologique, contrairement par exemple à celle proposée par quelqu'un comme Jared Diamond, pour ne citer que lui, comme plein d'autres évidemment. Il ne parle pas non plus beaucoup d'énergie, en tout cas pas directement. Donc c'est un point de vue qui regroupe un certain nombre de critères, mais évidemment ce n'est pas l'ensemble du réel. Et c'est d'ailleurs toujours le problème avec les modèles en quelque sorte, quels qu'ils soient. ils sont inévitablement simplificateurs, parfois très pratiques, très fonctionnels, mais toujours simplificateurs. Mais on n'a pas beaucoup mieux en fait, on est obligé de faire avec.
[13:11] Voici la traduction du script d'une vidéo que vous pouvez retrouver en ligne sur YouTube et dont je partagerai le lien dans les notes (ici : https://www.youtube.com/watch?v=xguam0TKMw8) . Ray Dalio n'est pas encore invité de Sismique, mais on va dire que c'est tout comme. Donc voici son script et donc son analyse. Alors, l'ordre mondial en mutation.
[13:31] Les temps à venir seront radicalement différents de ceux que nous avons connus au cours de notre vie, bien qu'ils soient similaires à de nombreuses époques précédentes. Comment le sais-je ? Parce que cela a toujours été le cas. Au cours de mes quelques 50 ans d'investissement macroéconomique mondial, j'ai appris à la dure que les événements les plus importants qui m'ont surpris l'ont fait parce qu'ils ne s'étaient jamais produits de mon vivant. Ces surprises douloureuses m'ont conduit à étudier les 500 dernières années d'histoire pour des situations similaires, où j'ai vu qu'elle s'était effectivement produite de nombreuses fois auparavant avec les hauts et les bas des empires néerlandais, britanniques et américains.
[14:07] Et chaque fois que cela se produisait, c'était un signe du changement de l'ordre mondial. Cette étude m'a appris des leçons précieuses que je vais vous transmettre ici sous une forme condensée. Donc vous l'avez bien compris, c'est Hérédalio qui parle, ce n'est pas moi Julien. Bien, permettez-moi de commencer par une anecdote qui m'a amené à ce point où je suis aujourd'hui, sur la façon dont j'ai appris à anticiper l'avenir en étudiant le passé. En 1971, alors que j'étais un jeune employé sur le floor de la bourse de New York, les États-Unis ont manqué d'argent et ont fait défaut sur leur dette.
[14:40] C'est exact, les États-Unis ont manqué d'argent. Comment ? Eh bien à l'époque, l'or était la monnaie utilisée dans les transactions entre pays. La monnaie papier, comme le dollar, était comme des chèques dans un carnet de chèques en ce sens qu'elle n'avait aucune valeur autre que celle d'être échangée contre de l'or, qui était la véritable monnaie. A l'époque, les États-Unis dépensaient beaucoup plus d'argent qu'ils n'en gagnaient en écrivant beaucoup plus de ces chèques de monnaie papier qu'ils n'avaient d'or en banque pour les échanger. Lorsque les gens ont commencé à convertir ces chèques en or, la quantité d'or aux États-Unis a commencé à diminuer. Il est vite devenu évident que les États-Unis ne pouvaient pas tenir leurs promesses pour tout l'argent papier existant. Alors les détenteurs de dollars se sont précipités pour les échanger avant que l'or ne soit épuisé.
[15:27] Reconnaissant que les États-Unis allaient manquer de véritable argent, le dimanche soir, 15 août, le président Nixon est apparu à la télévision pour dire au monde que les États-Unis rompaient leur promesse de permettre aux gens d'échanger leurs dollars contre de l'or. Bien sûr, il ne l'a pas dit de cette façon, il l'a dit de manière plus diplomatique, sans préciser clairement que les États-Unis faisaient défaut. Et voici le discours du président Nixon ce soir-là. La force d'une monnaie nationale est basée sur la force de l'économie de cette nation. L'économie américaine est de loin la plus forte du monde. En conséquence, j'ai ordonné au secrétaire du Trésor de prendre les mesures nécessaires pour défendre le dollar contre les spéculateurs.
[16:09] J'ai ordonné au secrétaire Connolly de suspendre temporairement la convertibilité du dollar en or ou en d'autres actifs de réserve, sauf dans les montants et les conditions déterminées pour être dans l'intérêt de la stabilité monétaire et dans le meilleur intérêt des États-Unis. J'ai regardé avec étonnement en réalisant que l'argent tel que nous le comprenions était en train de disparaître. Quelle crise ! Je m'attendais à ce que le marché boursier plonge le lendemain, alors je suis arrivé tôt sur le parquet de la bourse pour me préparer. Lorsque la cloche d'ouverture a sonné, la panique a éclaté. Mais pas de la manière que j'avais prévu. Le marché était en hausse, très en hausse, et a continué à augmenter de près de 25%.
[16:57] Cela m'a surpris parce que je n'avais jamais vécu de dévaluation monétaire auparavant. Lorsque j'ai creusé dans l'histoire, j'ai découvert que la même chose s'était produite en 1933 et avait eu le même effet. A l'époque, les dollars en papier étaient également liés à l'or, dont les Etats-Unis manquaient parce qu'ils dépensaient plus de chèques de monnaie papier qu'ils n'avaient d'or pour les échanger. Et le président Roosevelt a annoncé à la radio qu'il romprait la promesse du pays d'échanger des dollars contre de l'or.
