Le monde change vite.
La plupart du temps on ne s’en rend pas vraiment compte, pris que nous sommes par nos occupations quotidiennes, ou dépassés par la complexité des sujets, incapables aussi de faire le tri entre des informations contradictoires qui souvent ne nous concernent d’ailleurs pas directement, pas immédiatement.
Et puis parfois, de manière presque toujours inattendue et soudaine, ces changements nous touchent, les mouvements du monde se rappellent à nous ; ce qui ne pouvait pas arriver arrive, nous arrive. Sacrée loi de Murphy…
Nous ne sommes généralement pas tous concernés, ou pas au même moment. Certains sont plus exposés que d’autres à ces mouvements, de manière positive ou négative, en fonction d’où l’on vit, du travail que l’on fait, du milieu social dont on est issu…
Rares sont les événements ayant un impact sur des millions de gens en même temps, sur un pays entier, et plus rares encore sont les évènements qui touchent l’humanité toute entière. Ce que nous vivons est en fait totalement inédit, cela ne pouvait pas arriver autre part que dans une fiction pensions-nous tous, hormis comme toujours quelques clairvoyants bien informés (cf la conférence de Bill Gates sur le sujet en 2015). Et pourtant nous voilà confinés.
Le monde est à l’arrêt comme jamais auparavant, et les conséquences seront profondes. On peut essayer de deviner comment vont évoluer les choses et on a de quoi disserter longuement : crise sanitaire et humanitaire, crise économique et financière, gouvernance et efficacité des différents systèmes étatiques, Europe et frontières, dynamiques culturelles, civisme, entraide et rapports humains, information, media et réseaux sociaux… Nous n’avons pas fini de réfléchir et de parler de tout ce que ce foutu virus nous fait découvrir sur le fonctionnement de nos systèmes et sur nous-mêmes.
Je vis à Hong Kong et j’ai donc vécu cette crise dès ses débuts. J’ai été confronté à mon propre déni de réalité dans un contexte pourtant on ne peut plus clair (les Hong Kongais ont pris très vite des mesures très visibles) et j’ai ensuite pu observer à distance le déni des autres, jusqu’à il y a encore quelques jours. Nous semblons incapables de faire évoluer nos certitudes, nos croyances et donc nos actions tant que nous ne faisons pas l’expérience des choses.
C’est pour moi la principale leçon à tirer à chaud de ce que nous traversons et qui me permet de faire le lien avec le pourquoi de Sismique : présenter des faits, proposer des analyses sur les mutations du monde, sur les risques fous et imminents que nous prenons collectivement.
Il est important de faire l’effort d’aborder la complexité, de sortir de la pensée simpliste et linéaire, de mieux comprendre ce qui se trame et de rendre cela accessible à tous. C’est le rôle de nos élites, de nos enseignants, de nos media, de nos politiques que de nous aider et de nous guider. Ce rôle n’est hélas plus vraiment tenu et il est essentiel de travailler à ce qu’il le soit.
Mais il faudra plus…
Beaucoup autour de moi font le lien entre cette crise sanitaire et les risques liés aux crises environnementales et climatiques :
Nous sommes dans le déni face aux risques et ne faisons rien ou si peu pour les éviter ou nous préparer.
Nos systèmes complexes mondialisés sont fragiles en cas de choc.
Nous savons trouver l’argent pour gérer cette crise, nous pourrions le trouver pour investir dans ce qui est essentiel au renforcement de nos sociétés
Nous nous rendons compte de l’importance de l’État et des structures nationales, tout ne peut pas faire partie du monde marchand.
Il est possible de ralentir, de moins voyager, de moins travailler, de décroitre (sans que l’on puisse toutefois encore correctement en évaluer les conséquences, notamment économiques)
La cohésion sociale, le civisme, la solidarité sont des éléments clés de résilience…
Le parallèle à faire est évident. On peut effectivement voir ce que nous vivons comme une répétition générale à moindre frais comparé à ce qui pourrait arriver, comme une première secousse qui révèle au grand jour nos faiblesses…
Certains pensent que l’on peut espérer au moins une prise de conscience généralisée de la trajectoire dangereuse sur laquelle nous sommes et que nous retrouvions un peu d’humilité et de lucidité face à la nature et à nos limites ; d’autres ne croient pas que nos pensées, nos habitudes et nos systèmes puissent changer, et qu’une fois la tempête passée nous continuerons notre marche folle sans rien vraiment changer.
Je ne sais pas; rien n’est totalement écrit d’avance et la complexité du monde nous dépasse. On verra bien assez tôt l’allure que prennent les choses… En attendant je continue mon travail d’enquête pour malgré tout essayer d’y voir un peu plus clair.
Bon courage à tous !