[17:22] Music.
[17:23] C'est alors que j'ai publié la proclamation prévoyant la fermeture nationale des banques. Et ce fut la première étape de la reconstruction par le gouvernement de notre tissu financier et économique. La deuxième étape, jeudi dernier, a été la législation rapidement et patriotiquement adoptée par le Congrès, confirmant ma proclamation et élargissant mes pouvoirs afin qu'il soit possible, compte tenu des exigences de temps, de prolonger la fermeture et de lever progressivement l'interdiction de cette fermeture dans les jours à venir.
[18:02] Dans les deux cas, rompre le lien avec l'or a permis aux Etats-Unis de continuer à dépenser plus qu'ils ne gagnaient, simplement en imprimant plus de dollars en papier. Puisqu'il y avait une augmentation du nombre de dollars sans une augmentation de la richesse du pays, la valeur de chaque dollar a chuté.
[18:18] Lorsque ces nouveaux dollars sont entrés sur le marché sans une augmentation correspondante de la productivité, ils ont été utilisés pour acheter beaucoup d'actions, d'or et de matières premières, ce qui a fait augmenter leur prix. En étudiant davantage l'histoire, j'ai vu que la même chose s'était produite de nombreuses, nombreuses fois auparavant. J'ai vu que depuis le début des temps, lorsque les gouvernements dépensaient beaucoup plus qu'ils ne percevaient en impôts et que les conditions se détérioraient, ils manquaient d'argent et en avaient besoin de plus. Alors ils en imprimaient plus, beaucoup plus, ce qui faisait baisser la valeur et augmenter les prix de presque tout, y compris des actions, de l'or et les matières premières.
[18:56] C'est à ce moment-là que j'ai appris pour la première fois le principe selon lequel, lorsque les banques centrales impriment beaucoup d'argent pour soulager une crise, il faut acheter des actions, de l'or et des matières premières, parce que leur valeur augmentera et que la valeur de l'argent papier diminuera. Cette impression d'argent s'est également produite en 2008 pour soulager la crise de la dette hypothécaire et en 2020 pour soulager la crise économique due à la pandémie Covid. Et cela se produira presque certainement à l'avenir, donc je vous suggère de garder ce principe à l'esprit. Ces expériences m'ont donné un autre principe, qui est que pour comprendre ce qui vous attend, vous devez comprendre ce qui s'est passé avant vous. Ce principe m'a conduit à étudier comment la bulle des années 1920 s'est transformée en la dépression des années 1930, ce qui m'a donné les leçons qui m'ont permis d'anticiper et de profiter de la bulle de 2007 qui s'est transformée en crise de 2008.
[19:50] Toutes ces expériences m'ont conduit à développer une impulsion presque instinctive à me tourner vers le passé pour trouver des situations similaires et apprendre comment bien gérer l'avenir.
[20:01] Au cours de ces dernières années, trois grandes choses qui ne s'étaient pas produites de mon vivant m'ont poussé à faire cette étude. Premièrement, les pays n'avaient pas assez d'argent pour payer leurs dettes, même après avoir abaissé les taux d'intérêt à zéro. Alors, leurs banques centrales ont commencé à imprimer beaucoup d'argent pour le faire. Deuxièmement, de grands conflits internes ont émergé en raison des écarts croissants de richesses et de valeurs. Cela s'est manifesté par un populisme politique et une polarisation entre la gauche, qui veut redistribuer la richesse, et la droite, qui veut défendre ceux qui détiennent la richesse. Et troisièmement, des conflits externes croissants entre une grande puissance montante et la grande puissance dominante, comme c'est le cas actuellement avec la Chine et les Etats-Unis. Alors, je me suis penché sur le passé. J'ai vu que tout cela s'était produit ensemble nombreuses fois auparavant et conduisait presque toujours à des changements d'ordre intérieur et mondial. La dernière fois que cette séquence s'est produite, c'était de 1930 à 1945.
[21:01] Qu'est-ce qu'un ordre exactement, pourriez-vous me demander ? C'est un système de gouvernance pour les interactions entre les personnes. Il existe des ordres internes pour gouverner au sein des pays, généralement définis dans les institutions. Et il y a un ordre mondial pour gouverner les relations entre les pays, généralement définis dans les traités.
[21:20] Les ordres internes changent à des moments différents des ordres mondiaux, bien que, que ce soit au sein ou entre les pays, ces ordres changent généralement après des guerres. Des guerres civiles à l'intérieur des pays et des guerres internationales entre pays. Elles se produisent lorsque de nouvelles forces révolutionnaires battent de vieux ordres faibles. Par exemple, l'ordre interne des États-Unis a été établi dans la Constitution qui s'applique depuis 1789, après la Révolution américaine, et elle fonctionne encore aujourd'hui, même après la guerre civile américaine. La Russie s'est débarrassée de son ancien ordre et en a établi un nouveau avec la Révolution russe de 1917 qui s'est terminée en 1991 avec une révolution relativement sans effusion de sang. La Chine a commencé son ordre interne actuel en 1949 lorsque le parti communiste chinois a remporté la guerre civile. Vous voyez l'idée.
[22:11] L'ordre mondial actuel quant à lui, communément appelé l'ordre mondial américain, s'est formé après la victoire des alliés lors de la seconde guerre mondiale lorsque les Etats-Unis sont devenus la puissance mondiale dominante. Et cet ordre a été défini dans des accords et des traités, en précisant la façon dont la gouvernance mondiale et les systèmes monétaires fonctionnent. En 1944, le nouveau système monétaire mondial a été établi dans l'accord de Bretton Woods et a établi le dollar comme principale monnaie de réserve mondiale. Une monnaie de réserve est une monnaie couramment acceptée dans le monde entier et en avoir une est un facteur clé pour qu'un pays devienne l'empire le plus riche et le plus puissant du moment.
[22:51] Avec une nouvelle puissance dominante et un système monétaire établi, un nouvel ordre mondial commence. Ces changements se produisent dans un cycle intemporel et universel que j'appelle le grand cycle. Je vais commencer par un bref aperçu, puis donner une version plus complète et enfin vous diriger vers mon livre si vous en voulez plus.
[23:11] On note au passage que Redaglio fait un peu comme moi, il n'arrête pas de promouvoir son livre.
[23:16] En étudiant les dix empires les plus puissants au cours des 500 dernières années et les trois dernières monnaies de réserve, j'ai parcouru l'ascension et le déclin de l'empire néerlandais du Florin, l'empire britannique et la livre sterling, l'ascension et le déclin de l'empire des Etats-Unis et du dollar, et le déclin et la montée nouvelle de l'empire chinois et de ses monnaies, ainsi que l'ascension et le déclin des empires espagnols, allemands, français, indiens, japonais, russes et ottomans avec leurs conflits significatifs. Pour mieux comprendre les schémas de la Chine, j'ai également étudié l'ascension et la chute des dynasties chinoises et de leur monnaie depuis l'an 600. Parce que regarder toutes ces mesures à la fois peut être déroutant, je vais me concentrer sur les quatre plus importantes, les néerlandais, les britanniques, les américains et les chinois. Ces cycles qui se chevauchent et ont une durée d'environ 250 ans chacun, avec des périodes de transition de 10 à 20 ans entre eux.
[24:12] Typiquement, ces deux transitions ont été des périodes de grands conflits, car les puissances dominantes ne déclinent pas sans se battre.
[24:20] Alors comment mesurer la puissance d'un empire ? Dans cette étude, j'ai utilisé huit critères. La mesure du pouvoir total de chaque pays est dérivée de leur moyenne. Ces critères sont l'éducation, l'inventivité et le développement technologique, la compétitivité sur les marchés mondiaux, la production économique, la part du commerce mondial, la force militaire, le pouvoir de leurs centres financiers pour les marchés de capitaux et la force de leurs monnaies en tant que monnaie de réserve.
[24:51] Parce que ces pouvoirs sont mesurables, nous pouvons voir à quel point chaque pays est fort maintenant, à quel point il l'était dans le passé, et s'ils sont en train de monter ou de décliner. En examinant les séquences de nombreux pays, nous pouvons voir comment un cycle typique se déroule. Et parce que les oscillations peuvent être déroutantes, nous pouvons les simplifier un peu pour nous concentrer sur le schéma des relations de cause à effet qui entraînent la montée et le déclin d'un empire typique. Ce qu'on observe, c'est qu'une meilleure éducation conduit généralement à une augmentation d'innovation et du développement technologique, et avec un décalage, à l'établissement de la monnaie en tant que monnaie de réserve. Ces forces déclinent ensuite dans un ordre similaire, renforçant le déclin de chacune d'elles. En résumé, le grand cycle commence généralement après un grand conflit, souvent une guerre, qui établit la nouvelle puissance dominante et le nouvel ordre mondial.
[25:42] Parce que personne ne veut défier cette puissance, une période de paix et de prospérité s'ensuit généralement. Comme les gens s'habituent à cette paix et à cette prospérité, ils parient de plus en plus sur sa continuité. Pour ce faire, ils empruntent de l'argent, ce qui conduit finalement à une bulle financière. La part de l'empire dans le commerce augmente, et lorsque la plupart des transactions sont effectuées dans sa monnaie, elle devient une monnaie de réserve, ce qui conduit à a encore plus d'emprunts. Et en même temps, cette prospérité accrue distribue la richesse de manière inégale. Ainsi, l'écart de richesse augmente généralement entre les riches possédants et les pauvres démunis. Finalement, la bulle financière éclate, ce qui conduit à l'impression d'argent, à une augmentation du conflit interne entre les riches et les pauvres, ce qui conduit à une forme de révolution pour redistribuer la richesse. Cela peut se produire pacifiquement ou sous forme de guerre civile. Pendant que l'Empire lutte contre ce conflit interne, sa puissance diminue par rapport aux puissances rivales externes en ascension. Lorsqu'une nouvelle puissance montante devient assez forte pour rivaliser avec la puissance dominante qui a des problèmes domestiques, des conflits externes, généralement des guerres, ont lieu.
[26:52] De ces guerres internes et externes émergent de nouveaux gagnants et perdants. Ensuite, les gagnants se réunissent pour créer le nouvel ordre mondial et le cycle recommence.
[27:02] En regardant en arrière, j'ai vu que ces relations de cause à effet étaient à l'origine des cycles de montée et de déclin depuis l'Empire romain. J'ai vu comment les histoires de chacun de ces cycles se fondaient avec les autres avant, pendant et après, de la même manière que chaque histoire individuelle se mêle aux autres pour former l'épopée de 500 ans qui est l'histoire, par exemple, de la collectivité américaine. Bien sûr, comme les cycles de vie humaine, aucun n'est exactement identique, mais la plupart sont similaires. Ils sont animés par des relations de cause à effet logique qui progressent à travers des étapes allant de la naissance à la force et à la maturité, puis à la faiblesse et inévitablement au déclin. Ainsi, le cycle de vie d'une personne dure en moyenne 80 ans, mais il faut noter que beaucoup sont bien plus courts et d'autres sont plus longs. Et bien que l'âge puisse être un bon indicateur de la longévité future, un meilleur moyen est de regarder les indicateurs de santé.
[27:59] On peut faire de même avec les empires et leurs signaux vitaux. J'ai découvert qu'en observant les indicateurs de changement de pouvoir, je pouvais voir à quel stade se trouvait un pays, ce qui m'a aidé à anticiper ce qui allait probablement se passer ensuite.
[28:13] Maintenant, je vais vous présenter le grand cycle en détail. Donnez-moi 20 minutes et je vous donnerai les 500 dernières années d'histoire et vous montrerez les schémas similaires à travers les empires néerlandais, britanniques, américains et chinois. 500 ans de grands cycles.
[28:26] Je vais décrire le cycle typique en le divisant en trois phases.
[28:30] La montée, le sommet et le déclin. D'abord la montée. Les nouveaux ordres réussis qui montent, tant internes qu'externes, sont généralement initiés par des leaders révolutionnaires, puissants, accomplissant quatre choses. Premièrement, ils obtiennent le pouvoir en gagnant plus de soutien que l'opposition.
[28:52] Deuxièmement, ils consolident le pouvoir en convertissant, affaiblissant ou en éliminant l'opposition pour qu'elle ne leur fasse pas obstacle. Troisièmement, ils établissent des systèmes et des institutions qui font bien fonctionner le pays.
[29:06] Et quatrièmement, ils choisissent bien leurs successeurs ou créent des systèmes qui le font, car un grand empire nécessite de nombreux grands leaders sur plusieurs générations. A ce stade, peu après avoir remporté le combat, il y a généralement une période de paix et de prospérité croissante car le leadership est clairement dominant et bénéficie d'un large soutien, donc personne ne veut le combattre. Pendant cette phase, les leaders du pays doivent concevoir un excellent système pour accroître la richesse et le pouvoir du pays. Avant tout, pour être grand, il doit avoir une éducation solide.
[29:38] Qui n'est pas seulement l'enseignement des connaissances et des compétences, mais aussi un caractère fort de la civilité et une éthique de travail. Ceux-ci sont généralement enseignés dans la famille, les écoles et les institutions religieuses. Cela fournit un respect sain pour les règles et les lois, de l'ordre au sein de la société, une faible corruption et permet de s'unir derrière un objectif commun et de bien travailler ensemble. En faisant cela, ils passent de plus en plus de la production de produits de base à l'innovation et à l'invention de nouvelles technologies. Par exemple, les Néerlandais se sont élevés pour vaincre l'empire des Habsbourg et devenir superbement éduqués. Ils sont devenus si inventifs qu'ils ont créé un quart de toutes les grandes inventions du monde. La plus importante de ces inventions était celle des navires pouvant voyager autour du monde pour collecter de grandes richesses et l'invention du capitalisme tel que nous le connaissons aujourd'hui pour financer ses voyages. Comme tous les empires leaders, ils ont amélioré leurs pensées en étant ouverts aux meilleures idées du monde.
[30:37] En conséquence, les habitants du pays deviennent plus productifs et plus compétitifs sur les marchés mondiaux, ce qui se traduit par une production économique croissante et une part croissante du commerce mondial. Vous pouvez voir cela se produire maintenant alors que les Etats-Unis et la Chine sont à peu près comparables en termes de production économique et de part du commerce mondial. À mesure que les pays commercent davantage à l'échelle mondiale, ils doivent protéger leurs routes commerciales et leurs intérêts étrangers contre les attaques. Ils développent donc une grande force militaire. Si c'est bien fait, le cycle vertueux conduit à une forte croissance des revenus, qui peut être utilisé pour financer des investissements dans l'éducation, les infrastructures et la recherche et le développement. Ils doivent également développer des systèmes pour inciter et donner du pouvoir à ceux qui ont la capacité de créer ou de prendre des richesses. Dans tous ces cas, les empires les plus réussis ont utilisé une approche capitaliste pour développer des des entrepreneurs productifs. Même la Chine, qui est dirigée par le parti communiste chinois, a utilisé une forme de cette approche capitaliste. Deng Xiaoping, interrogé à ce sujet, a déclaré – et vous m'excuserez si là je ne prends pas l'accent – « Peu importe que ce soit un chat blanc ou un chat noir, tant qu'il attrape des souris ». Et, il a aussi dit, « C'est glorieux d'être riche ».
[31:53] Pour bien faire cela, ils doivent développer leur marché de capitaux. Le plus important, leur marché de prêts, d'obligations et d'actions. Cela permet aux gens de convertir leurs économies en investissements, de financer l'invention et le développement et de partager les succès de ceux qui font de grandes choses.
[32:10] Les néerlandais ont créé la première société cotée en bourse, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, et la première bourse pour la financer, qui faisait partie intégrante du système, qui a produit une richesse et un pouvoir massif. En conséquence naturelle, les plus grands empires ont développé les principaux centres financiers du monde pour attirer et distribuer les capitaux mondiaux. Amsterdam était le centre financier du monde lorsque les Néerlandais étaient prééminents, Londres l'été lorsque les Britanniques étaient au sommet, New York les maintenant et la Chine développe rapidement ses centres financiers.
[32:46] Le plus important, c'est que les capitalistes, les gouvernements et les militaires doivent travailler ensemble.
[32:52] Non seulement les Néerlandais travaillaient bien ensemble, mais ils ne faisaient qu'un. La compagnie néerlandaise des Indes orientales bénéficiait d'un monopole commercial accordé par le gouvernement et avait sa propre armée officiellement sanctionnée pour aller sur les marchés mondiaux pour faire et prendre de la richesse. Les Britanniques ont suivi très vite avec la compagnie britannique des Indes orientales et ont eu une coordination similaire de leurs opérations gouvernementales, commerciales et militaires. Le complexe militaro-industriel américain a suivi l'exemple, tout comme le système chinois aujourd'hui. À mesure que le pays devient le plus grand empire commercial international, ses transactions peuvent être payées avec sa monnaie, ce qui en fait le moyen d'échange mondial préféré, et parce que sa monnaie est si largement acceptée et fréquemment utilisée, les gens du monde entier veulent épargner en elle, ce qui en fait le principal moyen de conservation de la richesse et donc la principale monnaie de réserve mondiale. Le florin était la principale monnaie de réserve mondiale lorsque les néerlandais dominaient le commerce mondial, la livre l'était lorsque les britanniques étaient en tête et le dollar l'est depuis que les états unis ont imposé leur système au monde entier. Naturellement la monnaie chinoise est de plus en plus utilisée comme monnaie de réserve et, fait extrêmement moins important, avoir une monnaie de réserve permet à l'Empire qui la détient d'emprunter plus que les autres pays. Et cet avantage est énorme. Réfléchissez-y.
[34:16] Les gens du monde entier sont désireux d'épargner et donc de prêter leur monnaie à l'Empire. Les pays sans monnaie de réserve n'ont pas cet avantage. Et lorsque l'Empire épuie ses propres fonds, souvenez-vous des Etats-Unis en 971, il peut toujours en imprimer davantage. Le privilège exorbitant accordé par la monnaie de réserve de l'Empire conduit à une augmentation des emprunts et au début d'une bulle financière.
[34:42] Cette série de relations de cause à effet, conduisant à des pouvoirs financiers, politiques et militaires mutuellement soutenus, renforcés par le pouvoir d'emprunt d'une monnaie de réserve, existe depuis que l'histoire a commencé à être consignée. Tous les empires, qui sont devenus les plus puissants du monde, ont suivi ce chemin vers le sommet.
[35:02] Pendant la phase de domination, la plupart de ces forces sont maintenues, mais les fruits de leur succès contiennent les germes de leur déclin. En règle générale, à mesure que les habitants de ces pays riches et puissants gagnent davantage, cela les rend plus chers et moins compétitifs par rapport aux habitants d'autres pays qui sont prêts à travailler pour moins. En même temps, les habitants d'autres pays copient naturellement les méthodes et technologies de la puissance dominante, ce qui réduit encore la compétitivité de cette dernière. Par exemple, les constructeurs de navires britanniques avaient des travailleurs moins chers que les constructeurs néerlandais. Ils ont donc embauché des designers néerlandais pour concevoir de meilleurs navires qui étaient construits par des travailleurs britanniques moins chers, les rendant plus compétitifs, ce qui a conduit les Britanniques à monter et les Néerlandais à décliner. De plus, à mesure que les gens deviennent plus riches, ils ont tendance à travailler moins dur. Ils apprécient plus de loisirs, recherchent les choses plus raffinées et moins productives de la vie et, à l'extrême, deviennent décadents. Les valeurs changent de génération en génération pendant l'ascension vers le sommet, passant de ceux qui ont dû se battre pour atteindre la richesse et le pouvoir à ceux qui en ont hérité. Ils sont moins aguerris, imprégnés de luxe et habitués à une vie facile, ce qui les rend plus vulnérables aux défis. L'âge d'or de l'Empire néerlandais et l'ère victorienne de l'Empire britannique étaient de telles périodes de grande prospérité.
[36:29] À mesure que les gens s'habituent à bien vivre, ils misent de plus en plus sur la continuité des bons moments et empruntent de l'argent pour cela, ce qui se transforme en bulles financières. Naturellement, les gains financiers sont inégaux. Ainsi, l'écart de richesse se creuse. Les écarts de richesse sont auto-renforcés parce que les riches utilisent leurs ressources supérieures pour renforcer leurs pouvoirs. Par exemple, ils accordent de plus grands privilèges à leurs enfants, comme une meilleure éducation, et ils influencent le système politique à leur avantage. Cela creuse les écarts de valeur, de politique et d'opportunité entre les riches nantis et les pauvres démunis. Ceux qui sont moins bien lotis trouvent le système injuste, donc les ressentiments grandissent. Mais tant que le niveau de vie de la plupart des gens continue d'augmenter, ces écarts de ressentiment ne se transforment pas nécessairement en conflit.
[37:21] Avoir la monnaie de réserve mondiale conduit inévitablement à emprunter excessivement et continue à ce que le pays accumule de grandes dettes auprès des prêteurs étrangers. Bien que cela augmente le pouvoir d'achat à court terme, cela affaiblit la santé financière du pays et affaiblit la monnaie à long terme. En d'autres termes, lorsque les emprunts et les dépenses sont élevés, l'Empire semble très fort, mais ses finances sont en fait affaiblies. Les emprunts soutiennent le pouvoir du pays au-delà de ses fondamentaux en finançant à la fois la surconsommation domestique et les conflits militaires internationaux nécessaires pour maintenir l'Empire.
[37:56] Inévitablement, le coût de maintien et de défense de l'Empire devient supérieur aux revenus qu'il génère. Et ainsi, avoir un empire devient non rentable. Par exemple, l'Empire néerlandais s'est surmené à travers le monde et a mené des guerres de plus en plus coûteuses avec les Britanniques et d'autres puissances européennes pour protéger son territoire et ses routes commerciales. De même, l'Empire britannique est devenu massif et bureaucratique, perdant ses avantages concurrentiels alors que les puissances rivales, en particulier l'Allemagne, montaient en flèche, ce qui a conduit à une course aux armements de plus en plus coûteuse et à la Première Guerre mondiale. Les États-Unis ont dépensé environ 8 trillions de dollars pour les guerres étrangères et leurs conséquences depuis le 11 septembre 2001, et des trillions de plus pour d'autres opérations militaires ou pour soutenir des bases militaires dans 70 pays. Et ils ne dépensent toujours pas assez pour soutenir la compétition militaire avec la Chine dans la région autour de leurs grands rivales.
[38:54] Dans ce cycle, les pays plus riches finissent par s'endetter davantage en empruntant auprès des pays pauvres qui épargnent plus. C'est l'un des premiers signes d'un changement de richesse et de pouvoir. Cela a commencé aux Etats-Unis dans les années 80, lorsque le revenu par habitant était 40 fois supérieur à celui de la Chine, et que les Etats-Unis ont commencé à emprunter auprès des Chinois qui voulaient épargner en dollars parce que le dollar était la monnaie de réserve mondiale. De même, les Britanniques ont beaucoup emprunté auprès de leurs colonies bien plus pauvres, et les Néerlandais ont fait de même à leur apogée. Et si l'Empire commence à manquer de nouveaux prêteurs, ceux qui détiennent leur monnaie commencent à chercher à vendre et à se retirer plutôt qu'à acheter, épargner, prêter et rentrer dans le système. Et la force de l'Empire commence à décliner.
[39:40] Ce qui nous amène à parler de la deuxième phase, le déclin. Le déclin provient de la faiblesse économique conjuguée à des luttes internes ou des combats externes coûteux, ou les deux. Typiquement, le déclin est d'abord graduel. puis très soudain. Lorsque les dettes deviennent très importantes, qu'il y a un ralentissement économique et que l'Empire ne peut plus emprunter l'argent nécessaire pour rembourser ses dettes, la bulle financière éclate. Cela crée évidemment de grandes difficultés domestiques et force le pays à choisir entre faire défaut sur ses dettes ou imprimer beaucoup de nouvelles monnaies.
[40:15] Il choisit toujours d'imprimer beaucoup de nouvelles monnaies, d'abord progressivement puis massivement. Cela dévalue la monnaie et augmente l'inflation.
[40:25] Pour les Néerlandais, il s'agissait de la crise financière provoquée par les excès financiers et le paiement de la quatrième guerre anglo-néerlandaise. De même, pour les Britanniques, c'était le paiement de leurs excès financiers et de leurs dettes issues de deux grandes guerres mondiales. Et pour les Etats-Unis, il y a eu trois cycles de boum et de krach financiers depuis les années 1990 avec l'intervention de la banque centrale chaque fois avec des mesures de plus en plus fortes. Lorsque le gouvernement a des problèmes pour se financer, que les conditions économiques sont mauvaises et que le niveau de vie de la plupart des gens diminue, et qu'il y a des grands écarts de richesses, de valeurs et de politiques, le conflit interne entre les riches et les pauvres, ainsi que les différents groupes ethniques, religieux et raciaux, augmente considérablement.
[41:09] Cela conduit à un extrémisme politique qui se manifeste sous la forme de populisme de gauche ou de droite. Ceux de gauche cherchent à redistribuer la richesse tandis que ceux de droite cherchent à maintenir la richesse entre les mains des riches. Typiquement en de telles périodes les impôts sur les riches augmentent et lorsque les riches craignent que leur richesse et leur bien-être soit pris, ils se déplacent vers des lieux, des actifs et des monnaies où ils se sentent plus en sécurité. Ces sorties réduisent les recettes fiscales de l'Empire ce qui conduit à un processus de creusement classique et auto-renforcé. Lorsque la fuite des capitaux devient suffisamment grave, les gouvernements l'interdisent. Ceux qui cherchent à sortir commencent alors à paniquer. Ces conditions turbulentes sapent la productivité, ce qui réduit la taille de l'économie et provoque plus de conflits sur la manière de diviser les ressources en diminution.
[42:00] Des leaders populistes émergent des deux côtés et promettent de prendre le contrôle et d'apporter de l'ordre. C'est à ce moment-là que la démocratie est le plus mise à l'épreuve, car elle échoue à contrôler l'anarchie et c'est le moment où un leader populiste fort qui apportera de l'ordre au chaos est le plus probable. À mesure que le conflit interne au pays s'intensifie, cela conduit à une forme de révolution ou de guerre civile pour redistribuer la richesse et forcer les grands changements nécessaires. Cela peut être pacifique et maintenir l'ordre existant, mais c'est le plus souvent violent et cela change l'ordre. Par exemple, la révolution Roosevelt, pour redistribuer la richesse, était relativement pacifique et a maintenu l'ordre interne existant, tandis que la révolution française, la révolution russe et la révolution chinoise ont été beaucoup plus violentes et ont conduit à de nouveaux ordres internes. Ce conflit interne affaiblit l'Empire et le rend vulnérable aux rivaux externes montants qui, voyant cette faiblesse domestique, sont plus enclins à se poser en défi. Cela augmente le risque de grands conflits internationaux, surtout si le rival a construit une armée comparable. Se défendre et défendre son empire contre les rivaux nécessite de grandes dépenses militaires qui doivent se produire alors que les conditions économiques domestiques se détériorent et que l'empire peut le moins se le permettre.
[43:17] Puisqu'il n'existe pas de système viable pour régler pacifiquement les différents internationaux, ces conflits sont généralement résolus par des tests de puissance. À mesure que des défis plus audacieux sont lancés, l'empire dominant est confronté aux choix difficiles de combattre ou de se retirer. Combattre et perdre est le pire résultat, mais se retirer est également mauvais car cela cède du terrain aux rivales et signale que l'empire est faible aux pays qui envisagent de choisir leur camp. Les mauvaises conditions économiques provoquent davantage de lutte pour la richesse et le pouvoir, ce qui conduit inévitablement à une forme de guerre. Les guerres sont terriblement coûteuses. En même temps, elles produisent les changements tectoniques qui réajustent les nouveaux ordres aux nouvelles réalités de la richesse et du pouvoir dans le monde. Lorsque ceux qui détiennent la monnaie de réserve et la dette de l'Empire en déclin perdent confiance et la vendent, cela marque la fin de son grand cycle.
[44:10] Sur les quelques 750 monnaies qui ont existé depuis 1700, moins de 20% existent encore aujourd'hui, et toutes ont été dévaluées. Pour les néerlandais, cela s'est produit après leur défaite lors de la 4e guerre anglo-néerlandaise, lorsqu'ils n'ont pas pu rembourser les énormes dettes qu'ils avaient accumulées. Cela a conduit à une panique bancaire à Amsterdam et à une vente désespérée, forçant une impression massive de monnaie, ce qui a dévalué la monnaie et fait s'effondrer l'Empire jusqu'à l'oubli. Pour les Britanniques, cela s'est produit après la seconde guerre mondiale lorsque, malgré leur victoire, ils ne pouvaient pas rembourser les énormes dettes contractées pour financer leur effort de guerre. Cela a conduit à une série d'impressions de monnaie, de dévaluation et de vente de livres sterling alors que les États-Unis et le dollar émergeaient, dominants et créaient un nouvel ordre mondial. Au moment de cet enregistrement, les États-Unis n'ont pas encore atteint ce point. Bien qu'ils aient une dette massive, dépensent plus qu'ils ne gagnent et financent ce déficit par des emprunts supplémentaires et et l'impression de grande quantité de nouvelles monnaies, la grande vente de dollars et de dettes en dollars n'a pas encore commencé. Et bien qu'il y ait de grands conflits internes et externes, pour toutes les raisons classiques, ils n'ont pas encore franchi la ligne rouge de la guerre avec leurs grands rivaux.
[45:24] Finalement, de ces conflits, qu'ils soient violents ou non, émergent de nouveaux gagnants qui se réunissent pour restructurer les dettes et les systèmes politiques des perdants et établir le nouvel ordre mondial.
[45:34] Alors, le vieux cycle et l'empire se terminent et un nouveau commence, et tout recommence. C'est beaucoup de détails que je viens de vous donner pour peindre une image de la façon dont les cycles typiques se déroulent. Bien sûr, ils ne se déroulent pas tous exactement de la même façon, mais la plupart suivent en grande partie ce schéma, à tel point que l'histoire des ascensions et des déclins reste essentiellement la même, et que les seules choses qui changent sont les vêtements des personnages et les technologies qu'ils utilisent. Alors, la question se pose, où allons-nous ? Parlons maintenant de l'avenir.
[46:13] La plupart des empires ont leur moment de gloire et déclinent inévitablement. Renverser un déclin est difficile, parce que ça nécessite de défaire beaucoup de choses qui ont déjà été faites, mais c'est possible. En observant ces indicateurs, il est facile de voir à quel stade du grand cycle un empire se trouve, à quel point il est en forme et si sa condition s'améliore ou se détériore, ce qui peut aider à estimer combien d'années il lui reste.
[46:39] Cependant, ces estimations ne sont pas précises et le cycle peut être prolongé, Si ceux qui sont en charge prêtent attention à leurs signes vitaux et les améliorent, par exemple en sachant qu'une personne a 60 ans, à quel point elle est en forme, si elle fume ou non, et quelques autres signes vitaux de base, on peut estimer la longévité de cette personne. On peut faire de même avec les empires et leurs signes vitaux. Ce ne sera pas précis, mais ce sera largement indicatif et donnera une direction claire sur les mesures à prendre pour augmenter la longévité. Il arrive en fait souvent que la plus grande bataille d'une nation soit avec elle-même, pour savoir si elle peut prendre les décisions difficiles nécessaires pour maintenir le succès. Quant à ce que nous devons faire, cela se résume à deux choses. Gagner plus que nous dépensons et nous traiter les uns les autres correctement. Toutes les autres choses que j'ai mentionnées, une éducation forte, l'inventivité, la compétitivité et tout le reste, ne sont que des moyens d'atteindre ces deux objectifs. Il est facile de mesurer si nous les réalisons. Alors comme les gens qui veulent se mettre en forme, mettons-nous en mouvement et améliorons nos signes vitaux. Faisons-le individuellement et collectivement. Mon objectif en partageant cette image de la façon dont le monde fonctionne et quelques principes pour bien y faire face est de vous aider à reconnaître où nous en sommes et les défis auxquels nous sommes confrontés et à prendre les décisions sages nécessaires pour naviguer correctement en ces temps. Voilà, c'est tout. Vous pourrez en apprendre davantage dans mon livre.
[48:04] Je reprends la main, ma lecture s'arrête ici. J'aime beaucoup cette grille d'analyse parce qu'elle mélange plein de choses et qu'elle permet de prendre du recul par rapport à ce qui se joue aujourd'hui un peu partout. Donc c'est aussi la force de l'histoire, c'est que ça permet de tirer des leçons quand on sait où regarder. Alors évidemment on ne résume pas tout un livre en quelques phrases, il faut tenir compte de tout un tas d'autres critères qui sont d'ailleurs mentionnés dans son livre pour évaluer la santé d'un empire ou même la santé d'un pays. Et les réformes qu'il y aurait à faire.
[48:37] Comme je vous l'ai dit, il manque dans ce résumé des détails sur la dimension énergétique et sur les aspects écologiques notamment. Pour faire court, un empire, pour se développer et se maintenir, a besoin d'accès à des ressources énergétiques. Et ça peut se faire via une innovation technologique ou des développements d'infrastructures. Par exemple, les moulins à vent en Hollande, de le charbon en Angleterre et les techniques pour l'extraire et aussi bien sûr ça peut se faire par l'accaparement de ressources et l'accaparement de la force de travail des pays qu'on colonise. Et pour les Etats-Unis on peut se demander ce qu'il aurait été de leur histoire et de leur trajectoire sans une grande quantité de charbon et une grande quantité de pétrole sur leur propre territoire, donc point besoin pour eux de moult colonies puisqu'ils avaient tout sur place en quelque sorte Pour creuser je vous invite notamment à écouter les épisodes avec Matthieu Auzanneau sur le sujet. Quant aux aspects écologiques, l'histoire tend à montrer qu'une civilisation peut connaître de sérieux troubles lorsque son environnement se dégrade fortement ou plus simplement du fait de la propagation de pandémies, ce qui n'est pas forcément directement lié aux problématiques écologiques évidemment, mais qui doit nous rappeler que les humains dépendent aussi d'éléments de contexte extérieur à eux-mêmes, à leur propre trajectoire civilisationnelle en quelque sorte.
[49:58] Donc il y a un terrain de jeu duquel tout dépend. Et lorsque la stabilité écologique n'est plus assurée, ça impacte évidemment tout le reste. Et je vous invite à écouter les épisodes, par exemple avec Laurent Testot ou Vincent Mignerot sur le sujet, pour ne pas oublier que ça ne se fait pas hors sol tout ça, et qu'inévitablement on a des rappels et qu'on est en plein dedans et que c'est un des grands enjeux de notre époque. Mais je trouve que dans les grandes lignes ça fonctionne plutôt bien, Et il me semble que ça peut aider les citoyens en général à réfléchir à la situation de leur propre pays, en comprenant notamment la place de la monnaie, la place de la dette, cette idée qu'il y a des équilibres à trouver aussi entre le niveau d'inégalité, le niveau de dépense, le niveau de recette, etc. L'importance du niveau d'éducation aussi, la capacité d'innovation, etc. À méditer donc.